Macron n’est pas le seul à faire de la politique spectacle. Maintenant que toute l’UE est barricadée et ne se préoccupe plus que du seul coronavirus, les autorités turques ont évacué en bus et placé en quarantaine les quelques milliers de migrants qu’elles avaient amenés il y a un mois à la frontière grecque, équipés de grenades lacrymogènes, et dont elles soutenaient les attaques quotidiennes contre les gardes frontières grecs (puis autrichiens, chypriotes, polonais, belges, hongrois… venus en renfort).
Comme le dit le proverbe russe tiré d’Othello, « le Maure a fait son affaire, le Maure peut s’en aller ». En guise de Maures, il y avait d’ailleurs pour l’essentiel des Afghans, des Pakistanais,des Somaliens et autres Irakiens… et seulement 4% de Syriens censés fuir la guerre dans leur pays, aggravée par l’ingérence turque dans la province d’Idlib. Ingérence aux côtés des rebelles djihadistes qui avait fini par se heurter à l’aviation et à l’armée russe, d’où cette tentative d’invasion migratoire soutenue par la Turquie pour tenter de faire pression sur l’UE et obtenir des armes, ainsi qu’un engagement de l’OTAN sur le front syrien. Raté.
Derrière eux, les migrants massés près des points frontières grecs de la région de l’Evros ont laissé des monceaux de déchets, bâches, pneus, vieux vêtements, débris de munitions diverses, bouteilles, feux de camp etc. Un faux air de jungle de Calais ou du camp du dernier carré de l’Etat Islamique à Baghouz, au nord-est de la Syrie. Desespérant de ranger tout ça, les autorités turques ont préféré aggraver la pollution ambiante – alors que la moitié confinée du monde applique pour une fois le protocole de Kyoto avec l’arrêt presque total de l’économie et de la circulation automobile – en incendiant le tout, ce 28 mars au matin.
Quarantaine pour cause de covid-19
Entre 1 500, selon les Grecs, et 5 800 (selon les autorités turques) réfugiés encore en place ont été ramenés par les autorités dans neuf provinces turques et placés sous quarantaine – en effet après avoir menti pendant des semaines et caché des dizaines de morts, la Turquie est désormais frappée de plein fouet, avec ce 27 mars 5698 cas officiels (2069 nouveaux en 24 heures), 92 morts officielles (17 de plus en 24 heures) et au moins 68 personnes en état critique. Un confinement partiel – total pour les personnes de plus de 65 ans – a été mis en place, surtout dans les 7 plus grands centres urbains, et la Turquie envisage la mise en place rapide d’un état d’urgence sanitaire… Ce confinement se traduit déjà par une forte hausse des violences conjugales et intrafamiliales, alertent les associations turques d’aide aux femmes battues.
L’épisode d’invasion migratoire à la frontière grecque est donc – provisoirement ? – terminée. Contrairement à l’invasion migratoire de 2015, il a donné lieu à une mobilisation rassurante tant des habitants locaux – sur les îles grecques comme le long du cours de l’Evros – que des autorités, qui ont opposé une calme et ferme détermination à n’en laisser entrer aucun sur le territoire. Les Grecs ont rapidement été soutenus par les Bulgares – qui ont ouvert les vannes de leurs barrages pour faire gonfler le cours de l’Evros et rendre les traversées de migrants plus difficiles – et les Chypriotes, puis les Polonais et les Autrichiens.
Même les pays habituellement favorables à l’accueil de migrants, comme la France, l’Italie dirigée par la coalition des gauches et l’Allemagne se sont tus – ce qui montre l’importance du changement d’avis des opinions, en Grèce et ailleurs. La mobilisation des polices et gardes-frontières belges, autrichiens, polonais, hongrois ou chypriotes aux frontières grecques est un tardif mais ferme message européen envoyé aux envahisseurs et à ceux qui les sponsorisent. Reste à savoir si le coronavirus enterrera ces velléités turques d’asservir l’Europe en instrumentalisant les migrants, ou si elles reprendront une fois la situation sanitaire améliorée.
Louis Moulin
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