« Plus de 300 des 350 bus sont alimentés par du gaz naturel (et la totalité en 2020) », proclame fièrement Nantes Métropole dans son Rapport annuel développement durable 2018. Ce n’est pas tout à fait exact puisqu’une vingtaine de bus électriques seront en service en 2020. Mais surtout, la politique du « tout gaz » pourrait se retourner contre ses promoteurs.
L’ONG européenne Transport & Environment (T&E) vient de publier en plusieurs langues une étude qui met en question l’intérêt environnemental des motorisations au gaz pour les camions. Intitulée Les Camions au gaz réduisent-ils les émissions ?, elle s’appuie sur des essais réalisés par le laboratoire TNO pour le compte du gouvernement néerlandais. Des essais qui « montrent que les déclarations des fabricants sont fausses », écrit sans ambages T&E.
Selon elle, en ville, les camions alimentés au gaz naturel liquéfié (GNL) émettent en moyenne deux fois plus d’oxydes d’azote (NOx) que les camions diesel ! En conditions de circulation combinées (ville, campagne et autoroute), le pire camion GNL du test émet cinq fois plus de ces gaz toxiques que le meilleur camion diesel.
Les NOx ne sont pas les seules émissions polluantes. Les véhicules fonctionnant au gaz sont censés émettre moins de particules que ceux au diesel. Selon les données de TNO, il n’en est rien. Cependant, les comparaisons sont difficiles puisque les camions au GNL ne seront tenus de respecter les limites déjà imposés aux camions diesel qu’en 2023 et, pour la plupart, ne sont pas équipés aujourd’hui de filtres à particules.
Enfin, pour les gaz à effet de serre (méthane et CO2), les camions GNL présentent dans l’ensemble un petit avantage par rapport aux camions diesel, avantage qui serait à peu près annihilé si l’on tient compte des quantités émises par l’extraction et le transport des combustibles.
Des pouvoirs publics shootés au gaz naturel ?
Beaucoup de pays européens et l’Union européenne elle-même mènent depuis quelques années une politique très favorable aux véhicules à gaz dans l’espoir de réduire la pollution. Le gaz bénéficie de budgets de recherche bien plus élevés que l’électrique ou l’hydrogène. Dans le transport routier, en France, le gaz est environ dix fois moins taxé que le diesel et l’achat de camions au gaz donne droit à des avantages fiscaux.
En Bretagne, Nantes n’est pas seule. Le Syndicat départemental d’énergie et d’équipement du Finistère (SDEF) construit plusieurs stations de distribution GNV. Il propose aux transporteurs des subventions à l’achat allant jusqu’à 10 000 euros par poids-lourd au GNV.
Contestée par les partisans du gaz, l’étude de T&E porte sur les camions au gaz naturel liquéfié (GNL) et non sur les autobus au gaz naturel pour véhicules (GNV) utilisés à Nantes. Mais il s’agit à la base du même gaz, essentiellement composé de méthane (alors que le GPL est composé de butane et de propane), stocké dans des conditions différentes.
Nantes Métropole ne distingue d’ailleurs pas entre GNL et GNV quant aux facilités accordées aux véhicules à gaz pour les livraisons en ville. Depuis le 1er juin, les véhicules à gaz peuvent livrer dans la métropole entre 4h00 et 23h00, alors que les véhicules diesel et essence n’ont droit (hors livraisons à particuliers) qu’à la plage 7h30-12h00. Nantes Métropole devrait donc au minimum s’interroger sur sa politique « gazophile » et sur l’équipement de la Semitan, sa société de transports publics.
Les résultats seraient-ils meilleurs avec le biogaz, ou biométhane, produit à partir de déchets agricoles, dans lequel la Bretagne place de grands espoirs ? C’est peu probable, à en croire T&E, « car les caractéristiques du combustible biométhane et du gaz fossile sont plus ou moins les mêmes ».
E.F.
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