Jean-Marie Le Clézio nous parle de la Bretagne de son enfance et déplore la disparition du breton dans Chansons bretonnes.
C’est vrai, on ne sait pas mobiliser les grands noms qui s’illustrent à Paris et qui, l’âge venant, se souviennent qu’ils sont bretons. C’est le cas de Jean-Marie Le Clézio, prix Nobel de littérature en 2008. Il vient de publier Chansons bretonnes (Gallimard), livre dans lequel il évoque la Bretagne de son enfance, celle qu’il a connue lors des étés passés près de Bénodet entre 1948 et 1954.
« Il y avait alors des marqueurs très forts, qui se sont effacés depuis. Le principal, c’était la langue bretonne. À l’époque nous habitions Nice, mon père, ma mère, mon frère et moi. L’été nous étions immergés dans une société où le breton était dominant. Il fallait apprendre des mots : pour jouer avec les autres enfants, aller à la pêche avec eux et se différencier des simples touristes… Pourquoi le breton a-t-il disparu ? Au fond, c’est pour cela que j’ai eu envie de parler de la Bretagne. Le progrès économique s’est accompagné d’une dégradation culturelle (…) La Bretagne de mon enfance était miséreuse. Les pêcheurs s’en sortaient, mais les agriculteurs vivaient dans la dèche, dans des conditions qui, aujourd’hui, seraient celles d’un paysan africain, avec un sol enterre battue, une maison chauffée par le bétail et juste une cheminée. Tout ça était encore là quand j’étais enfant. C’est la Bretagne qu’avait connue Gauguin, avec des problèmes économiques très graves. Aujourd’hui les villages sont devenus propres, on a planté des fleurs, ça ressemble parfois moins à la France qu’à la Hollande… » (L’Obs, 26 mars 2020).
Un grand écrivain français intervenant en faveur de la langue bretonne, voilà qui aurait de la gueule. Les médias « officiels » ne pourraient que lui ouvrir leurs portes. Encore faut-il que les militants comprennent l’importance de l’appui médiatique. C’est peut-être l’erreur commise récemment par Paul Molac. Son opération, à l’Assemblée nationale, faisait figure de combat solitaire et ne bénéficiait pas des soutiens indispensables pour que les politiques bretons se sentent concernés. Mais qu’un nombre important de gens connus de la littérature, du spectacle et du sport signent un appel en faveur du breton, voilà qui donnerait du poids à l’affaire. Et nos députés et sénateurs se sentiraient obligés de se remuer, habitués qu’ils sont à pratiquer le « suivisme ». Bien entendu, il faut donner à l’opération un côté « moderne » et sortir du cercle breton habituel.
B. Morvan
Crédit photo : ActuaLitte/Wikimedia (cc)
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