Sept ans après le tome 1, Nicolas Malfin termine la bande dessinée Cézembre, qui décrit la destruction de Saint-Malo par les Alliés en 1944.
Août 1944, à Saint-Malo. Depuis plus de quatre ans, la ville est occupée par l’armée allemande. Celle-ci transforme la vieille ville en forteresse, protégée des assauts extérieurs par l’île de Cézembre, au large de la cité malouine. À l’approche de l’armée américaine, la nervosité gagne les troupes allemandes. Erwan, jeune Cancalais, a de plus en plus de mal à franchir les barrages, aux portes de la ville, pour ses activités de contrebande. Il rêve de venger la mort de son père, qui s’était sacrifié quatre ans plus tôt en fracassant sur les rochers son bateau réquisitionné par l’ennemi. Il cherche ainsi un moyen de rejoindre la Résistance, au grand dam de son grand-père et de Françoise, la très jolie fille d’un boulanger entré en résistance, dont il est amoureux. Mais il doit lutter contre le Malouin Bastien Fenec, l’un de ses anciens amis, lequel espérant obtenir une Bretagne indépendante travaille pour le compte des Allemands. C’est alors que l’occupant allemand resserre l’étau sur la population. Les contraintes sur la vie quotidienne sont de plus en plus fortes. Le colonel allemand Von Aulock ordonne l’évacuation de la vielle ville. Encouragés par la progression de l’armée américaine, les résistants malouins prennent de plus en plus de risques. Mais des Malouins sont retenus en otage dans le Fort National, îlot situé face à la ville de Saint-Malo. Ils observent les bombes américaines réduire leur ville en cendre. Lui-même otage, Erwan part du fort à la nage pour apporter un message aux Alliés dans l’espoir de les convaincre d’attaquer la cité d’Aleth, et non la ville de Saint-Malo. Pendant ce temps, comprenant que la défaite allemande est inéluctable, Bastien tente de changer de camp. En plein bombardement de Saint-Malo, Bastien et Françoise fuient à la nage. Ils sont interceptés par une vedette allemande. Mais celle-ci est attaquée par un chasseur allié. Bastien et Françoise sont recueillis par des soldats allemands sur l’île de Cézembre. L’officier allemand reste convaincu que le IIIème Reich finira par l’emporter. Les bombes américaines commencent alors à tomber sur l’île de Cézembre…
La bande dessinée Cézembre raconte la libération de la ville de Saint-Malo. Le scénarise-dessinateur Nicolas Malfin entremêle avec réussite des parcours individuels imaginaires avec l’Histoire de la Libération. Pour décrire l’ambiance en août 1944, il s’est en effet inspiré des témoignages de Malouins.
Mais dans son récit riche en rebondissements, on peut regretter dans le tome 1 un certain manichéisme : les « méchants allemands » d’un côté, les « gentils résistants » de l’autre. C’est la loi du genre… Nicolas Malfin explique ainsi le rôle de Bastien Fenec : « il n’est pas qu’un simple collabo ou milicien, il est le reflet de cette jeunesse bretonne qui croyait dans la Bretagne libre et qui a été instrumentalisée par les services de renseignements allemands. Les SS ont manipulé ces jeunes, ils les ont instruits, puis infiltrés dans les réseaux de résistance. C’était capital de traiter de cette histoire si particulière de la collaboration et de la résistance en Bretagne ». C’est pourquoi, dans la bande dessinée, Bastien change d’avis au sujet de l’Allemagne (tome 1, p. 52) : « je me bats pour une Bretagne nouvelle, contre les communistes et les gaullistes. Mon idéal est lié à cette terre, à cette pierre dure et noble. C’est ma fierté de Breton. Mon âme est dans cette ville et je ne laisserai jamais aucun Allemand, SS compris, détruire Saint-Malo. Mon combat n’est pas le leur. J’ai cru qu’il l’était… Mais je me suis trompé ». Le scenario du tome 2 est mieux ficelé. Tout en critiquant l’intransigeance d’officiers allemands, il dénonce aussi les exactions commises par les résistants sur de jeunes Malouines soupçonnées d’avoir pratiqué la « collaboration horizontale ».
Cette bande dessinée est l’occasion de rappeler que la cité malouine fut dévastée, en août 1944, par les bombardements alliés et les incendies qui suivirent. Or la garnison allemande se trouvait en réalité sur la cité voisine d’Aleth. Quant aux allemands sur l’île de Cézembre, ils ne se rendirent que près d’un mois plus tard, après un pilonnage terrestre, maritime et aérien intensif.
Un plan astucieusement intégré au début de la bande dessinée permet facilement de se repérer. La reconstitution du Saint-Malo d’autrefois est particulièrement convaincante (files d’attente aux magasins d’alimentation, affiches de propagande…). Nicolas Malfin, qui passait ses vacances en famille à Saint-Malo, reconnaît que ses recherches n’ont pas été faciles. Il s’est rendu à de nombreuses reprises aux archives départementales d’Ille-et-Vilaine, à la bibliothèque de Saint-Malo. En 1944 en effet, Intra-Muros n’avait pas le même visage que celui d’aujourd’hui. Nicolas Malfin déclare avoir « pris un réel plaisir à dessiner les vieilles rues étroites de Saint-Malo, avec ces maisons à pans de bois et aux fenêtres en vitrail. Le clocher de la cathédrale qui sera détruit par un dragueur de mines. L’hôtel Chateaubriand devenu la Kommandantur de Saint-Malo. Ses restaurants, la Duchesse Anne, le Café de la Bourse ou encore le Pomme d’Or ». Son dessin est, comme toujours, particulièrement soigné. Les cadrages dynamiques des scènes d’action sont réussis.
La colorisation est faite sur ordinateur par Élodie Boivin (tome 1, première édition) et Meephe Versaevel (tome 2 et réédition du tome 1).
Kristol Séhec
Nicolas Malfin, Cézembre, Première partie, 70 pages. Seconde partie, 74 pages. 17,50 euros chacun. Collection Aire libre, Édition Dupuis,
Illustrations : DR
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