A-t-on frôlé la catastrophe au concours de l’Eurovision ? La 64ème édition de ce concours européen de la chanson était organisée… en Israël. Elle a couronné le candidat des Pays-Bas, Duncan Laurence, et sa chanson Arcade, devant l’Italie et la Russie.
La catastrophe n’aurait pas été le couronnement du candidat « de la France », Bilal Hassani. Malgré une campagne de relations publiques frénétique, celui-ci n’avait pratiquement aucune chance. Même à l’Eurovision, être fils d’immigré et homosexuel ne garantit pas la victoire. Et la formule du sexe outrageusement indéfinissable n’étonne plus personne. Conchita Würst a tué le marché : après lui (elle ?), il ne peut y avoir que des imitateurs. Et puis, le jury ne pouvait décemment couronner à Tel Aviv un chanteur soupçonné d’avoir accusé Israël de crimes contre l’humanité. Bilal Hassani était de facto hors course avant d’avoir mis le pied sur scène. Il a fini quatorzième.
Non, la vraie catastrophe aurait sans doute été la victoire de la Norvège. Si le trio de tête final est formé des Pays-Bas, de l’Italie et de la Russie, c’est uniquement grâce au jury professionnel des organisateurs. Les téléspectateurs, eux, n’ont classé ces trois pays, qu’en numéro 2, 3 et 4. Leur grand vainqueur, c’est la Norvège.
Elle était représenté par Keiino, un groupe formé pour l’Eurovision par trois artistes déjà connus, Tom Hugo, Fred Buljo et Alexandra Rotan. Leur chanson, Spirit in the Sky, a été « inspirée par les luttes historiques pour l’égalité sans distinction d’appartenance ethnique, de sexualité ou de genre », répètent les médias, jusqu’au Figaro, reprenant une formule parue en janvier dans un journal norvégien. Ce n’est pas exactement ce qu’ont pu voir les téléspectateurs.
Il me faut un héros, il me faut la lumière
Spirit in the Sky ressemble plus à un hymne païen qu’à un prêche pour les droits de l’homme. Si la chanson a été « inspirée par les luttes historiques », c’est par celles des Samis, alias les Lapons. Un peuple autochtone du nord de la péninsule scandinave qui s’efforce depuis des siècles de préserver son identité. L’un des membres de Keiino, Fred Buljo, est lui-même un sami. Il est né à Kautokeino, l’un des centres de la culture sami (et aussi la capitale de l’élevage des rennes).
Écrit principalement en anglais Spirit in the Sky comprend aussi des passages en langue sami. Son leitmotiv est : « I can see your spirit in the sky/When northern lights are dancing » (je vois ton esprit dans le ciel quand dansent les lumières nordiques). « Il me faut un héros, il me faut la lumière », scande aussi Alexandra Rotan, qui termine par : « Je danse avec les fées à présent/Elles chantent toutes notre nom/J’ai trouvé ma lumière ici/Elle brille ici ».
Cet hymne au localisme sami fait évidemment mauvais genre à la veille d’élections européennes censées opposer « nationalistes » et « progressistes ». Or c’est lui que les téléspectateurs européens ont plébiscité ! Mais depuis quelques années, les téléspectateurs n’ont plus le dernier mot dans le palmarès de l’Eurovision. L’establishment a dû se dire que donner le pouvoir au peuple est dangereux. Le jury désigné par les organisateurs a sagement rétrogradé la Norvège à la cinquième place.
E.F.
Crédit photo : © Martin Fjellanger, Eurovision Norway, EuroVisionary, [cc] Attribution-ShareAlike 4.0
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