Le 23 et le 24 octobre derniers, 47 chefs d’état africains et 10.000 invités de 104 pays ont participé au sommet Russie-Afrique, conçu pour remettre la Russie au cœur de la diplomatie en Afrique. Jusque-là, ce sont plutôt les pays occidentaux, la Chine et dans une moindre mesure les Etats-Unis et l’Inde qui y sont présents, se partageant ressources et influences stratégiques. Un certain nombre de contrats y ont été signés ou annoncés.
La Russie a notamment annoncé mettre « 500 millions de dollars », selon la présidence du RDC Congo, pour remettre en état le réseau ferroviaire datant de la colonisation, aujourd’hui éclaté en quatre zones distinctes et quasiment en ruines. Une stratégique calquée sur celle de la Chine ou… de Bolloré en Afrique de l’Ouest.
Bien que la Russie dispose d’une solide expertise dans la gestion et l’amélioration d’un réseau très étendu – le sien propre, selon le spécialiste de l’Afrique centrale Thierry Vircoulon, interrogé par France 24, il s’agirait d’un « contrat d’apparat », plus diplomatique que réel. La RD Congo prévoit aussi la construction commune avec des entreprises russes d’un gazoduc long de 1000 km.
Par ailleurs, Rosatom – l’équivalent russe d’Areva, la réussite technologique et le carnet de commandes en plus (133 milliards de $ pour 33 réacteurs dans le monde dont 7 démarrés et six en Russie, tous démarrés) – a annoncé la construction d’un centre de recherche et d’application pratique des technologies nucléaires au… Rwanda, avec lequel un memorandum sur l’usage du nucléaire civil avait été signé en juin dernier. Il produira notamment des isotopes pour soigner les maladies oncologiques, préparera des cadres pour l’industrie nucléaire locale et effectuera des analyses géologiques.
La Zambie de son côté a annoncé être en pourparlers avec Rosatom pour construire une centrale nucléaire ; le pays envisage la construction d’ici six ans d’un centre pour la production d’isotopes nucléaires pour l’usage médical et d’une centrale de 2400 MW. La Russie mène aussi des pourparlers avec l’Ethiopie pour mettre en place un centre de réparation de matériels aériens à Debre-Zeit, et avec l’Afrique du Sud pour produire ensemble du matériel militaire.
Au Maroc, la Russie devrait mettre 425 millions de dollars sur la table pour la construction d’une raffinerie ; au Soudan, vendre le système de DCA S-400, déjà en cours d’acquisition par la Turquie, au Nigéria, vendre 12 hélicoptères Mi-35. En Egypte, la SNCF russe, RJD, envisage l’extension du réseau ferroviaire local. En Angola, Ouganda, Nigéria, des bases pour la réparation, sur place, du matériel militaire russe et soviétique déjà vendu à ces pays seront ouverts.
Une partie de ces investissements se fait selon le programme « dettes contre aides », déjà actif au Madagascar : les dettes contractées par ces pays envers la Russie sont effacées avec des contreparties – faciliter le travail des entreprises russes, leur permettre d’exploiter des gisements ou d’accèder à des secteurs stratégiques de l’économie. Ce que fait depuis longtemps la Chine.
Près de 20 milliards de dettes africaines – de toute façon irrécouvrables – ont été annulés lors de ce sommet , des ventes d’armes russes ont été signées pour l’équivalent de 4 milliards de dollars, et 50 accord portant sur plus de 10 milliards d’euros ont été signés.
La Russie devrait ainsi accéder à l’exploitation de gisements de ressources minières au Sud-Soudan, Mozambique (Alrosa, diamants), Rwanda, Simbabwe (UralKalii, engrais et Alrosa, 30 permis de recherches minières signés), en Guinée (mémorandum pour la recherche de gisements pétroliers signé avec Lukoil), etc.
Poutine a annoncé de son côté que les échanges alimentaires entre la Russie et l’Afrique ont atteint 22 milliards de dollars sur l’année, soit plus que les ventes d’armes, à 15 milliards de dollars. Outre les contrats économiques, la Russie s’est vue aussi inviter à participer au G5 Sahel, qui jusque là était plutôt l’arrière-cour de la France – elle y est très impliquée pour soutenir plusieurs régimes et lutter contre le terrorisme, sur fonds d’enjeux économiques (uranium au Niger notamment) et migratoires.
Cependant le président du Burkina Faso, présent au sommet Russie-Afrique, a invité la Russie au prochain sommet du G5 Sahel (Burkina Faso, Mauritanie, Mali, Niger, Tchad) : « il est évident que les pays du G5 ne peuvent vaincre seuls tous les défis. Et c’est pourquoi je veux demander à la Russie de continuer avec nous notre partenariat stratégique, se battre contre les terroristes et participer à notre sommet à Ougadougo », a déclaré Roch Marc Christian Kaboré, président du Burkina Faso depuis fin 2015.
Louis-Benoît Greffe
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