Après des signes d’activité épars en 2018, l’État islamique a annoncé sa première attaque au Congo (Zaïre), près de Bovata. Selon l’organisation terroriste, l’attaque aurait visé une caserne à Bovata, dans la région de Beni, où sévit depuis 2014 une rébellion des ADF (Allied Democratic Forces), un groupe rebelle de l’Ouganda voisin, issu de la secte musulmane Tabligh à ses origines. L’EI affirme avoir tué 3 soldats congolais et blessé cinq autres.
Une source officielle confirme l’attaque, commise par l’ADF, à Kanyimbe, avec deux soldats morts et un civil le 16 avril dernier. Cependant la revendicationpar l’EI – présent ailleurs en Afrique, notamment en Libye, Centrafrique et dans la région du lac Tchad – est accueillie avec prudence. Beni se trouve cependant au nord Kivu, au nord-est de l’ex-Zaïre (RD Congo), une région dévastée par des conflits ethniques répétitifs – depuis 2014 il y a encore eu plus de 2000 morts dans une série d’attaques et de guerillas.
Un communiqué du général-major Leon Richard Kasonga, de l’armée congolaise, affirmait en septembre 2017 que les tueries de Beni étaient l’œuvre d’une « coalition terroriste internationale » regroupant notamment des Ougandais, Rwandais, Burundais, Kenyans, Tanzaniens, Sud-Africains, Mozambicains, actifs à Beni, Uvira et Fizi (Sud-Kivu) et dans l’Ituri, le long de la frontière avec l’Ouganda.
Les ADF, un groupe instrumentalisé par l’Ouganda et la RD Congo
En novembre dernier, le centre d’études sur le Congo avait publié un rapport sur les ADF, basé sur sa propagande externe – notamment des vidéos. Les experts y indiquaient entre autres que « le groupe tente de s’aligner sur d’autres groupes jihadistes, se nommant Madina à Tauheed Wau Mujahedeen [MTM, La cité du monothéisme et des guerriers sacrés ], présentant un drapeau semblable à celui utilisé par Al-Shabaab, Al-Qaïda, l’État islamique en Irak et en Syrie (ISIS) et Boko Haram ».
L’institut royal supérieur de défense a rendu, en janvier 2018, un rapport sur la menace islamiste dans la région des Grands Lacs. Il se trouve en effet que le Kivu est entre autre une zone assez islamisée dans un Congo plutôt chrétien : l’islam serait la religion d’un dixième de la population, et surtout, selon les organisations chrétiennes, « le nombre de mosquées au Sud Kivu a augmenté de 63% entre 2005 et 2012». Par ailleurs, toujours selon le même rapport, nombre de jeunes recrues de l’ADF sont musulmanes et l’islam a été instrumentalisé par le groupe rebelle pour justifier sa cause.
Par ailleurs le positionnement religieux de l’ADF a aussi été instrumentalisé – d’abord par le pouvoir ougandais qui l’accuse depuis 1998 d’avoir des liens avec Al-Quaïda afin de bénéficier d’une aide internationale pour réduire cette rébellion. Plus récemment, l’Ouganda a accusé l’ADF d’avoir monté un centre d’entraînement au djihadisme en Afrique, en lien avec les shebabs somaliens : « ce foyer djihadiste congolais se situerait dans le massif du Ruwenzori, et une formation au djihadisme serait dispensée à de jeunes recrues Kényanes, Tanzaniennes, Ougandaises, Rwandaises, Soudanaises, et Nigérianes. Une formation sur le maniement des armes et explosifs serait dispensée, ainsi qu’un enseignement de base de la foi islamique et de la Shari’a ».
Cependant la RD Congo a longtemps soutenu les ADF contre l’Ouganda, tandis que les missions de l’ONU ignoraient aussi la menace. Ces dernières ont durci le ton en 2014 après l’attaque de plusieurs convois, des attaques contre des soldats onusiens et des enlèvements de travailleurs humanitaires. Quant à la Rd Congo, elle a utilisé les ADF pour contrer l’influence ougandaise, ou pour occuper des zones considérées comme rebelles – voire comme prétexte pour des interventions autoritaires dans les régions de l’est du pays.
D’autres attaques sont à craindre
Cependant la mission de l’ONU a elle même été intoxiquée par un soi-disant ex-commandant de l’ADF, qui a prétendu que son ancien groupe fomentait une rébellion islamiste à l’est du Congo pour « transformer le pays en un nouveau Mali » (Fahey, Daniel, « Congo’s “Mr X”: the Man who Fooled the UN », World Policy Journal, 33:2 (2016)).
L’État islamique a en outre fait savoir que la zone d’activité en Afrique Centrale prenait le nom de « Wilayat Wasat Ifriqiyah », c’est à dire « Province d’Afrique centrale ». Il est donc à craindre que d’autres attaques aient lieu dans la même zone – même si jusqu’alors les attaques de l’ADF n’ont pas été revendiquées, que ce soit à des fins de recrutement ou pour véhiculer une conception salafiste de l’islam.
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