Un Belge d’origine nord-africaine parti combattre en Syrie, Akim Elouassaki, a été déchu de sa nationalité belge par la cour d’appel d’Anvers et condamné à 28 ans de prison pour être parti combattre en Syrie et y avoir tué des gens. Il était originaire de Vilvorde près de Bruxelles ; agé de 24 ans, il avait déjà été condamné à la même peine en première instance.
En tout, au moins 422 belges sont allés ou ont essayé d’aller en Syrie et en Irak, 142 au moins sont morts, 130 sont rentrés – dont une dizaine tués, notamment suite aux attentats de Bruxelles et de Paris – et 150 sont portés disparus en avril 2018, parmi eux une grande quantité de morts et d’autres prisonniers.
En juillet 2018, des bandes éparses de l’EI ont survécu en Syrie (Hajjin et Raqqa côté kurde, entre Palmyre et DeirEzzor côté armée gouvernementale syrienne) et en Irak (provinces d’Anbar et de Mossoul), quatre hommes belges et 17 femmes au moins sont détenus par les kurdes, et 15 à 20 enfants plus ou moins endoctrinés par l’EI en outre sont déjà revenus en Belgique avec l’aide des autorités du pays, sur un total d’au moins 32 enfants.
La déchéance de nationalité déjà utilisée en Belgique à l’encontre des islamistes
La Belgique, un pays qui a vu partir de nombreux combattants vers l’État islamique – notamment depuis le quartier multiculturel bruxellois de Molenbeek – a déjà utilisé la déchéance de nationalité pour des crimes liés au djihadisme international. Ainsi, Soraya E, originaire d’un quartier d’Anvers qui a épousé un combattant de l’EI d’origine arabo-belge, puis un autre titulaire de la nationalité néerlandaise après le décès du premier en 2015 et s’est rendue en Syrie, a été condamnée en mai 2019 à cinq ans de prison, 8000 € d’amende et la déchéance de sa nationalité belge.
Elle vivait à l’époque du verdict dans un camp de prisonniers géré par l’armée kurde au nord-est de la Syrie. « Les compagnes jouent un rôle important au sein de l’EI. Le fait qu’elle ait épousé un djihadiste et qu’elle se soit installée avec lui en Syrie peut être considéré comme une forme de soutien aux activités de l’EI. Soraya E. a aidé son mari à participer à des camps d’entraînement et à se battre au front. Les enfants ont également été formés par l’EI pour devenir des combattants », affirme ainsi le verdict.
La Belgique avait déjà déchu de sa nationalité Malika El-Aroud, qui a vécu en Afghanistan avec les talibans, été acquittée en 2003 faute de preuves certaines de sa complicité avec Al Quaïda, condamnée en Suisse en 2007 pour profusion de propagande djihadiste et en Belgique à 8 ans de prison pour avoir mis en place une cellule de recrutement islamiste ; elle a aussi monté en Suisse et en Belgique un site internet SOS Minbar qui appelait au djihad. Déchue de sa nationalité belge en novembre 2017, elle a perdu son dernier recours en février 2019 et été exclue de son statut de réfugiée par le Conseil du Contentieux des Étrangers. Comme elle reste titulaire de la nationalité marocaine, elle peut être expulsée vers ce pays.
Plus tôt enfin, le belgo-marocain Fouad Belkacem, numéro 1 du groupe Sharia4Belgium, a été condamné à 12 ans de prison et déchu le 23 octobre 2018 de sa nationalité belge par la justice. Il s’agit d’un anversois d’origine marocaine ; la cour d’appel d’Anvers a estimé qu’il a « gravement manqué à ses obligations de citoyen belge et constitue une menace permanente pour la sécurité publique ».
Cependant, il s’est pourvu en Cassation et est toujours sur le territoire belge, tandis que son mentor Anjem Choudary, un prédicateur londonien d’origine pakistanaise qui a radicalisé une centaine de belges, français et anglais – certes souvent originaires de pays culturellement musulmans – a été libéré en octobre 2018 de sa prison anglaise après avoir été condamné en 2016 à cinq ans et demi de prison pour avoir appelé à soutenir l’État Islamique.
Cependant il lui est interdit de prêcher et de fréquenter les mosquées, il ne pourra fréquenter que les personnes approuvées par les autorités, ne pourra aller sur internet qu’après en avoir obtenu la permission et ne pourra utiliser qu’un seul téléphone, et ce pour les deux ans et demi qui lui restaient à purger – mais l’on ignore comment ce contrôle pourrait être plus efficace en liberté que derrière des murs et des barreaux.
La Suisse préfère le laxisme au nom de « l’État de droit »
Une vingtaine des islamistes étrangers détenus par les kurdes au nord-est de la Syrie sont suisses d’origine ; d’autres sont peut-être encore actifs dans les zones tenues par les groupes islamiques proche de la Turquie ou de l’Arabie Saoudite actifs dans la région d’Idlib ou l’ancien canton kurde d’Afrin.
Cependant bien qu’une dizaine d’anciens partisans suisses de l’EI sont revenus en Suisse, seuls deux ont été condamnés… à du sursis en février 2019. Par ailleurs, en octobre 2018, 8 des 10 membres de l’ancienne mosquée An Nour de Winterthur, qui avaient tabassé deux fidèles qui s’étaient émus auprès d’un journaliste des propos radicaux d’un imam éthiopien contre les « mauvais musulmans », n’ont été condamnés qu’à du sursis ou des amendes. Des peines clémentes qui ont suscité l’ire du reporter de guerre Kurt Pelda : « Avec ce genre de sanctions et d’attendus de jugement, l’Etat de droit est une blague ».
L’État a cependant un peu corrigé le tir : l’imam somalien de 27 ans, condamné à 18 mois avec sursis et 10 ans d’interdiction du territoire, a été expulsé du pays en mai 2019 vers la Somalie et déchu de sa nationalité suisse. Sûr qu’en Somalie, déchirée depuis 1977 – et son passage dans le camp occidental – par une guerre civile ininterrompue, il retrouvera des amis idéologiques : des islamistes, dont les shebabs, font partie des belligérants qui se déchirent le pays.
Selon les services de renseignement suisses, au moins 92 « voyages à motivation djihadise » ont eu lieu depuis 2001 de la Suisse vers les zones de djihad, dont 77 en Syrie et Irak (66 confirmés), 1 en Afghanistan (confirmé), 1 aux Philippines (idem) et 13 en Somalie (6 confirmés). Parmi eux, 31 sont des citoyens suisses dont 18 binationaux. Au moins 16 personnes sont revenues en Suisse, 25 personnes sont mortes. Une vingtaine de djihadistes suisses ou binationaux, hommes, femmes et enfants, sont encore situés en Syrie et Irak.
Le Danemark refuse de rapatrier les enfants des djihadistes
Cependant, c’est le Danemark qui a opté pour la solution la plus claire : les enfants nés à l’étranger, de parents danois engagés dans le djihad, n’auront pas la nationalité, car « leurs parents ont tourné le dos au Danemark ». Ce qui évite au Danemark, contrairement à la Belgique ou la France qui ont fait le choix de rapatrier les enfants des djihadistes malgré l’endoctrinement qu’ils ont reçu dès le plus jeune âge – certains étaient dans des écoles de combattants dès l’âge de cinq ans – d’avoir des bombes à retardement sur leur sol.
Au Danemark, 13 personnes ont été condamnées pour avoir rejoint ou tenté de rejoindre une organisation terroriste. Parmi celles-ci, neuf ont été déchues de leur nationalité et expulsées. Les quatre autres, exclusivement danoises, ne l’ont pas été pour qu’elles ne devinssent pas apatrides. Une quarantaine de djihadistes venus du Danemark seraient encore sur le territoire de l’ex-Etat Islamique en Syrie et Irak, au printemps 2019.
Bombe à retardement : le Kosovo rapatrie femmes, enfants et djihadistes
Avec l’aide des États-Unis – qui possèdent au Kosovo leur seconde plus grande base européenne, le Bondsteel Camp – le Kosovo a rapatrié au pays en avril dernier 4 djihadistes, 32 femmes et 74 enfants en avril dernier. Aucune poursuite n’a été engagée contre les femmes et les enfants, et ce alors que nombre de femmes de djihadistes ne se bornaient pas seulement à faire la cuisine pour les djihadistes, comme ont pu le constater les combattants kurdes et syriens qui ont libéré le nord-est de la Syrie en 2018-2019.
Au regard de sa population – 1.8 millions d’habitants, dont 90% sont musulmans – le Kosovo est le pays du continent européen qui a fourni le plus de combattants djihadistes à l’EI, avec plus de 300 combattants partis. Le Kosovo, « narco-état » selon Alexandre Del Valle, état failli selon la plupart des observateurs internationaux, ne semble pas pressé de faire la lumière sur les agissements des djihadistes. Faire rendre gorge aux derniers serbes présents sur son sol semble nettement plus urgent aux dirigeants kosovars, pressés de faire oublier l’état économique désastreux du pays, leur faillite, leurs malversations et les haines recuites à cœur ouvert.
Louis-Benoît Greffe
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