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PMA, loi de bioéthique. Virginie Tellenne (Frigide Barjot) : « Aujourd’hui, un donneur de sperme ou d’ovule met le code vital de l’humanité sur le marché » [Interview]

Depuis la rentrée de septembre, les députés se penchent sur la nouvelle loi de bioéthique. Procréation médicalement assistée (PMA) ouverte à toutes les femmes, séquençage de l’ADN, recherches sur l’embryon…, les débats sont animés, et la contestation est vive. Une manifestation de LMPT, La Manif pour Tous, est d’ailleurs prévue le 6 octobre prochain.

Concernant la PMA, le texte ajoutera les mentions « tout couple formé de deux femmes » et « toute femme non mariée » à la liste des personnes autorisées à accéder à la PMA. Il maintient la prise en charge par l’Assurance-maladie, en l’étendant à toutes les femmes qui y auront recours.

Parmi les opposants constructifs à cette loi, on retrouve notamment Virginie Tellenne, mieux connue sous le pseudonyme de Frigide Barjot, égérie déchue de La Manif pour tous (ou plutôt évincée). Cette dernière, avec son mouvement, l’Avenir pour tous, entend proposer plusieurs amendements à la loi de bioéthique (voir ci-dessous). Pour en parler, nous l’avons interrogée, elle qui, depuis des années, a été reléguée de la lumière à l’ombre par la presse mainstream notamment.

L’avenir pour tous, PMA by Breizh Info on Scribd

Breizh-info.com : Que devenez-vous tout d’abord ? Pouvez-vous nous expliquer la genèse de l’Avenir pour tous, et ce qui se passe avec LMPT vous concernant ?

Virginie Tellenne (Frigide Barjot) : Je suis déléguée générale de l’Avenir pour tous depuis 2013 à la suite de mon éviction de LMPT. Je rappelle que la ligne première des Manifs pour tous était de s’adresser à toute la population, mais qu’elle était avant tout organisée par les réseaux catholiques historiques de l’opposition aux modifications technologiques, bioéthiques, de la vie et de la fécondation humaine depuis la contraception.

L’IVG c’était SOS tout petits avec la fondation Lejeune. Puis on a eu l’opposition au PACS (avec le rejet du couple homosexuel) avec l’alliance pour les droits de la vie, de Christine Boutin et de Tudgual Derville (désormais Alliance Vita). Ce sont les deux grands réseaux historiques de contestation des lois modifiants la vie et sa conception.

Il faut y rajouter le grand réseau national et européen des associations des familles catholiques (AFC) qui défendent la forme de la famille traditionnelle catholique. Ces 3 grands réseaux s’étaient rapprochés de moi (avec notamment M. Le Méné et Ludovine de La Rochère, avec des réseaux énormes qu’ils avaient).

Au départ, ils trouvaient utile (je pensais que c’était sincère) de me mettre en avant, avec une proposition que je portais qui était de donner un autre statut aux couples homosexuels pour conserver le mariage homme/femme, plutôt que de dire que nous ne les reconnaissions pas légalement (ce qui était la position traditionnelle de l’Église). C’était logique quand il n’y avait qu’une seule forme de procréation, naturelle, entre l’homme et la femme.

En 2013, quand la loi est arrivée, ma proposition, acceptée par ces réseaux, et par les cardinaux et les évêques, a été rejetée, de façon abrupte, sans aucune négociation. C’est la fameuse exclusion du 5 mai 2013, place Bellecour, à Lyon. Puis le 26 mai, aux Invalides, avec Xavier Bongibault. Ils ont donc en fait évacué les familles homosexuelles et diverses de LMPT, qui n’était plus une manif pour tous si nous n’étions pas nous-mêmes.

https://www.youtube.com/watch?v=V8TmZpwA0Ec

Breizh-info.com : Du coup, avec l’Avenir pour tous ensuite, vous en êtes arrivés à cet amendement à la loi de bioéthique que vous proposez aujourd’hui…

Virginie Tellenne (Frigide Barjot) : Nous avons continué notre proposition d’union civile dans laquelle il y avait des enfants (sans enfant, c’est le PACS). Un statut qui n’inclut pas le couple homme/femme. Il y a d’un côté le couple homme/femme et sa protection du mariage pour protéger sa procréation (ce qui n’empêche pas de faire de l’insémination ou de la fécondation in vitro, mais avec les semences des deux personnes du couple).

Et de l’autre côté, notre statut d’union civile, rejeté par LMPT d’abord, puis par les élus, puis par les médias puisque nous n’avons plus eu la moindre fenêtre médiatique depuis 7 ans. Mais la loi revient comme nous l’avions prévu – nous savions très bien qu’il y aurait une légalisation de la fécondation sans homme ni femme. C’est une loi qui étend la fécondation de manière assistée non pas avec les semences des deux personnes qui sont les géniteurs de l’enfant, mais avec des semences de personnes anonymes, stockées sur un marché, ouvert à la concurrence mondiale. Est-ce qu’on se rend bien compte de la folie dans laquelle on rentre ?

À quoi cela sert de mettre des semences anonymes sur un marché ouvert à la concurrence mondiale ? À rentrer dans la fécondation in vitro – un ovule sélectionné dans lequel on fait pénétrer via une aiguille un spermatozoïde déjà sélectionné. Quand on met la main sur ce génome par le marché des semences et des fécondations, la personne qui dirige cela dirige la vie, la planète.

Breizh-info.com : C’est donc pour cela que vous voulez la fin de l’anonymat concernant ces semences ?

Virginie Tellenne (Frigide Barjot) : Nous ne demandons pas dans la loi la suppression de l’anonymat, c’est impossible, c’est une loi de semence anonyme. Mais nous demandons que l’on puisse réintégrer la fécondation avec le géniteur connu. Mais aujourd’hui, ce géniteur connu est interdit par le code de la santé publique depuis que la fécondation anonyme est ouverte (loi de 1994, première loi de bioéthique). Moyennant finance, les semences sont aujourd’hui accessibles. On achète du sperme (et maintenant des ovules donc) comme on fait son marché.

Le but caché, c’est de mettre la main de façon commerciale sur le génome humain. Comme il n’y a aucune barrière éthique – la conscience des personnes concernées, porteuses de ce génome germinal, toute personne humaine donc – ces personnes ne sont pas informées de cela. Les gens ne peuvent pas se fédérer pour dire « Nous ne voulons pas cette ouverture de PMA sans avoir une réelle information et les conséquences de notre acte ». Un donneur aujourd’hui ne sait pas ce qu’il fait. Il met le code vital de l’humanité sur le marché ! Mais où on va là ? Je ne m’en remets pas. Donc j’ai donné ma vie pour essayer de défendre cela.

http://gty.im/843238916

Breizh-info.com : Vous venez de faire des propositions d’amendement à la loi de bioéthique. Quelle est votre audience ? Bénéficiez-vous d’appuis du coup ? Quel accueil au sein du public de LMPT, dont vous étiez quand même bien, qu’évincée ensuite, la porte-parole ?

Virginie Tellenne (Frigide Barjot) : Mais vous voulez que je les ai par où mes réseaux importants ? Cela fait 7 ans que je ne suis plus médiatisée. J’ai été livrée à la vindicte. On a dit que le mouvement était homophobe, car les médias sont allés chercher 3-4 personnes qui déconnaient sur les homosexuels dans les manifestations. Quand il y a 3 fois 1 million de personnes, cela arrive que quelques personnes dans le lot ne soient pas bienveillantes vis-à-vis des homosexuels. Pourtant ce n’était pas faute de le dénoncer quand je le voyais. Et de rappeler que ce n’était pas l’homosexualité en jeu dans ces manifestations.

Une propagande médiatique a consisté à dire que notre mouvement était homophobe. Je n’y peux rien, je n’ai pas accès à la direction des médias. On m’a fait endosser le statut d’homophobe que je n’avais pas, car je défendais le statut d’union civile coparentale. Depuis je ne peux pas le dire. Il a fallu attendre qu’arrive cette deuxième partie de la loi bioéthique qui accomplit la loi Taubira pour que je puisse avoir un tout petit peu la parole avec vous, et j’ai eu deux autres passages vidéo.

Donc, ne me parlez pas de réseau. J’ai en tout et pour tout les gens qui me suivent et ceux qui sont restés contre vents et marées dont Xavier Bongibault, dont Arnaud Melonville, qui sont eux-mêmes homosexuels, et qui disent qu’ils feront leur enfant, s’ils en font, avec une femme, pas de façon anonyme avec des semences. Ce sera la mère de l’enfant.

Mais nous ne pouvons pas le dire ni à la tribune de LMPT, qui n’est pas une Manif pour tous si nous n’y sommes pas.

Breizh-info.com : Mais du coup serez-vous à la manifestation LMPT du 6 octobre ?

Virginie Tellenne (Frigide Barjot) : Non, mais ils ne veulent pas. Pour eux, c’est ligne unique. Pas de couple de femmes, pas d’enfant pour ces couples. Ce qui revient à ce qu’elles aillent acheter des semences anonymes, but de la loi.

Breizh-info.com : Mais au départ, les Manif pour tous étaient contre le mariage homosexuel et pour l’union civile. Donc vous avez évolué là-dessus puisque vous avez accepté cela de facto, ou bien je me trompe ?

Virginie Tellenne (Frigide Barjot) :  Il y a une réalité législative. On ne peut pas enlever la loi Taubira. Mais dans le cadre d’un mariage qui a effacé la différence sexuée – on peut aussi bien se marier entre femmes qu’entre hommes, qu’entre hommes et femmes –, nous disons que nous voulons conserver une procréation pour deux femmes ou pour deux hommes, mais avec le sexe opposé, c’est tout.

Si nous pouvons inscrire dans la loi PMA (la fin de la loi Taubira donc), la fécondation avec un parent extra-conjugal de sexe opposé, alors le principe du mariage, Taubira tombe. C’est comme s’il y avait une union civile non dite. Mais pour cela, il y a deux choses à faire sauter. L’interdiction d’avoir l’identité du géniteur connu en dehors du couple marié ou stable homme/femme. Nous proposons qu’une dame ait la possibilité de venir chez son gynécologue avec un monsieur connu, qui donnera sa semence dans le cabinet, et qui servira à inséminer la dame. Cela dit, quand c’est une femme seule, hétérosexuelle, je ne vois pas pourquoi elle se priverait d’une relation sexuelle pour avoir son enfant avec un coparent.

En quoi cela pose un problème à LMPT puisque là, en l’occurrence, il y a un homme et une femme ? Même ça, ça ne leur convient pas.

Breizh-info.com : Donc si vous aviez un message à faire passer auprès des lecteurs, auprès de ceux qui ne vous ont plus entendue depuis toutes ces années, lequel serait-ce ?

Virginie Tellenne (Frigide Barjot) : Le message c’est que chacun comprenne comment est constituée cette loi de bioéthique, qui interdit le père géniteur, qui efface ce père géniteur de l’enfant pour les femmes en couple. La solution n’est pas de refuser l’enfant par assistance à ces femmes, mais de demander, avec l’Avenir pour tous (http://www.avenirpourtous.fr/), via nos réseaux sociaux, la réhabilitation, l’inscription dans la loi, d’un géniteur connu, qui sera ensuite désigné par la ou les mamans, avec un accord commun, comme père avec autorité parentale ou bien comme simple géniteur sur l’acte de naissance.

Cela évite toute manipulation. Et cela permet à l’enfant de connaître son papa biologique. Car être élevé 18 ans sans savoir d’où on vient, nous ne pouvons pas l’accepter. Un enfant doit le savoir. C’est 50 % de son patrimoine génétique. Nous avons cela en commun avec LMPT.

Mais en revanche nous proposons juridiquement une façon de faire, un modus operandi. Il faut soutenir notre demande, nos amendements à cette loi. Car le retrait pur et simple de la loi en lui-même n’est pas compris par les Français qui ne voient pas pourquoi il y aurait des objections à ce que des femmes aient des enfants. Nous proposons d’enrichir la loi, avec le père, qui reste géniteur ou devient père légal.

Actuellement, la loi qui parle de levée d’anonymat à 18 ans, ce n’est pas une levée d’identité. C’est une levée uniquement sur des informations non identifiantes. De qui se moque-t-on ? On universalise une reproduction sans être humain, avec des semences…

Concernant la manifestation du 6 octobre, il faut que les défenseurs de la fécondation naturelle demandent à l’Église, aux responsables de la manifestation, aux décideurs de ces actions, que l’on puisse avoir 5 ou 10 minutes de temps de parole, pour expliquer cela. Nous ne demandons pas à prendre la tête. Juste à recréer du pluralisme pour refaire de l’unité et du rassemblement.

Il ne faut pas parler qu’aux catholiques, mais à toute la société, avec des familles diverses. La fécondation ne doit pas évincer des êtres humains.

Propos recueillis par YV

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2019, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine – V

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