Ce dimanche 26 janvier avaient lieu les élections tant attendues en Émilie-Romagne et en Calabre. Retour sur les résultats dans les deux régions.
Émilie-Romagne : la fin d’une époque
Dès les premières estimations, l’issue était plus que prévisible : Stefano Bonaccini (PD) est de nouveau président de la région Emilie-Romagne avec presque 8 points d’avance (51,4% contre 43,6%) sur la Lucia Borgonzoni (Lega).
Encore aujourd’hui, la presse mainstream chante la grande victoire du PD grâce au « bon gouvernement » de son candidat. C’est l’euphorie générale pour le centre-gauche : Zingaretti a remercié les Sardines et Conte prévoit le déclin de Salvini. Même, le conseiller du pape (co-directeur de la revue jésuite Aggiornementi Sociali et ex-directeur de Civiltà Cattolica), le père Bartolomeo Sorge exulte et écrit dans un tweet : « Deux Italies. Emilie-Romagne : riche, regardant vers le futur, revigorée par les têtes fraîches des « sardines ». Calabre : sans croissance, s’appuyant sur le parti anti-méridional qu’est la Ligue, sans espoir ».
Bonaccini, lui, s’adule lui-même « j’ai gagné parce que je suis crédible » soulignant la défaite de la Ligue qu’il n’a cessé d’attaquer sur twitter et la nécessité d’une gauche unie. Toutefois, il s’est empressé d’oublier de mettre le logo du PD sur toutes ces affiches de campagne. En effet, le parti et ses scandales auraient bien trop entaché sa campagne. Et ce petit tour de force a payé largement. En effet, Bonaccini a reçu un immense soutien de la part des plus de 64 ans et pourtant quelques mois auparavant, des élus du PD déclaraient qu’il fallait « retirer le droit de vote aux personnes âgées » parce qu’elles étaient « ennemies du progrès et incapable de s’ouvrir au monde ». Mais pas seulement, à Bibbiano, théâtre du scandale du trafic d’enfants, Bonaccini obtient un score de 56,7%.
Le M5S, lui, a corps et bien disparu de la scène politique, obtenant 3,5%.
Le vote des grandes villes
Trois facteurs principaux ont contribué à la victoire de Bonaccini : le vote des grandes villes telles que Bologne, Modène, Reggio-Emilia, Ravenne et Forlì, 56% des électeurs du M5S ont voté pour Bonaccini et les Sardines ont alimenté le retour aux urnes pour vaincre « le péril fasciste ». En effet, en Émilie-Romagne, le taux de participation a doublé par rapport aux élections de 2014 : il est en effet passé de 36,83% à 67,67%. Et tout le monde s’accorde à dire que le rôle des Sardines dans la victoire du PD en Emilie-Romagne et surtout dans le taux de participation est assez important. Comme l’explique aussi La Verità (édition papier du 27 janvier 2020), « ils ont réussi à faire voter les gens d’Émilie-Romagne qui avaient perdu toutes illusions et qui avaient préféré déserté les urnes lors des dernières élections ».
#EmiliaRomagna
La mappa del primo partito per provincia: il centrodestra è avanti nel piacentino, nel ferrarese e sugli appennini, mentre il centrosinistra prende molti consensi nei grandi centri.#MaratonaYouTrend pic.twitter.com/FwgxaD8QI2— YouTrend (@you_trend) January 27, 2020
Les erreurs du centre-droit
La plus grosse erreur du centre-droit est d’avoir mis la barre trop haute, avec des déclarations bien trop optimistes : « ils auraient dû être plus prudents », explique Andrea Carriero, analyste politique. Ils pouvaient difficilement récupérer ce bastion rouge qu’est l’Émilie-Romagne même après leur victoire en Ombrie qui est une région trois fois plus petite. Et cette victoire en Ombrie ne pouvait que faire prendre conscience du « danger » à leur voisin d’Emilie-Romagne, d’où le soulèvement des Sardines.
Une seconde erreur a été de laisser seul Matteo Salvini : il a tourné dans toute l’Emilie-Romagne jour et nuit et le reste de la coalition n’a pas été présent, surtout Silvio Berlusconi qui s’est occupé de la campagne en Calabre. En effet, contrairement à Bonaccini, qui n’a mené seul, qu’une campagne, la sienne, les trois leaders du centre-droit se sont divisés entre les campagnes d’Émilie-Romagne et de Calabre, soutenant au maximum leurs candidats. Parce que de fait, la candidate Lucia Borgonzoni s’est révélée être une « candidate inadaptée », comme nous le disait Andrea Carriero, position partagée par la droite comme par la gauche. L’Inkiesta, un journal italien classé à gauche, titrait le 25 janvier 2020, à la veille des élections : « Lucia Borgonzoni, qui est la candidate fantôme de l’Emilie-Romagne ». Romano Prodi (PD), ex premier ministre, déclarait à La Stampa : « Elle n’existe pas (Lucia Borgonzoni).Comment puis-je émettre un jugement sur une personne qui n’a pas de projet ? Et surtout il est difficile de comprendre ce qu’elle fait, veut faire et ce qu’ils (sous-entendu la Ligue – NDLR) lui laisseront faire parce que de fait elle est prisonnière ». Un autre point de vue intéressant est celui d’Iva Zanicchi, une chanteuse, actrice, présentatrice télé et eurodéputé, sympathisante de Forza Italia (Berlusconi) qui explique au journal AdnKronos : « Je l’avais prévu parce que je connais les gens d’Émilie-Romagne. Stefano Bonaccini a bien gouverné. Il fallait un candidat plus fort pour l’affronter. Le choix des candidats est fondamental. En Émilie-Romagne, j’aurais mis un homme comme candidat parce que pour certains postes, même dans cette Émilie-Romagne rouge, ils préfèrent les hommes ».
Toutefois, ce qu’il faut retenir de l’Émilie-Romagne, c’est que le bastion rouge a tremblé sérieusement : Stefano Bonaccini a dû faire une vraie campagne pour se maintenir, le gouvernement actuel n’en sort absolument pas renforcé. En effet, le centre-droit a fait une progression exceptionnelle. Fratelli d’Italia (Giorgia Meloni) a atteint les 8,6% même s’il reste sous la moyenne nationale qui le donne à 10%, ils sont en hausse par rapport aux européennes de 2019. C’est donc une victoire contrastée même si chacun tente de tirer la couverture à soi en revendiquant la victoire.
En effet, Giorgia Meloni (FDI) revient ainsi sur les élections : « En Émilie-Romagne, nous avons couru pour gagner. Nous n’avons pas réussi mais nous pouvons être satisfait du résultat du centre-droit. La victoire aurait été historique mais aussi le fait d’avoir maintenu le suspens jusqu’à la fin marque la fin d’une époque.(…) Il faut se battre parce que tout peut changer, les bastions n’existent plus.(…) Franchement, je ne pense pas qu’il y ait beaucoup à fêter de la part de la gauche. Le centre-droit a gagné dans 8 régions sur 9, si donc la gauche réussit à garder une de ses régions historique, je ne pense pas qu’il y ait quoi que ce soit à fêter.(…) FDI est le véritable gagnant de ces élections, c’est le seul parti à croître en Émilie-Romagne comme en Calabre ».
Pour Matteo Salvini, le résultat est satisfaisant : « Jusqu’à hier, entre l’Émilie-Romagne et la Calabre, la Ligue avait 9 conseillers. Maintenant elle en a 19. (…) Si toutes les défaites étaient ainsi, y a pas de problème ! Nous n’avons perdu qu’une élection sur 9, et ce dans la région la plus rouge de toute et nous sommes en tête dans plusieurs provinces (En Italie, les provinces sont le territoire d’une grande ville et composent les régions – NDLR) ».
En Calabre, victoire sans conteste du centre-droit
En Calabre, le résultat était assez évident. Le centre-droit avec comme candidate Jole Santelli a triomphé avec 55,3% des voix et la coalition est assez équilibrée avec Forza Italia (Berlusconi) en tête à 12,3% suivi de la Ligue à 12,2% et de Fratelli d’Italia (Meloni) à 10,9%. La liste personnelle de la candidate centre-droit elle, a obtenu 20% des voix. Par rapport aux européennes de 2019, tous les partis sont en déclin surtout la Ligue qui est passée de 22% à 12%. Comme l’explique Andrea Carriero, « Salvini s’est trop concentré sur l’Emilie-Romagne oubliant en parti la Calabre. En règle générale, c’est une élection qui n’a pas obtenue de visibilité dans la presse due notamment au manque de présence de leaders politiques influents sur place ».
Concernant la gauche, le PD est en tête avec 15%, mais c’est une bien maigre consolation. En effet la précédente gestion s’est révélée catastrophique et comme le souligne Andrea Carriero avec raison, « au sud les gens changent rapidement d’opinion ». Le M5S arrive à peine 7,4% ce qui est un désastre totale considérant que le sud est globalement le bastion du M5S. Pire, sur les 173.977 bénéficiaires du revenu de citoyenneté (loi promue par le M5S) seuls 48.221 ont revoté le M5S.
Le taux de participation, lui n’a pas bougé par rapport aux précédentes élections régionales de 2014 : 44,33% en 2020 contre 44,16% en 2014.
Ce sont donc des élections très contrastées faisant face à de nombreuses problématiques allant de la stabilité gouvernementale à la question du sud (questione meridionale) en passant par les problématiques internes à chaque région. Toutefois, chacun peut en tirer des leçons : pour le centre-droit italien, notamment, il ne faut jamais partir la fleur au fusil quelque soit la région et le choix du candidat est fondamental. Finalement ces élections n’auront pas eu l’impact national que voulait leur donner le centre-droit : le centre-gauche comme le centre-droit n’en sortent ni renforcés, ni plus faibles.
Toutefois, depuis la France, Marine Le Pen a tenu à féliciter Matteo Salvini par ce tweet :
Félicitations à notre ami @matteosalvinimi dont la coalition gagne la région de Calabre avec 55% des voix, et qui augmente de 15 points son score (à 44%) dans le « fief rouge » d’Emilie-Romagne. MLP
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) January 27, 2020
De notre correspondante, Hélène Lechat
Crédit photos : DR
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