2019, annus horribilis pour Le Hyaric, le patron de L’Huma. D’une part son quotidien risque de disparaître, d’autre part adieu à son mandat de député européen qui le nourrit bien.
Une nouvelle fois, L’Humanité est menacé de disparition : le 7 févier le tribunal de Bobigny a en effet placé en redressement judiciaire le quotidien communiste, qui s’était déclaré fin janvier en cessation de paiement, avec une période d’observation de six mois. Deux administrateurs judiciaires, dont une spécialiste du sauvetage d’entreprises, ont été désignés.
Impensable à l’époque du « grand » Parti communiste
Pareille situation était impensable à l’époque du « grand » Parti communiste où la maison mère (place du Colonel Fabien) avait l’habitude de boucher les trous de sa filiale L’Huma. Mais ces temps glorieux ne sont plus qu’un souvenir lointain. Aujourd’hui tous les deux sont dans la dèche.
Avec une vente faiblarde (32 700 exemplaires/jour, dont 5 170 en kiosque, entre juillet 2017 et juin 2018), une dette de sept millions d’euros et une perte de plus d’un million d’euros en 2018, notamment en raison d’une nette baisse de ses recettes publicitaires (Le Monde, jeudi 31 janvier 2019), l’avenir se présente mal. Comme les autres quotidiens, L’Huma parvient – quand tout va bien – à se maintenir à flots grâce aux aides publiques directes et indirectes : 3,67 millions d’euros reçus chaque année et une annulation de dettes par l’État de 4 millions en 2013 (Challenges, 31 janvier 2019).
Mais que font donc les journalistes de L’Huma ?
En cas de liquidation judiciaire, le licenciement de plus de 200 salariés, dont 170 cartes de presse (rédacteurs, secrétaires de rédaction, photographes) s’imposerait. Et c’est là que le lecteur à l’esprit critique se pose la bonne question : comment expliquer qu’avec cette armée de journalistes, le Breton Patrick Le Hyaric, directeur du titre, ne parvient pas à fabriquer un produit intéressant.
Sans prétendre contester la ligne idéologique et politique – chaque média possède la sienne – on peut quand même constater l’insuffisance rédactionnelle de l’affaire. Pourtant, ils sont 170 à pouvoir écrire ! La cible de lecteurs visée apparaît tout de suite : des semi – intellectuels appartenant aux classes moyennes. Les classes populaires ne lisent plus L’Huma. Les Gilets jaunes, par exemple, sont incapables de lire vingt lignes du canard : ou bien ils feraient une indigestion, ou bien ils périraient d’ennui, tant ça fait tristounet.
Certes, on a voulu donner au journal une allure moderne : beaucoup de blanc, chaque page est éclairée par une ou plusieurs photos et une titraille qui fait « pro ». Donc rien à voir avec l’hebdomadaire trotskyste Lutte ouvrière que des militants fabriquent avec des bouts de ficelles. Malgré une petite pagination (20 ou 24 pages), la rédaction – les 170 – abuse de la technique du remplissage : tables rondes, tribunes, « débats » entre intellectuels. Tout ça sent la boite de conserve et ne permet pas de passionner les lecteurs. Bref, on a l’impression qu’une petite poignée de journalistes se trouve sur le pont chaque jour et pond un unique papier, souvent court. Lundi 4 février, on relève 23 signatures ; mardi 5, 29 ; mercredi 6, 20. Que font les autres ? L’ardeur à la tâche ne semble pas appartenir à la culture maison.
Période difficile pour Patrick Le Hyaric…
Période difficile pour Patrick Le Hyaric. Non seulement son journal risque la disparition, mais encore il a toutes les chances de perdre son job – casse-croûte : député européen. En effet on voit mal la liste présentée par le PCF obtenir quelques élus aux élections européennes de mai. Ce serait donc un double naufrage pour Le Hyaric.
Une suggestion : rentrer au pays, en Bretagne. Grâce à son expérience professionnelle remarquable, Ouest-France ou Le Télégramme s’empresseraient de l’embaucher comme chef d’agence. Par exemple, à Carhaix. Là, il ferait la connaissance du journalisme de terrain. Ce serait l’occasion pour lui de se familiariser avec les « vraies gens ». Rien à voir avec les « intellos », qui blablatent dans L’Huma.
B. Morvan
Crédit photo : Marc Dossmann/Wikipedia (cc)
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