On connait tous la célèbre chartreuse verte, mais savez-vous qui la fabrique et d’où elle vient ? Du monastère de la Grande Chartreuse dans les Alpes, bien sûr ! Mais qu’en savez-vous exactement … ? Peut-être pas grand chose, alors (re) découvrez tout ce qu’il faut savoir…
Histoire de la fondation
Nous sommes en l’an 1070. Saint Bruno est à ce moment là un grand savant et directeur des écoles de la ville de Reims. À plus de cinquante ans, il ressent un appel de Dieu à partir loin du monde, pour se consacrer entièrement à la prière.
Il vend alors tous ses biens et part avec six compagnons vers Grenoble. Après de longues journées de marche, ils arrivent enfin dans la “capitale des Alpes”. Saint Bruno se rend auprès de l’évêque de Grenoble, pour qu’il l’aide à trouver un endroit silencieux pour bâtier un monastère.
C’est ainsi dans les montagnes de Chartreuse que la petite communauté s’installe en 1084. Là, ils édifient le premier monastère de l’ordre des Chartreux. Quelques cabanes de bois et une petite chapelle sont alors bâties, pour permettre aux compagnons de mener une vie simple et silencieuse.
Cependant, six ans plus tard, saint Bruno est appelé à rejoindre le pape Urbain II, à Rome, pour aider ce dernier à réformer l’Eglise. Saint Bruno accepte à contre-coeur, mais demande deux ans plus tard de reprendre sa vie d’ermite. Le pape lui propose alors de construire un second monastère au sud de l’Italie : “la chartreuse de Serra San Bruno”. Il y vit jusqu’en octobre 1101, où il meurt à 70 ans, sans avoir eu le temps d’écrire les règles de la vie des chartreux… ! C’est ensuite Guigues 1er, un des premiers prieurs de maison de Chartreuse, qui mit par écrit les coutumes pratiquées par les moines. Cela permet d’organiser et de structurer un peu cette vie “cartusienne” qui grandit à foison…
Entre les prières, une vie de travail
Même si les chartreux ont une vie de prière particulièrement développée, ils n’en restent pas moins hommes, avec la nécessité de travailler pour pouvoir s’aérer l’esprit, et s’accomplir manuellement. Voici les différents métiers qu’ils ont pu exercer au cours des siècles :
- Au départ en 1084, les premiers compagnons commencent par déboiser une partie de la forêt présente. Les moines élèvent aussi des moutons, quelques cultures de légumes et des céréales pauvres.
- Plus tard, au XIIe siècle, les moines exploitent des mines de fer à proximité du monastère. Les arbres des alentours sont transformés en charbon.
- Au XVIIe siècle, l’essor de la marine augmente drastiquement les besoins en mâts de beteau. Les chartreux peuvent alors vendre des sapins : ceux de la région de la Chartreuse sont en effet célèbres pour leur robustesse et leur haute taille !
La vie aujourd’hui de l’ordre des Chartreux
Depuis les origines, les chartreux ont encore la même devise : “Stat Crux dum volvitur orbis”, ce qui signifie “la croix reste debout tandis que le monde tourne”. Bel exemple de stabilité qui traverse les siècles !
Aujourd’hui, on compte environ 450 moines et moniales, répartis sur trois continents. En France en particulier, on dénombre six maisons cartusiennes. Le monastère de la Grande Chartreuse est bien sûr la plus importante d’entre elles, car il s’agit de la maison mère.
Concrètement, la vie d’un chartreux est réglé comme du papier à minute, entre prière et travail.
Côté prière, les moines récitent huit offices par jour, et passent près de vingt heures par jour dans leur cellule, qui est le centre de leur vie matérielle. Ce rythme est relativement intense et exigeant : par exemple, ils se lèvent au milieu de leur nuit pour les “matines”, l’office de nuit, avant d’aller se recoucher ensuite.
Et la petite détente (quand même!) arrive le dimanche, où les moines mangent en communauté au réfectoire, ainsi que le lundi, où ils s’autorisent une promenade pour se détendre. Cela permet de faciliter les échanges au sein de la communauté, et cette petite bouffée d’air frais leur est indispensable pour un bon équilibre de vie.
La distillation des liqueurs des pères chartreux
Mondialement connues, les liqueurs des pères chartreux font office de référence dans le monde de la distillation. Pour leur qualité bien sûr, mais aussi pour le mystère qui gravite autour de leur distillation…
La recette d’un “élixir de longue vie” est décrit dans un long et mystérieux parchemin confié aux chartreux en 1605 par le maréchal d’Estrées. Il a fallu plus d’un siècles aux moines pour déchiffrer ce manuscrit et réussi à fixer la recette. C’est chose faite en 1764 grâce à un chartreux apothicaire. Et aujourd’hui, la recette originale n’a toujours pas bougée, et elle est consignée secrètement dans un coffre dont seul le supérieur du monastère a la clé !
Si ce n’est pas déjà fait, voici les trois grandes liqueurs de la Grande Chartreuse, à goûter impérativement :
- l’élixir de la grande chartreuse : fabriqué depuis 1737, c’est la recette originale qui a donné plus tard naissance aux autres liqueurs. Titrant à 71% auparavant, les règlementations européennes ont obligé les moines à abaisser le volume alcoolique à 69%. Peut se savourer en infusion, en digestif, ou sur un sucre !
- la chartreuse verte : fabriquée à l’identique depuis 1764, elle est la seule liqueur naturellement verte au monde ! Ce procédé unique est le fruit de la connaissance multi-séculaire des moines, que le monde entier essaye d’imiter… Après son vieillissement en fûts de chêne, elle titre à 55%, et dégage des notes de citron, de menthe, d’anis ou encore de poivre.
- la chartreuse jaune : plus jeune, elle est née en 1836. C’est la plus douce du fameux trio, car elle titre à 40%, est relativement plus sucrée, et dégage plutôt des notes de miel, de fleurs et d’épices. Sa couleur légendaire, elle, vient du safran qui entre dans la recette !
A déguster avec modération : soit en digestif, soit en cocktail, mais toujours très frais (voire glacé) pour profiter des arômes des 130 plantes qui entrent dans la composition des liqueurs des pères chartreux !
Ecrit en collaboration avec Divine Box
Photo d’illustration : DR
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