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L’affaire Vincent Lambert ou la nécessité de légaliser l’euthanasie en France [L’Agora]

Voici bientôt 11 ans que Vincent Lambert a été victime d’un terrible accident de la route, qui l’a plongé dans le coma végétatif puis dans un « état de conscience minimal ». Voici 11 ans que sa famille, que le corps médical, se déchire sur son lit d’hôpital (car s’il n’est pas mort, on ne peut pas dire qu’il soit complètement vivant non plus, n’en déplaise à ceux qui veulent absolument le maintenir en vie).

Voici 11 années qu’en France, le pays se divise entre ceux qui voudraient que l’on continue à soigner coûte que coûte des malades lourds et des blessés irrécupérables, et d’autres qui souhaiteraient que l’on puisse, dans la dignité, mettre fin aux souffrances des victimes, mais aussi des familles de victimes. C’est ce qu’on appelle l’euthanasie. « Usage des procédés qui permettent de hâter ou de provoquer la mort de malades incurables qui souffrent et souhaitent mourir ».

Je ne vais pas rentrer dans un débat scientifique ici, ni médical. Ce n’est pas ma compétence. Quelques remarques, tout de même, parfois provocatrices, sur une affaire douloureuse qui montre, à mon sens, la nécessité de légaliser l’euthanasie en France et le suicide médicalement assisté (comme en Suisse, comme en Belgique), pour éviter des années de batailles juridiques, des déchirures irréparables, des haines et des larmes.

  • Plus jamais, la famille Lambert ne sera unie et réunie à la suite de cette affaire. Ou comment un terrible accident de la route a entraîné le déchirement, possiblement ad vitam aeternam, d’individus du même sang.
  • Vincent Lambert est nourri et hydraté artificiellement depuis des années. Sans une présence quotidienne à ses côtés, il ne vivrait donc plus déjà depuis longtemps. C’est donc une contradiction pour ceux qui veulent maintenir en vie Vincent Lambert. D’un côté, la religion interdirait de donner la mort (ce qui est tout de même discutable eu égard à l’histoire de notre pays), de l’autre, elle autoriserait à le maintenir artificiellement en vie ?
  • On remarque dans cette histoire que les convictions religieuses tendent — pour les partisans du maintien en vie de Vincent Lambert — à l’emporter sur toute raison, sur toute considération scientifique ou médicale.
  • On remarque également une forme d’incohérence chez certains soutiens de Vincent Lambert, proches des milieux souverainistes français. Ces derniers soutiennent des recours juridiques devant l’ONU, devant l’Europe, alors même qu’ils s’opposent pour d’autres sujets, d’autres thématiques, à des décisions « supranationales ». Ces recours témoignent également d’un dysfonctionnement de notre justice, qui est désormais potentiellement désavouée par des institutions ne représentant pas la population.

La loi en France est mal faite. Il faut la changer. Ainsi, on s’offusque qu’un médecin injecte à un patient un médicament provoquant sans douleur un endormissement puis un arrêt cardiaque, alors que dans le même temps, on autorise l’arrêt des soins et de l’alimentation, c’est-à-dire que l’on condamne un individu à mourir possiblement dans d’horribles souffrances, par manque d’eau et de nourriture.

Il faut en finir avec une forme d’hypocrisie. Et légaliser l’euthanasie, le suicide médicalement assisté. Pas uniquement pour Vincent Lambert. Mais comme possibilité pour toutes les personnes qui se meurent en silence et dans la souffrance, chaque jour à petit feu, parce que trop âgées, parce que trop handicapées, parce que trop malades, parce que trop seules pour faire face à des situations qui ne sont pas tolérables eu égard à l’avancée scientifique exceptionnelle engendrée par notre monde occidental.

Légaliser ne signifie pas généraliser. Il faut simplement que le corps médical, plus à même de décider qu’un Etat ou que des proches guidées par l’affect ou la religion, puisse suggérer, décider, et éventuellement agir, dans le respect du secret médical. Il faut méconnaitre les médecins et la médecine pour croire que ces derniers donneraient la mort à tout va, allant à l’encontre du serment qu’ils prêtent en débutant leur carrière.

Qui a médiatisé cette affaire jusqu’à la nausée ? Qui a montré les images de Vincent Lambert aux yeux de tous, comme si la société du spectacle ne nous donnait déjà pas assez le vertige ?

Que ceux qui estiment (pour qui ? pour quoi ?) que notre passage sur terre doit être fait de multiples souffrances — y compris lorsqu’elles sont évitables — commence déjà par ne plus se soigner pour un petit mal de crâne, par ne plus engorger les cabinets de médecins pour un simple rhume…

Les opposants à l’euthanasie, au suicide médicalement assisté, arguent enfin de la porte grande ouverte que cela laisserait aux fous furieux d’en face, qui pourraient profiter d’une telle loi pour vouloir mettre en place une véritable industrie de l’euthanasie comme a été mise en place une industrie de l’avortement en France ces dernières décennies. C’est un argument fondamental. Percutant, devant lequel on ne peut que s’incliner.

Sauf que tout cela réside dans un choix de société, dans une volonté politique. Au même titre que des décideurs politiques sous influence ont décrété que l’avortement serait presque un nouveau moyen de contraception (les mêmes qui ensuite justifient et incitent à l’immigration pour faire face à la baisse de la natalité), d’autres décideurs politiques peuvent imposer que l’avortement ne puisse être envisagé que sous certaines conditions et dans des cas bien précis. Que l’euthanasie soit envisagée pareillement, sous certaines conditions, dans des situations précises. Tout est une question de juste milieu, de sagesse, encore une fois. Il semblerait que nous ayons oublié ces mots.

Mais ce débat doit relever uniquement de la volonté politique. De la volonté de puissance. Pas de dogmes religieux. Il serait temps, enfin, de le comprendre…

Julien Dir

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