Un professionnel de la politique doit savoir s’adapter aux changements climatiques ; c’est ce que sait faire Philippe Grosvalet. Hier, il œuvrait pour un aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Aujourd’hui il défend « une agriculture préservant l’environnement ».
Du béton à l’agriculture préservant l’environnement
Pendant longtemps, Philippe Grosvalet (PS), président du conseil départemental de Loire-Atlantique, a rêvé de béton et de goudron à Notre-Dame-des-Landes. Jusqu’à ce ce que le Premier ministre, Édouard Philippe enterre le projet de construction de l’aéroport que soutenaient les élites nantaises (élus de droite et de gauche, monde des affaires) ; c’était le mercredi 17 janvier 2018.
Lundi 25 mars 2019. L’assemblée départementale décide d’acheter 895 hectares de la ZAD qui sont la propriété de l’État ; ces terres avaient été vendues précédemment par le Département à l’État afin de réaliser l’aéroport. Voilà donc Philippe Grosvalet à la tête d’un important domaine forestier et agricole. Plus question de songer à virer les zadistes paysans, maraîchers et artisans qui se sont installés illégalement sur la zone ; la préfecture ne veut pas en entendre parler et cela ne correspond plus à l’air du temps. D’ailleurs l’administration a changé de discours : « Cessez de dire que ce sont des zadistes. Ce sont des porteurs de projets ! », insiste Claude d’Harcourt, le préfet de Loire-Atlantique (Le Figaro, mardi 9 avril 2019).
Ayant compris qu’il voulait s’adapter à cette nouvelle situation, Philippe Grosvalet s’est converti à une religion plus conciliante : « Destiné à accueillit un aéroport avant son abandon, puis occupé par les opposants à ce projet, ce territoire est du coup resté intact durant des années. Échappant au remembrement, il est même devenu, avec toutes ses haies, un territoire rare et authentique. Nous allons nous employer à le préserver et à y promouvoir un modèle d’agriculture vertueux. Et il n’y a pas de contradiction dans ma démarche : certes, j’ai milité pour un aéroport à Notre-Dame-des-Landes, mais j’ai toujours défendu une agriculture préservant l’environnement. »
S’entendre avec les zadistes
Si on comprend bien, le président Grosvalet veut faire de ce territoire un modèle en matière d’agriculture, ce qui l’oblige à travailler avec les zadistes, ses anciens adversaires. Bien entendu, une question importante reste à régler : les quinze conventions d’occupation précaire signées par l’État. « Je n’ai pas voulu que l’État transforme ces COP en baux. Je voulais garder la main pour m’assurer que les conditions étaient réunies pour cela. Si ce n’est pas le cas, nous accompagnerons les projets pour qu’ils aboutissent. L’avenir de la ZAD se bâtit dans la continuité du travail mené par l’État. Nous voulons un territoire pacifié. » (Le Figaro, mardi 9 avril 2019).
On ne pourra pas reprocher à Philippe Grosvalet d’avoir manqué de bonne volonté puisque c’est dans le cadre de sa politique en faveur « de la préservation du patrimoine écologique et du développement d’une activité agricole durable » que le Département a voulu récupérer les terres et les bâtiments cédés à l’État (Ouest-France, Loire-Atlantique, mardi 18 décembre 2018). Il est vrai qu’il avait mis rapidement de l’eau dans son vin. N’avait-il pas promis à Nicole Klein, l’ancien préfet de Loire-Atlantique, qu’il serait « bienveillant avec les zadistes » quand lui seraient rétrocédées les terres de la ZAD ? « Je pense qu’il avait un travail de deuil à faire et qu’il l’a fait », expliquait-elle (Libération, 25 juillet 2018).
Bernard Morvan
Crédit photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2019, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine