Presque un an jour pour jour après son accession au poste de président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand est au cœur d’une affaire qui ne va pas redorer l’image des politiciens français.
Les faits reprochés à Richard Ferrand
Richard Ferrand est soupçonné de prise illégale d’intérêts lorsqu’il dirigeait les Mutuelles de Bretagne entre 1998 et 2012.
En 2011, par le biais de cet organisme réunissant 70 mutuelles du Finistère, il a loué des locaux commerciaux à une SCI (société civile immobilière) qui appartenait à sa compagne, et ce après avoir lancé un appel d’offres.
L’affaire était déjà passée devant la justice en 2017 mais avait été classée sans suite par le procureur de Brest qui estimait notamment qu’il y avait prescription.
L’association « Anticor » (pour anticorruption) a déposé une nouvelle plainte depuis, doutant de la neutralité du procureur brestois.
Richard Ferrand a donc cette fois été auditionné pendant une quinzaine d’heures à Lille, « en terrain neutre », le 11 septembre, où il a finalement été mis en examen la nuit suivante par les trois juges d’instruction chargés du dossier.
Richard Ferrand : adepte du double discours et sûr de lui
La première réaction de Richard Ferrand fut d’assurer qu’il continuerait bien à remplir la mission confiée par les électeurs et par ses pairs. Il a par ailleurs expliqué au Télégramme qu’un mis en examen « n’est coupable de rien ».
Attaqué de toutes parts, que ce soit par le Rassemblement national, La France insoumise ou Debout la France, il a par ailleurs vu d’anciens tweets rejaillir.
En 2012, il prétendait ainsi que « la délinquance des puissants a ceci d’obscène qu’elle ne paraît reposer que sur un insatiable appétit pour l’argent, le pouvoir, l’impunité ».
En 2017, il s’en prenait à François Fillon avec deux messages très offensifs disant entre autres que le candidat des Républicains avait perdu toute autorité morale pour parler au nom de la France.
Pour répondre à ses détracteurs, Richard Ferrand a simplement expliqué que l’affaire qui le touchait aujourd’hui ne concernait pas ses responsabilités politiques et qu’il n’avait donc pas à démissionner.
Défendu par Édouard Philippe et Sibeth Ndiaye, il détruit les promesses d’Emmanuel Macron
« Soutien », « confiance », « amitié »… Voici les mots employés par Édouard Philippe pour parler de Richard Ferrand et de sa mise en examen. Le Premier ministre pense par ailleurs que l’accusé saura faire valoir son innocence devant la justice lorsqu’il se présentera devant elle.
Sibeth Ndiaye, habituée aux commentaires incongrus, juge que Richard Ferrand est irréprochable dans ses fonctions, notamment parce qu’il souhaite laisser une plus grande place à l’opposition dans l’hémicycle. Une justification on ne peut plus éloignée du sujet.
« Accusation n’est pas condamnation », répètent Richard Ferrand et ses soutiens. Cela semble pourtant ne pas correspondre à ce que promettait Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2017.
La « moralisation de la vie politique » figurait en effet en bonne place dans la liste de ses promesses, en réponse entre autres à l’affaire Fillon. Emmanuel Macron avait même signé deux lois allant dans ce sens après son élection.
Yann Barthès et l’équipe de son émission Quotidien ont fait, une fois n’est pas coutume, un excellent travail mettant sérieusement à mal le gouvernement.
Ils ont d’abord souligné l’aspect historique de la mise en examen d’un président de l’Assemblée nationale – c’est en effet une première en France – puis se sont interrogés sur le sérieux des promesses faites par président de la République.
Ils rappellent la proximité entre Richard Ferrand et la famille Macron ainsi que les propos d’Édouard Philippe, qui, le 30 mai 2017, en direct au Journal Télévisé de France 2, annonçait que tout ministre mis en examen devrait immédiatement démissionner de ses fonctions. Richard Ferrand n’est certes pas ministre, mais la règle semblait ne pas devoir faire ce genre d’exception.
Ce n’est pas la première fois qu’un proche d’Emmanuel Macron bénéficie d’une telle impunité, voire de la bienveillance de ses pairs malgré de graves accusations.
Alexandre Benalla, garde du corps du président, avait été sous le feu des projecteurs en juillet 2018 après la diffusion d’images sur lesquelles on pouvait le voir violenter des manifestants.
Les sanctions à son égard n’avaient pourtant pas été sérieusement appliquées et les médias ayant révélé l’affaire avaient été persécutés…
Alexandre Rivet
Crédit photo : DR
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