On sait que les pierres dressées à Stonehenge venaient de loin. On sait maintenant que les cochons mangés à Stonehenge venaient de loin eux aussi : c’est ce que révèle un article oaru dans Science Advances (1). Le sujet n’a rien d’anecdotique. Stonehenge et les autres grands sites néolithiques tardifs des environs (Avebury, Mount Pleasant, Marden…) étaient le cadre de célébrations religieuses. Les ossements d’animaux trouvés sur les sites aideraient-ils les archéologues à dire d’où venaient les participants ?
Les restes humains trouvés sur place n’indiquent pas jusqu’où s’étendait l’influence des monuments. Pas très abondants, ce sont souvent des vestiges de crémations, peu propices aux analyses biomoléculaires. Il est difficile de dire si ces hommes venaient d’ailleurs ou habitaient les environs. D’où l’idée de s’intéresser aux animaux. R. Madgwick, de l’université de Cardiff, et les co-auteurs de l’article ont donc étudié les ossements de 131 porcs, de loin l’animal le plus fréquent sur les sites. L’image classique du banquet de cochon n’est pas usurpée !
Contrairement au bœuf, le porc n’est pas un bon marcheur et son élevage était répandu dans toute la Grande-Bretagne de l’époque. Des visiteurs ayant accompli une longue route auraient pu se procurer sur place les animaux nécessaires à leurs agapes. La présence de porcs « locaux » n’exclut donc pas celle de mangeurs venus d’ailleurs. Inversement, la présence de porcs venus d’ailleurs dénote presque nécessairement la présence de visiteurs lointains.
Des porcs buveurs d’eau britannique
Et en effet, une étude multi-isotopique très détaillée révèle la présence dans les ossements de marqueurs (isotopes du strontium et autres) provenant d’autres régions. Les méthodes actuelles ne permettent malheureusement pas de préciser lesquelles exactement, mais elles montrent qu’au moins vingt-quatre régions géographiques distinctes sont représentées parmi les os de porc. La variabilité des isotopes montre que certains animaux devaient venir de loin ; par exemple, certains avaient été élevés beaucoup plus loin ou beaucoup plus près du littoral que le site où leurs ossements ont été trouvés.
Stonehenge et les sites voisins étaient donc bien des centres de pèlerinage exerçant une influence lointaine. Y compris sur le continent européen ? Probablement pas : le strontium présent dans tous les ossements analysés révélait que les animaux avaient été élevés en buvant une eau des îles britanniques.
(1) R. Madgwick, A. L. Lamb, H. Sloane, A. J. Nederbragt, U. Albarella, M. Parker Pearson et J. A. Evans, « Multi-isotope analysis reveals that feasts in the Stonehenge environs and across Wessex drew people and animals from throughout Britain », Science Advance, 13 mars 2019, Vol. 5, n° 3, eaau6078.
E.F.
Crédit photo : Lucille Pine [cc] via Flickr
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