En 2016, Sylvain Tesson racontait ses chemins noirs, sa traversée d’une France des campagnes et des oubliés de la géographie – qu’ils soient sentiers cachés, bourgs esseulés ou paysages réservés aux initiés.
À l’occasion de la sortie en livre de poche de ce récit intitulé Sur les chemins noirs, les éditions Folio ont interrogé l’auteur sur la place occupée par l’écriture dans sa vie. Extraits :
Folio : Expérimenter la vie d’ermite dans le récit Dans les forêts de Sibérie, saluer la Grande Armée dans Berezina, traverser l’hyper-ruralité dans Sur les chemins noirs : chacun de vos livres rend compte d’un voyage et poursuit une idée. Comment naissent vos récits ?
Sylvain Tesson : Ce que j’écris naît de ce que je vis. Je me contente de réorganiser les notes que je griffonne au fur et à mesure que je suis le témoin des événements de ma vie. Je n’ai pas d’imagination. Quand je ferme les yeux, c’est la nuit noire. Rien ne se passe en mon for intérieur. Je n’ai ni profondeur, ni vie psychique : pure surface ! Partant de là, il me reste à observer la vie réelle. Coup de chance pour moi, celle que je vis est parfois romanesque et m’inspire.
Folio : Vivez-vous le début d’un livre comme un départ en voyage ?
Sylvain Tesson : Non. Commencer un voyage est excitant. Commencer un livre, décourageant. Quand le finira-t-on ? Qui sera encore en vie pour le lire ?
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Folio : Sur les chemins noirs raconte une réparation, physique et morale. Les mots et les images ont-ils, comme la nature, le pouvoir de guérir ?
Sylvain Tesson : Ils ont en tout cas le pouvoir de vous arracher à vos petits malheurs. Il faut chercher partout de quoi se distraire de soi-même. Et de quoi oublier ses misères. L’oubli est l’arme de la paix intérieure.
Folio : Vous êtes-vous fixé une discipline d’écriture ?
Sylvain Tesson : Le matin : lecture, écriture du courrier, écriture du journal, écriture des articles et fumée de cigare. Olivier Frébourg (journaliste, écrivain et navigateur, N.D.E.) nomme cela « les ablutions ». Ensuite le sport, les visages, le déplacement.
Folio : Quand décidez-vous qu’un manuscrit est terminé ?
Sylvain Tesson : Quand je suis dégoûté de le relire. Car je crois à la vertu de la relecture incessante qui permet de reprendre l’ouvrage, de ravauder, de repriser. Il faut ajuster la marqueterie. Écrire est une ébénisterie.
Folio : Vous avez un goût pour les aphorismes. N’y a-t-il pas un paradoxe à parcourir le monde en quête de liberté avec pour viatique des énoncés qui condensent une expérience, un savoir en quelques mots ?
Sylvain Tesson : L’aphorisme est comme un sac de voyage léger. Être sobre, c’est être libre. Il faut maigrir, désenfumer ses phrases, alléger ses bagages, désencombrer son temps. La vie y gagne en clarté.
Pour retrouver l’intégralité de l’entretien ainsi que des extraits du livre : https://fr.calameo.com/read/00025922824da694398cf
Sur les chemins noirs, Sylvain Tesson, collection Folio, 6,80 €.
Crédit photo : Yves Tennevin/Wikimedia (cc)
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