28/05/2014 – 14H00 Basse-Goulaine (Breizh-info.com) –Ils sont jeunes, bien insérés socialement et sont tous deux en CDI. L’un porte un nom breton, l’autre a des origines espagnoles. Il fut jadis militaire de carrière, avant que des ennuis de santé ne le détournent de l’armée. Ils gagnent 1800 € par mois pour l’un, 2400 pour l’autre. Ils sont inconnus de la justice, sinon pour quelques contraventions. Bref, ce sont des jeunes pour qui la vie parait sourire. Personne ne pouvait donc imaginer qu’entre début mars et début avril 2014 ils se sont rendu ensemble ou chacun de son côté chez des particuliers et dans des entreprises pour les voler de parpaings, d’outils ou même de remorques. Pas pour les revendre. Pour restaurer la maison de l’un d’eux.
En ce jour de mi-mai, R. et D. ont, en effet, comparu en correctionnelle à Nantes pour une série assez conséquente de vols : quatre qu’ils ont commis ensemble, à Basse-Goulaine le 1er mars, dans la nuit du 1er au 2 à Vertou, un peu plus tard à Haute-Goulaine et dans la nuit du 7 au 8 avril à la Haye Fouassière ; trois que D. a fait seul, à la Haye Fouassière et à Haute-Goulaine, au même moment ; sept enfin où R. a opéré en solitaire, du 21 au 22 janvier à Haute-Goulaine, puis le 1er mars à Basse-Goulaine, mi-mars à Haute-Goulaine de nouveau, fin mars à la Haye Fouassière, début avril à Haute-Goulaine et le 15 au Pallet.
Cinq particuliers et quatre entreprises sont sur le banc des parties civiles. Ce sont les gendarmes qui ont mené l’enquête : la maison que restaure l’un des suspects est dans une petite commune et les gens parlent; d’autant plus que les suspects ont volé une remorque qu’ils ne cachaient même pas. Lorsque les gendarmes ont retrouvé leur trace, une autre entreprise volée a préféré s’épargner le tribunal. Elle a envoyé une facture de 650 euros à ses voleurs. Ils l’ ont réglée rubis sur l’ongle, preuve qu’ils avaient les moyens de ne pas voler.
Au fur et à mesure des constitutions de parties civiles, l’on apprend ce qui a été volé. Toutes les victimes ont pu récupérer leurs outils et matériaux, à la maison que restaurait R. dans ce petit village du Vignoble. Telle entreprise s’est fait prendre une remorque et demande 336 € entre les réparations minimes et le désagrément. Telle autre s’est fait voler des palettes de laine de verre – 400 euros de préjudice, étant donné qu’une partie d’entre elles avait déjà été posée. Une troisième entreprise s’est fait emprunter un échafaudage. Une quatrième une cuve à eau et deux palettes ; elle demande en outre la restitution de cinq sacs de ciment.
Un particulier est particulièrement peiné : les cambrioleurs ont visité sa maison deux fois. Dans le coin, les maisons sont basses : ils sont tout simplement montés sur le toit, ont enlevé quelques tuiles puis brisé le faux plafond en plâtre. Butin : des outils dans une pièce en travaux. Il demande – et obtient – un renvoi pour son préjudice. Double, puisque les deux prévenus par la facilité alléchés sont revenus sur les lieux et ont encore cassé son toit. Les voleurs, ça ose tout.
Le procureur, ému par tant d’impudence, tonne contre « ces jeunes hommes qui écumaient les communes du sud-Loire avec un cynisme absolu. Ces jeunes gens qui ont gardé leur cynisme à l’audience. Ils ne se cachaient même pas. Ils savaient que c’était interdit. ». Peut-être fait-il allusion à la coupe de cheveux de R. qui lui donne l’air d’une racaille ? c’est maintenant une mode. Il refuse donc qu’ils aient droit au sursis et demande une peine de prison ferme : 10 mois pour R., 8 mois pour D. Ainsi qu’une privation de droits civiques pour sanction du cynisme : « je trouverai très désagréable de les trouver au bureau de vote, de les voir témoigner en cour d’assise, exercer une tutelle ».
Il y a deux avocats. Celui de D. réfute le cynisme et insiste sur les regrets qu’ils expriment, ainsi que leur profil. C’est là que la justice est mise en porte-à-faux : les faits sont répréhensibles, certes, et répétés, mais les deux prévenus sont bien insérés, ont une situation, un travail stable. Ce serait totalement contre-productif de les mettre en prison. L’avocat le sait et insiste : « bien évidemment ils sont malhonnêtes, ce sont des délinquants, mais faire d’eux des délinquants chevronnés, non. Ce n’est pas du tout le dossier d’une bande organisée ». Puis il entreprend méthodiquement de démonter les demandes des parties civiles, en s’accrochant aux détails : justificatifs manquants, vétusté des outils, demandes de remboursement de frais de déplacement tirées par les cheveux… Son confrère fait de même, tout en détaillant les charges et les ressources de son client. Tous deux plaident le sursis assorti à l’obligation d’indemniser, font l’article d’une justice qui remet dans le droit chemin plutôt que du bras armé de la société qui assomme les délinquants.
Suspension d’audience. Les juges reconnaissent D et R coupables, en les condamnant respectivement à 10 et 12 mois avec sursis, ainsi qu’à l’indemnisation des victimes. Le sursis est assorti d’une mise à l’épreuve pendant cinq ans. L’un des juges commente : « ce n’est pas une bêtise, c’est une infraction, on ne se sert pas chez les gens comme ça. Pendant cinq ans, vous aurez cette peine au-dessus de la tête si jamais vous repassez devant la justice. C’est à vous de faire l’effort. On vous lâche dans la nature et pendant cinq ans, vous avez le droit à zéro erreur. C’est long, cinq ans ».
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