De quoi faire beuguer les Pro-Palestiniens bretons qui manifestaient à Quimper ce mardi 4 février. Très actifs, bien relayés par Ouest France et le Télégramme, ces militants ont des idées bien arrêtées sur la question.
Pourtant sur le terrain, les désirs des populations arabes sont plus complexes que celles de leurs soutiens occidentaux.
Le Plan Trump : un plan cash, détaillé et taillé sur mesure pour les Israéliens
Présenté le 28 janvier à la Maison Blanche en l’absence des Palestiniens, en début d’année électorale, le plan défini par Trump pour la paix a vraisemblablement été concocté en détail avec les dirigeants israéliens (y compris ceux de l’opposition). La carte qui en résulte nous informe sur le niveau de concessions que la société israélienne est prête à faire pour arriver à la paix.
- La solution à deux Etats est acceptée et même souhaitée par une majorité d’Israéliens.
- Chaque Etat conserverait la même superficie qu’il avait avant la Guerre des 6 Jours (1967), mais les frontières de l’armistice ne seraient pas respectées. Des échanges de territoires de même dimension auraient lieu.
- Les échanges de territoire seraient à l’avantage des Israéliens. Ainsi ces derniers prendraient la vallée du Jourdain et abandonneraient des portions du désert du Néguev. A Jérusalem, le cœur historique resterait annexé au vainqueur de 1967, tandis que les Palestiniens récupéreraient quelques quartiers arabes périphériques, avec le droit d’en faire une capitale et de la baptiser Al-Qods.
- Un Etat serait moins souverain que l’autre : l’Etat palestinien serait démilitarisé
- Chaque Etat serait un « foyer national », avec une homogénéité ethno-culturelle. Le futur Etat palestinien sera cela va de soi 100 % arabe et à 97 % musulman. Israël qui compte actuellement 18 % de musulmans et 2 % de chrétiens verrait sa majorité juive préservée. Les réfugiés palestiniens partis dans les pays voisins ne seraient ainsi pas autorisés à revenir en Israël. Mieux, cette majorité serait renforcée. En effet des territoires qui sont reconnus internationalement comme israéliens pourraient revenir à l’Etat palestinien : il s’agit notamment de la ville d’Umm al-Fahm et de sa région : près de 350 000 Arabo-musulmans de nationalité israélienne y habitent.
Les Arabes d’Umm Al Fahm ne veulent pas qu’on les libère d’Israël
Les opposants les déterminés au plan Trump, ce sont précisément ces Arabo-israéliens. Mais pour une raison contre-intuitive.
« Je suis contre. Tout le monde est contre !», assène le maire d’Umm Al Fahm, Samir Sobhi, à un journaliste occidental (Libération, 3/2/2020). Selon lui, le plan Trump avec sa philosophie ethno-centrée est un mauvais coup venu de l’extrême-droite : « C’est une vieille idée ! Lieberman (ancien ministre de la défense, chef du parti le plus nationaliste d’Israël) en parle depuis 2004. Quelle hypocrisie ! On dit qu’on doit s’intégrer, mais on tente de nous bazarder en secret !» Sur sa lancée, au-delà de l’extrême-droite, le maire accuse toute la société israélienne : « Toujours l’obsession démographique. On paie aussi notre réputation parce qu’on n’a pas renié notre identité. L’humiliation, c’est d’être échangés contre les colons ! Nous, on n’a pas volé de terres ! C’est Israël, en 1949, qui a voulu qu’on fasse partie de ce pays.»
Pendant la guerre d’indépendance de 1948, l’armée israélienne victorieuse a expulsé manu militari une grande partie de la population arabe, épargnant effectivement quelques poches comme Umm al-Fahm. Les habitants se sont retrouvés minoritaires dans leur ancien pays, mais ont obtenu la nationalité du nouvel Etat et les droits associés à ceux d’un pays démocratique. Leur culte, leur langue, leur droit de vote sont respectés et des députés et des maires communistes ou islamistes sont élus librement. Les Arabes israéliens profitent un peu de la prospérité israélienne avec un niveau de vie supérieur à la moyenne du Moyen-Orient. Aucune crainte pour leur avenir en tant que communauté : à la différence des chrétiens arabes très occidentalisés, les musulmans d’Israël font beaucoup d’enfants et n’ont jamais été aussi nombreux.
Dans une galerie d’art d’Umm al-Fahm, une cliente juive venue de Tel Aviv décrypte à l’envoyé spécial de Libération le fond de la pensée de ses concitoyens arabes : malgré les discours nationalistes tenus en public, ils ne veulent à aucun prix appartenir à un « Etat musulman, sans night-club ni musée ». Trump a beau promettre un chèque de 50 milliards de dollars aux Palestiniens, de quoi créer la Suisse du Proche-Orient : les Arabes israéliens, bien informés de ce qui se passe dans la région, n’ont aucune illusion : leur société en l’état actuel leur semble culturellement incapable d’accoucher d’un pays moderne. Et ce n’est pas un exemple isolé. En 1962, l’Algérie accède à l’indépendance dans une atmosphère de liesse. C’est la même année que les départs d’immigrés vers la France commencent massivement : comme si les Algériens les plus avisés avaient compris que les choses allaient mal tourner.
Vu de Bretagne, avec les yeux des Pro-Palestinien : des idées simples sur une situation simplifiée
De toutes les nations opprimées de par le monde, les Palestiniens sont ceux qui motivent le plus les Bretons sur le terrain. Pas d’année sans un festival qui les mette à l’honneur. En octobre 2019, un Palestinien présidait le Salon du Livre régional de Carhaix. Du 9 au 26 janvier dernier, c’était la Quinzaine de la Palestine en Trégor à Lannion, Bégard et Plestin, avec la participation des institutions culturelles locales. L’identification à cette minorité sans Etat semble jouer à fond. Et pourtant les Bretons ont largement moins de droits culturels reconnus que les Arabes Israéliens, en tout cas sur le papier ; la langue et la société de ces derniers sont en meilleure santé. Aux Bretons, les Palestiniens devraient faire plus envie que pitié.
Mais ce n’est pas ainsi que les militants de sensibilité pro-palestinienne ressentent les choses. Voilà enfin une cause simple à comprendre, qui les fait s’évader de la grisaille, qui les conforte dans leur vision du monde divisé en opprimés et en oppresseurs, et qui les fait appartenir au bon camp. L’histoire des gens d’Umm al-Fahm, fiers d’être palestiniens mais désirant rester israéliens, dérange ces visions.
En 2018, 3 papys membres du collectif France Palestine Solidarité de Morlaix sont allés visiter Hébron, un des points chauds des territoires palestiniens. Ouest-France était là pour recueillir leur impression de voyage. Alors la Cisjordanie, c’était comment ? Quelque chose qui ressemble à l’Occupation nazie, voire pire peut-être, ont-ils témoigné au journaliste de Ouest-France, qui résume sans nuance : « Hébron, c’est comme imaginer la France sous l’Occupation ».
Yffic
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