Nous avons déjà étudié le marché de Noël de Nantes l’année dernière – enfin les marchés de Noël, entre les entourloupes du commercial et les réussites de l’Autre marché associatif.
Cette année, alors que le Marché de Noël s’achève, vient le temps de tirer le bilan. Force est de constater que les recettes ne sont pas au rendez-vous pour la plupart des commerçants, et que tout ne peut pas être mis sur le dos du contexte social. L’incapacité de la mairie socialiste de Johanna Rolland à réformer un marché commercial arrivé au bout de son modèle interroge.
« C’est après la foire qu’on compte les bouses ». Le vieux dicton de maquignon a été quelque peu contredit cette année. Dès le milieu du mois de décembre, de nombreux commerçants du marché de Noël commercial, sur les places Royale et du Commerce, ont su qu’ils ne rentreraient pas dans leurs frais. En cause : les manifestations à répétition le samedi, mais pas que. Du fait du contexte social, les français n’avaient pas la tête à Noël et n’ont fait que très tardivement leurs courses.
« Il y a aussi une impression de fin de mois perpétuelle », relève une commerçante qui vend aussi sur les marchés. « Les gens n’ont plus d’argent, ou ils reportent car ils sont inquiets avec les réformes à venir, l’impôt à la source etc. ». Auxquelles on peut ajouter le hold-up à venir sur les allocations logement (APL) dès le printemps prochain – au moins un million d’allocataires y perdraient, selon les estimations croisées de plusieurs médias.
Pas la tête à Noël
Pas la tête à Noël, moins de pouvoir d’achat, des manifestations le samedi – le marché de Noël a été forcé de fermer préventivement un samedi, gazé à trois reprises un autre samedi, et pas que. « Du 7 au 9 la vente d’alcool à emporter a été interdite par arrêté préfectoral », soi-disant pour limiter les dégâts d’une manifestation de Gilets jaunes, « donc on n’a pas pu vendre non plus et ça a été de la perte », explique un autre commerçant. Les cavistes, eux, ont fait de bonnes affaires, ainsi que les supermarchés la veille de l’arrêté.
Autre facteur décourageant : la météo, pas franchement accueillante. Et les horaires stricts du marché semblent parfaitement inadaptés : 21 h un samedi pluvieux, 20 heures un dimanche gris et doux où les allées sont bondées. Enfin les prix des chalets ont encore augmenté : de 6200 à plus de 10.000 €, ce sont les exposants qui payaient le moins cher qui se sont retrouvés avec des augmentations.
Sans que le service de 2A Organisation soit considéré comme à la hauteur : « certains chalets sont trop vieux, ils ont du mal à fermer », constate un commerçant. Un autre vient « avec [s]on stock de vis. Chaque année j’en remets, cette année j’ai changé une fixation, les chalets sont vieux et hors de prix – mais pourquoi se gêneraient-ils puisque les deux places sont remplies chaque année ? ».
Zéro changement côté mairie de Nantes
Cependant, qui dit prix de location élevés, dit prix élevés pour rentabiliser. Alors que les français perdent en pouvoir d’achat, ce modèle arrive en bout de course. De nombreux commerçants ont fait la moitié, voire les deux tiers de chiffre d’affaires en moins. « On rentabilise le chalet, pas le staff », résume un vendeur de sandwichs savoyards.
Ces problèmes étaient déjà connus l’an dernier, mais la mairie socialiste de Johanna Rolland a préféré ne rien changer à l’organisation du marché commercial. Certains commerçants ont cependant, suite à notre enquête, revu leur étiquetage, baissé certains prix ou briefé leurs vendeurs pour qu’ils évitent de faire passer pour artisanal ce qui ne l’est pas nécessairement. Même si cette année on trouve encore divers vendeurs à prix d’or, comme le nougat de Montségur encore – connu pour ses revendeurs peu scrupuleux sur les marchés d’été – et deux fois moins cher au magasin usine (39 € le kilo contre 79). Ou le sac à dos anti-pickpockets, vendu 70€ sur le marché, deux fois moins cher sur le net. Il y a en revanche du très bon, comme les macarons place Royale.
Du côté du marché associatif (l’Auitre marché), le déplacement près du McDo du carré Feydeau – décidé bien avant l’occupation du square Daviais par les migrants (le square est toujours fermé au public, mais plus gardienné), est une décision heureuse. Moins bonne est en revanche celle de remonter le prix de la location des chalets – 1100 cette année, contre 700 l’an dernier. Les prix s’en ressentent.
Cependant de nombreux produits valent le détour. Mais le choix – suppression de la cabane des zadistes, pâtisseries arabes, produits artisanaux très chers en petits conditionnement – donne l’impression de renforcer le caractère bobo du marché, au détriment du caractère artisanal et associatif. Et le tout face au McDo.
Louis Moulin
Crédit photos : breizh-info.com
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