La nouvelle tendance de la presse mainstream est au « fact-checking ». Il s’agit normalement de rétablir des faits, rien que des faits, face à des mensonges supposés diffusés sur la toile, ou à des théories du complot. Mais certains journalistes qui se sont spécialisés dans ce domaine s’en servent désormais pour tout, et n’importe quoi. Mathilde Cousin, journaliste pour 20 minutes, s’est elle carrément pris totalement les pieds dans un article à propos d’un cliché montrant des prières de rue musulmanes à Londres.
« Attention à cette photo de chauffeurs londoniens qui prient sur un pont, sortie de son contexte » écrit Mathilde Cousin, en titre de son article. Voici ce qu’elle écrit ensuite : « En avril, des chauffeurs ont manifesté à Londres contre une taxe qui les prive de 25 % de leurs revenus, selon un syndicat. Une photo les montrant en train de prier à cette occasion a été sortie de son contexte sur les réseaux sociaux. »
Problème : lorsque vous tapez « chauffeurs londoniens » ou « prières de rue à Londres » sur les réseaux sociaux français, il faut chercher, et chercher encore, pour trouver trace de cette photo. Sur Google, idem. On a donc clairement l’impression que la journaliste veut faire le buzz, et éventuellement faire parler d’une photo dont personne, ou si peu, ne parlait jusqu’ici.
La photo en question est simple : des chauffeurs de taxi musulmans qui font la prière musulmane, en pleine rue, en plein centre de Londres, le 4 avril dernier.
The TUC say unions should put BME workers at the forefront in the fight for worker rights in the gig economy. We couldn’t agree more. Because we always have done so we are winning and growing fast in an industry that is 94% BME. pic.twitter.com/UKA00KacSN
— UPHD (@United_PHD) 13 avril 2019
Une prière de rue musulmane sortie de son contexte (rires) ?
Il s’agit de chauffeurs de taxi participant à une manifestation souhaitant alerter sur « les discriminations dont sont victimes les chauffeurs issues de minorités de la part de Transport for London (l’organisme gouvernemental responsable des transports dans la capitale). » (Cela pourrait prêter à sourire lorsque l’on connaît un minimum Londres, où les chauffeurs de taxi blancs – comme le reste de la population blanche – sont en passe d’être remplacés par des travailleurs extra-européens).
Pour la journaliste Mathilde Cousin, la photo serait « sortie de son contexte », des gens (on ne sait pas qui, rien n’étant indiqué dans l’article) ayant sans doute évoqué sur les réseaux sociaux… une prière de rue musulmane. Mais qu’est-ce donc si ce n’est une prière de rue musulmane en réalité, en plein centre de Londres ?
Ce que la journaliste ne dit pas non plus, c’est que l’UHPD, United Private Hire Drivers, en Angleterre, est un syndicat d’extrême gauche (les trois flèches sur le logo ne laissant aucun doute sur la couleur politique du syndicat), particulièrement favorable à ce qu’il appelle « les minorités », qui, dans certains quartiers de Londres, constituent de moins en moins des minorités…
Concernant la prière musulmane, personne ne l’a inventée, un responsable du syndicat la confirme au journal 20 minutes : « C’était pendant la prière du Maghreb, qui est la quatrième des cinq prières quotidiennes des musulmans. Elle débute quand le soleil se couche et dure jusqu’à ce que la lumière rouge ait quitté le ciel. Elle dure généralement 18 à 20 minutes. À ce moment-là, London Bridge était déjà bloqué par les voitures garées des chauffeurs, donc y prier ne causait ni problème ni gêne à quiconque. »
En résumé, on a un syndicat d’extrême gauche, qui diffuse lui-même une photo de certains de ses membres priant du côté de London Bridge, sur la route, en plein centre ville de Londres, pendant une manifestation de défenses de droits sociaux et ethniques (donc pas religieux). Une manifestation dont personne n’a entendu parler en France, une photo que quasiment personne en France n’a vu passer sur les réseaux sociaux… et qui au final se retrouve au centre d’un article d’une journaliste de 20 minutes expliquant tranquillement qu’elle fait du « fact-checking » avec une photo de prière de rue musulmane qui serait « sortie de son contexte ».
La journaliste ne se pose pas les questions suivantes : Est-il normal que des croyants s’approprient l’espace public d’une capitale européenne pour prier ? Est-il de surcroit cohérent de le faire dans le cadre d’une manifestation censée défendre les minorités, c’est-à-dire pas les musulmans exclusivement ?
On est en droit de s’inquiéter sur le contenu et l’idéologie enseignés dans les écoles de journalisme en France…
Crédit photo : DR
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