Fondée en 1101, fermée et vandalisée sous la Révolution, l’immense abbaye royale des Plantagenêt, non loin de Saumur, aurait dû être un « lieu où souffle l’esprit ». Toutes les bonnes fées se sont penchées sur le berceau de sa renaissance. Prosper Mérimée l’a inscrite sur la première liste de monuments historiques en 1840. L’État l’a magnifiquement rénovée avant de la confier à la région des Pays de la Loire.
Celle-ci comptait faire de Fontevraud le socle d’une identité culturelle fabriquée de toutes pièces, une « machine à débretonniser la Loire-Atlantique ». Le cap fixé par Olivier Guichard a été maintenu par ses successeurs de gauche (Jacques Auxiette) comme de droite (Bruno Retailleau). Mais le succès n’a jamais été au rendez-vous, hormis quelques succès d’estime chèrement payés à coups de subventions publiques.
Déjà, un premier épisode avec le Centre culturel de l’Ouest
Le Centre culturel de l’Ouest (CCO) créé en 1975 pour faire vivre Fontevraud a toujours été un boulet. Il est devenu une épée de Damoclès. En juin dernier, la Chambre régionale des comptes des Pays de la Loire a publié un rapport d’observation définitives (ROD) extrêmement critique en raison de « dysfonctionnements majeurs dans cette association en matière de gouvernance et sur les plans financier et administratif ». Indulgente, la presse régionale n’a pas trop insisté ; Ouest France a ainsi accordé autant d’importance aux dénégations de Jacques Auxiette qu’aux critiques de la Chambre.
Après quelques mois de tergiversations, la région a tout de même licencié les trois principaux dirigeants de la structure. Elle ne pouvait faire moins, car d’autres désastres potentiels pointaient à l’horizon. En effet, elle a confié la gestion de l’abbaye à quatre structures différentes, toutes soumises au contrôle de la Chambre régionale des comptes.
Celle-ci a ainsi publié ce 30 janvier un nouvel acte de la tragi-comédie : son ROD consacré à Fontevraud Resort, publié ce 30 janvier. Cette filiale à 100 % de la SEM des Pays de la Loire est chargée depuis 2014 d’exploiter l’hôtel-restaurant de grand luxe aménagé au sein de l’abbaye, où la région venait d’effectuer 16 millions d’euros de travaux. Et ce n’est pas triste.
Les contribuables des Pays de la Loire appelés à la rescousse
« Très fragile sur le plan juridique », car une SEM n’a pas vocation à exercer cette activité, la société a été créée dans des conditions irrégulières et imposée par le socialiste Jacques Auxiette au conseil régional. Un succès aurait pu faire oublier ce péché originel. Mais au lieu de solliciter des professionnels, la région s’est improvisée hôtelière. Résultat : Fontevraud Resort a perdu plus d’un million d’euros entre 2014 et 2016. Le trou, indique la Chambre, a été comblé par les contribuables :
« Pour faire face à ces graves difficultés financières et éviter la liquidation de la société, la région a dû faire un apport en capital de 1,1 M€ fin 2016, qui s’est ajouté au versement initial de 850 000 €en 2014. Le montant des pertes aurait été plus important encore si les comptes avaient été réguliers. Par divers mécanismes, toute une série de dépenses qui auraient dû être à la charge de Fontevraud Resort ont été payées en réalité soit par la région directement, soit par des organismes financés par la région. »
Au cas où cela ne serait pas assez clair, la Chambre insiste : « le contribuable est naturellement le seul financeur des apports successifs en capital de la région ». Il est possible (la Chambre ne semble pas s’être penchée sur la question) que la région ait aussi participé au chiffre d’affaires de Fontevraud Resort en y logeant certains de ses cadres et invités. Mais l’argent n’est pas tout :
« La chambre relève également de lourdes défaillances dans le pilotage de l’activité et l’information très lacunaire du conseil d’administration de la SEM régionale. Des correctifs et un plan de relance ont été mis en place en 2017 mais il reste beaucoup de régularisations de gestion et de pilotage à effectuer dans cette structure. »
La Chambre note par ailleurs que des « défaillance dans l’administration de la société » l’ont empêchée d’approuver ses comptes dans les délais légaux en 2014 et 2015. Elle s’est aussi dispensée d’établir l’inventaire annuel prévu par la loi. Le cadre juridique d’occupation du site de Fontevraud n’est même pas clairement établi : clients, fournisseurs, visiteurs et salariés circulent dans les différents espaces, ce qui risque de poser un « problème en terme de responsabilité ».
Et ce n’est pas fini…
Il faut noter que si Fontevraud Resort tire le diable par la queue, ce n’est pas à cause de la redevance qu’elle doit payer à la région pour l’occupation des lieux. Cette redevance de 200.000 euros par an est « fortement sous-estimée ». Elle viole clairement la loi française et pourrait bien être contraire aussi aux articles 107 et suivants du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ! Cerise sur le gâteau, elle n’est pas toujours payée dans son intégralité, ni à l’échéance prévue. Fontevraud Resort se dispense aussi de payer des charges qui lui incombent. Et ne livre que des informations lacunaires sur son fonctionnement à son conseil d’administration et à son actionnaire unique, la SEM des Pays de la Loire.
Et le désastre ne fait peut-être que commencer. Les ROD sur le CCO et sur Fontevraud Resort seront prochainement suivis de publications de la Chambre sur deux autres structures intervenant sur le site de Fontevraud, la SOPRAF et le GIE Fontevraud. Dans son rapport sur Fontevraud Resort, la Chambre évoque incidemment « des dysfonctionnements notés par ailleurs dans la gouvernance du GIE ». De nouveaux rebondissements sont donc probables.
E.F.
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