Il y a quelques mois, nous avons eu le plaisir d’interviewer des personnalités sportives, comme Thierry Dussautoir, Pascal Hervé, ou encore Bernard Thevenet. Cela nous a donné une idée : faire de ces interviews une rubrique sportive plus fréquente, en tentant de retrouver des sportifs aujourd’hui à la retraite et qui nous ont fait vibrer, il y a 10, 20, 30 ans, et même plus. (N’hésitez pas à nous adresser un email si vous aimeriez retrouver trace d’un de vos sportifs préférés, d’une de vos idoles de jeunesse).
Aujourd’hui, nous vous proposons l’interview d’un coureur cycliste qui a marqué les années 90. Laurent Brochard, attaquant de talent, battant, champion du monde sur route, fidèle lieutenant de Richard Virenque chez Festina, vainqueur d’étape sur la Vuelta et le Tour de France, mais aussi de nombreuses autres courses, nationales comme internationales.
Qu’est-il devenu ? Comment voit-il le cyclisme professionnel aujourd’hui ? Quels sont ses souvenirs de champion ? C’est ce que nous lui avons demandé.
Breizh-info.com : Que devenez-vous Laurent Brochard ?
Laurent Brochard : Toujours dans le milieu du sport. J’ai pratiqué la course à pied (trail, ultra trail) après ma carrière de cycliste. Pour le plaisir et pour découvrir un autre univers. J’accompagne des gens dans l’évènementiel, je travaille avec des sociétés spécialisées là dedans. Je travaille en partenariat avec des cyclosportives, des évènements sportifs.
Je suis resté dans le milieu du sport et j’en vis. J’ai d’autres activités à côté, je travaille parfois à la rénovation de chalets de luxe sur Courchevel étant également assez manuel.
Je me retrouve totalement dans cette liberté.
Breizh-info.com : Quel regard portez-vous sur le cyclisme version 2019 ? Il a sacrément évolué, et pas forcément en bien (oreillettes, ordinateurs de bord, courses pilotées à distance…) depuis que vous avez quitté le peloton professionnel…
Laurent Brochard : J’ai connu ce nouveau cyclisme un peu à la fin de ma carrière. La maîtrise de la course pour les grosses formations, plus d’initiative. Cette année, on se régale quand même grâce aux classiques, mais je parle de cette année uniquement. Peut-être que les coureurs changent. On a de la chance d’avoir une nouvelle génération française qui nous réjouit avec de bons résultats.
Breizh-info.com : Suivez-vous des coureurs plus que d’autres ?
Laurent Brochard : Je suis un peu tout le monde. Après habitant en Auvergne, je suis plus certains que d’autres. Je pense à certains jeunes, comme Julian Alaphilippe, ou encore Rémi Cavagna qui a gagné cette semaine sur le Tour de Californie. C’est une chance d’avoir cette génération. Mais je n’ai jamais eu d’idole, donc aujourd’hui cela ne change rien. Mais on a plaisir à voir cette nouvelle génération attaquer, tenter des choses…
Breizh-info.com : Sur le Tour de France, on finit sérieusement par s’ennuyer depuis des années. Limite le Giro est plus intéressant ces derniers temps..
Laurent Brochard : C’est évident. Après il y a les enjeux financiers. On n’a pas envie de perdre, c’est ça qui dirige tout. Donc ils maîtrisent, ils calculent… Sans chute, ce sont les chronos qui font les différences… même en montagne il ne se passe plus grand chose. C’est un peu désolant.
Breizh-info.com : Vous qui avez appartenu à l’équipe Festina, qui faisait tout péter n’importe quand, à n’importe quel moment, vous auriez pu courir aujourd’hui dans le peloton ?
Laurent Brochard : Non, pas du tout. Le sport, ça reste un sport. Si on n’essaie rien, si on ne se fait pas plaisir – j’ai connu ça sur ma fin de carrière où on me gardait pour le final, ce qui ne me plaisait pas. Je peux comprendre, on a besoin de résultats, mais je ne m’y retrouverais pas trop. Et je prendrais des initiatives à l’envers de l’équipe certainement. Mais la génération actuelle est différente.
Breizh-info.com : Pour parler du passé, si vous aviez un podium de vos souvenirs en carrière professionnelle, que citeriez-vous ?
Laurent Brochard : Obligatoirement, des victoires significatives. L’étape du Tour de France à Loudenvielle, avec le maillot à pois, en ayant eu une défaillance. Je pense aussi aux championnats du monde, qui ont fait ma notoriété. Enfin, j’ai eu du mal à digérer ma fin de carrière – n’ayant jamais chuté jusque-là et me retrouvant avec clavicule cassée et sans contrat derrière.
Breizh-info.com : Quand on vit ce qu’a été l’épopée Festina dans les années 90, est-ce que c’est facile ensuite de rebondir, professionnellement, mais également humainement, ensuite ? Avez-vous gardé des relations avec les uns et les autres ?
Laurent Brochard : Professionnellement, c’est compliqué. Je me suis rendu compte que plus on a de notoriété, moins on vous propose du travail. Même dans ma région, les gens avaient l’impression que tel ou tel travail ne me conviendrait pas, ou ne serait pas assez payé. C’est une notoriété qui me dérange, il vaut mieux parfois changer son CV (rires).
Dans le milieu, niveau professionnel, il y a plus de plaisir à aller avec des cyclos, pour partager, pour leur rendre ce qu’ils m’ont donné, leurs encouragements, leur « admiration ».
Je côtoie malheureusement peu d’anciens coureurs, hormis sur les courses. Hormis avec Pascal Hervé : on a failli faire le Tour du Sénégal ensemble, mais ça a été reporté, mais ça m’a donné un challenge. On a moins l’occasion de se voir, mais on reste en contact. Idem Laurent Dufaux, et quelques autres, grâce aux réseaux sociaux.
Breizh-info.com : Et avec Richard Virenque ?
Laurent Brochard : Uniquement sur les courses. On se croise, mais on ne prend pas le temps de faire une soirée ensemble, malheureusement. Mais au final, je m’entends bien avec tout le monde.
Breizh-info.com : Quels conseils donneriez vous à des jeunes voulant se lancer dans le cyclisme, y compris à haut niveau ?
Laurent Brochard : Déjà, pour être à haut niveau, il faut avoir des qualités exceptionnelles, que tout le monde n’a pas. On n’est pas tous égaux physiquement, ni dans la vie (intellectuellement). L’idée, c’est surtout de se faire plaisir. Ensuite, c’est de persister quand on a quelques qualités. Il faut s’accrocher aussi, car il y a tellement d’aléas (matériel, chutes) qu’on ne maîtrise pas tout le temps ce sport. Une carrière peut être vite perturbée si on a la chance d’en faire une. Persister, prendre du plaisir, écouter les conseils, mais quand ils sont bons. Il faut attaquer ! Aller au bout de soi même, donner le maximum, ne pas avoir de regret, même si ça ne marche pas tout le temps. On finira récompensé dans tous les cas !
Breizh-info.com : Y a-t-il des courses que vous avez aimé faire en Bretagne ? Des souvenirs particuliers de chez nous ?
Laurent Brochard : J’ai gagné une étape de la mi-août bretonne, une de mes premières étapes en pro. J’ai gagné aussi la Route Adélie à Vitré (Coupe de France). J’ai gagné une étape du Ruban Granitier breton, en ayant une fringale tout en ayant attaqué toute la journée. 2ème de Plouay. Mon père est breton, donc j’ai toujours un œil sur la Bretagne, ayant du sang breton. J’aime y aller, retrouver les côtes sauvages. Cela a toujours été un endroit qui m’a énormément plu.
Propos recueillis par YV
Crédit photos : DR
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