Chaque dimanche matin, France Culture consacre l’essentiel de son temps d’antenne à des émissions préparées par des représentants de certaines des religions présentes en France.
Cela débute à 7h00 par Questions d’islam, animée par Ghaleb Bencheikh. À 8h10, ce sont les divers courants des chrétiens d’Orient qui se relaient. Le service protestant leur succède à 8h30. Marc-Alain Ouaknin prend le relais à 9h10 avec Talmudiques, qui offre une large réflexion sur le judaïsme, l’histoire et la culture du peuple juif. Puis, sous le titre humoristique « divers aspects de la pensée contemporaine », les obédiences des églises franc-maçonnes ou d’associations proches (GODF, GLNF, Union rationaliste, Libre pensée…) se partagent le temps d’antenne entre 9h40 et 10h. Il peut paraître très réduit comparé aux autres. En fait, c’est assez logique car ils sont très présents toute la semaine dans la plupart des émissions de Radio France. À 10h10, et non plus à 10h, les catholiques peuvent suivre la messe du dimanche. À 11h, en dehors de cette période de confinement, qui déstabilise même les émissions les mieux établies, ce sont les invités d’Émilie Aubry, représentants de l’église oligarchique et de l’État profond, qui nous disent comment il faut comprendre les événements de la semaine.
Comme chacun le constate, seules les religions monothéistes ont droit de parole sur France Culture. Les polythéistes (druidisme, hindouisme, bouddhisme…) n’y sont pas admises. Le slogan orwellien » France culture, l’esprit d’ouverture « , répété sans cesse sur l’antenne, montre qu’en ce domaine comme dans tous les autres il ne traduit pas la réalité de l’information de cette radio.
Ce dimanche 5 avril – est-ce l’effet coronavirus ? – le GODF avait invité le frère Amine El Khatmi, conseiller municipal et communautaire (PS) à Avignon. Âgé de 31 ans, ce dernier est président du Printemps républicain, une association fondée en mars 2016 qui regroupe des intellectuels, des élus et des citoyens qui souhaitent défendre la laïcité et les principes républicains. Il est l’auteur d’un ouvrage, Combats pour la République, qui a balayé bien des postulats de la gauche intellectuelle bien-pensante, qui règne en maître sur les chaînes de Radio France et, habituellement, parmi les invités du GODF. En effet, il a pris en compte les réalités de la société française actuelle, qui sont généralement niées par ces intervenants.
Notre homme n’a pas mâché ses mots reprenant les divers constats exposés dans son livre ainsi présentés : « Fonctionnaires épuisés, classes populaires abandonnées, autorité de l’État contestée, liberté d’expression et laïcité menacées, Juifs et homosexuels attaqués, droits des femmes bafoués ; j’ai décidé de vous parler de cette France qui souffre, s’abîme et menace de faire sécession, pendant qu’une partie de la gauche se vautre dans le déni en feignant de ne pas voir les problèmes. Mais parce que je suis convaincu que nous pouvons nous en sortir, j’ai également décidé de vous parler du génie de notre devise républicaine, qui permet d’échapper à l’assignation identitaire, de cet idéal universaliste mondialement admiré, de notre patrimoine, de notre culture, de notre système de protection sociale, de ce goût immodéré pour l’irrévérence et la satire ; bref, de tout ce qui fait de la France un pays extraordinaire.
Moi, Amine El Khatmi, Français, fils d’immigrés marocains et élu de terrain à Avignon, j’ai décidé de lancer un cri d’alarme et un appel au sursaut. Le cri d’alarme pour dénoncer la montée du communautarisme et des replis identitaires. L’appel au sursaut pour que se lève une gauche républicaine et sociale, féministe et universaliste, laïque et écologiste, qui en finira avec les atermoiements et les reniements qui ont conduit à l’impasse. Mais, pour cela, il faudra faire preuve de courage politique et oser des solutions radicales. Je propose notamment la mise sous tutelle des territoires perdus de la République. »
Le cri d’alarme de ce fils d’immigrés marocains pour dénoncer la montée de l’islamisme, du communautarisme et la responsabilité de ceux qui s’en sont rendu complices sera-t-il entendu dans son camp ?
En tous les cas, pendant l’émission, son interlocuteur du GODF, qui approuvait la démarche d’Amine El Khatmi, n’a pas fait son mea-culpa pour avoir nié cette situation et les conséquences qui en ont découlé. Cela témoigne en réalité du malaise et des contradictions qui règnent actuellement au sein d’une gauche passablement déboussolée par le contexte historique.
Et la crise liée à la pandémie du covid-19 ne devrait pas arranger les choses.
Jean THEME
Photo : DR
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