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L’Italie dans le collimateur de l’Union européenne en raison de sa dette

Les comptes publics italiens sont arrivés hier sur le bureau des commissaires européens. Les 28 personnes faisant parti de la Commission européenne présidée par Jean-Claude Juncker devront faire un rapport sur la dette italienne qui peut justifier une procédure d’infraction. Alors que l’Italie, attendait les résultats de la Commission, Salvini disait sur Rai 1 que « tout le possible est fait et se fera pour rester dans les paramètres de l’UE, mais par exemple, si son enfant a faim et que pour lui donner à manger il faut rediscuter un paramètre établi avec son patron, que fait-on ? On s’en tient au paramètre et on laisse son fils mourir de faim ou on va le rediscuter avec son chef ? Mon fils passe avant mon chef ! C’est un raisonnement que font tous les gouvernements européens et tous les pères de familles. Restons en Europe, mais changeons-en les normes ! ».

Une procédure d’infraction pour dettes excessives

Mais la Commission européenne n’a pas « gracié » le gouvernement Salvini-Di Maio, craignant sans doute d’alimenter les poussées eurosceptiques et a prononcé, contre l’Italie, une procédure d’infraction pour dettes excessives. La règle de la dette « n’a pas été respectée » en 2018, en 2019 et elle ne sera sûrement pas respectée non plus en 2020. Cela « justifie » donc la procédure d’infraction a écrit la Commission européenne dans son rapport sur la dette italienne. Comme le rapporte Il Primato Nazionale, pour Bruxelles le ralentissement économique « explique seulement en parti l’immense écart » qu’il y a avec les règles européennes. Pour la Commission, il y a aussi la « marche arrière » faite sur quelques réformes « pro-croissance » de l’ex-gouvernement comme celle des retraites (ici c’est le Quota 100 qui est dans le viseur) et le déficit projeté à plus de 3% pour 2020 qui représentent « des facteurs aggravants ».

Les accusations de Bruxelles sont pesantes. Selon le vice-président de la Commission Européenne, Valdis Dombrovskis, le gouvernement présidé par Giuseppe Conte a provoqué des « dégâts » économiques avec les mesures adoptées dans le courant de l’année. On lit dans le rapport de la Commission européenne : « La dette italienne reste une source de grande vulnérabilité pour l’économie. Les nouvelles mesures et les tendances démographiques défavorables ont partiellement compensé les effets positifs des réformes antérieures sur les retraites et affaibli la viabilité à long terme » des finances, qui sont aussi endommagées par « l’augmentation des taux d’intérêt sur les titres d’Etat observée sur 2018 et 2019 ».

Une « déviance significative , selon la Commission européenne

La Commission rejette aussi l’excuse des mesures exceptionnelles signalées par l’Italie pour expliquer le non-respect des règles européennes. Dans les comptes italiens de 2018 et 2019, explique encore le rapport, il y a une « déviance significative » par rapport aux engagements pris avec l’Europe, qui « ne changerait pas même si l’impact du bilan du programme extraordinaire de maintenance des routes (0,18% du PIB) suite à l’écroulement du pont Morandi et le plan pour limiter les risques hydrogéologiques dus au mauvais temps était pris en compte dans les ‘événements exceptionnels’ ».

Il ne reste donc au gouvernement Conte qu’une manœuvre bis de 3,6 milliards. L’exécutif aura le temps jusqu’au 9 juin pour décider par quel moyen il agira pour éviter la sanction de Bruxelles. Soit la ligne de la Ligue de Salvini prévaut, l’Italie ne touche pas au comptes publics et continue ses mesures de dépassement, ce qui évidemment équivaut à un choc frontal permanent avec Commission Européenne. Soit, autre hypothèse, il y aura une crise de gouvernement.

« Le gouvernement italien fera tout pour éviter la procédure »

Face à cette mesure de la Commission européenne, Giuseppe Conte, alors en visite au Vietnam a assuré, comme le rapporte encore Il Primato Nazionale : « Le gouvernement italien fera tout pour éviter la procédure ». Mais il a ensuite clarifié en indiquant que les règles de l’UE ne sont pas un dogme et que l’exécutif italien veut les changer. « Il y a des règles qui sont appliquées mais le gouvernement démontre une nouvelle sensibilité que je porte en Europe. Dommage que les Conseils Européens ne soient pas diffusés en direct, les citoyens auraient la possibilité de participer et de devenir plus passionnés. Certes, il y a une détermination à apporter une contribution critique, voire même à vouloir modifier les règles existantes développées dans des contextes différents du contexte actuel. Traîner des règles d’il y a cinq ans, les considérer comme des dogmes par rapport à une concurrence mondiale à laquelle l’UE est confrontée, signifie s’attacher un boulet au pied ». « Je n’ai pas encore lu les recommandations de la Commission Européenne sur la dette – explique le premier ministre – mais la surveillance de nos comptes, en particulier pour l’année 2019, met en évidence l’augmentation des recettes fiscales et des contributions qui sont beaucoup plus élevées que ce à quoi on s’attendait. Cela nous permet d’avoir quelques marges et de pouvoir réagir au mieux à cette situation économique qui n’est pas des plus favorable ».

La Commission européenne est « prête à examiner les nouvelles données » que le gouvernement italien enverra à Bruxelles et qui pourront peut-être faire changer d’idée l’exécutif européen sur la procédure d’infraction à cause de la dette. C’est le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, qui le dit, réaffirmant vouloir laisser « la porte-ouverte » au dialogue avec Rome. Moscovici a aussi répété que la Commission, « après avoir examiné tous les facteurs, a conclu que le critère de la dette n’est pas respecté actuellement et qu’une procédure d’infraction est justifiée pour l’Italie. Il appartient maintenant au Conseil de se prononcer sur cet objectif et sur une analyse factuelle : la procédure n’a pas encore été engagée ».

«  L’Italie est un pays sérieux et qui respecte la parole donnée. »

Après le Premier ministre, Giuseppe Conte, c’est au tour des deux vice-premiers ministres de commenter la sanction de la Commission européenne. Comme le rapporte Il Primato Nazionale, le chef du M5S, Luigi Di Maio, a démarré au quart de tour : « Nous sommes des personnes sérieuses, l’Italie est un pays sérieux et qui respecte la parole donnée. Ainsi nous irons en Europe et nous nous assiérons autour d’une table avec responsabilité, non pas pour détruire, mais pour construire ». Et il clarifie : « Maintenant, on parle trop de cette possible procédure d’infraction et vous savez ce que ça regarde ? ça regarde la dette produite par le Partito Democratico entre 2017 et 2018. Nous, nous la prenons au sérieux, mais nous ne pouvons pas faire semblant de ne pas savoir qu’il y a des pays européens qui, pendant ces années pour relever leur économies, ont fait nettement plus de dettes que permis par les traités. Et ils n’ont eu aucune sanction ! ».

Pour le leader de la Ligue, Matteo Salvini, au contraire, « l’unique moyen de réduire le déficit créé par le passé est de diminuer les taxes (Flat Taxe) et permettre aux Italiens de travailler plus et mieux. Avec les sanctions et l’austérité, la dette a augmenté, ainsi que la pauvreté, la précarité et le chômage. Nous devons faire le contraire. Nous ne demandons pas l’argent des autres, nous voulons seulement investir dans le travail, la croissance, la recherche et les infrastructures. Je suis sûr qu’à Bruxelles, ils respecterons cette volonté ».

Pour le secrétaire du Partito democratico, Nicola Zingaretti, « l’Europe confirme ce que l’on savait déjà. En l’espace de 12 mois, le déficit a augmenté, la croissance est tombée et les Italiens risquent gros. Un véritable chef-d’œuvre… ». Pour Déborah Bergamini, député chez Forza Italia (Berlusconi), « en faisant abstraction de la procédure d’infraction, il est évident que la politique économique du gouvernement Ligue-M5S n’a pas fonctionné. Le PIB ne croît pas comme promis, le chômage reste à deux chiffres et l’idée de mettre ensemble des pommes et des poires s’est avéré être un échec ».

La proposition de la Commission européenne d’ouvrir une procédure d’infraction contre l’Italie pour sa dette excessive, « n’est pas inattendue », affirme le président de Confindustria, Vincenzo Boccia. Mais « l’important, maintenant, c’est d’ouvrir le dialogue avec l’UE et de monter un plan sérieux et crédible sur moyen terme pour porter l’Italie vers une croissance plus soutenue et une trajectoire de réduction du déficit et de la dette en évitant affrontements et incompréhensions ». 

Hélène Lechat

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2019, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

 

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