Un de nos lecteurs nantais nous a adressé ce témoignage.
Dimanche dernier, pour des raisons qui ne regardent que moi, je parcourais à pied le quai de Versailles à Nantes, sur le coup de 11 heures du soir. Tout à coup, une altercation arrête mes pas. « Sale pute ! », « Espèce de connard ! » : les insultes volent de l’autre côté de la chaussée. Un grand Africain à vélo, manifestement agressif, suit une jeune femme à pied, manifestement furieuse. Elle est accompagnée d’un jeune homme qui cherche à temporiser. « Ça va bien ! Y a pas de souci ! » dit-il au cycliste. Le couple monte en voiture et s’éloigne aussitôt.
J’ignore les causes de la dispute, je reprends mon chemin. Mais le cycliste m’a repéré. Il retourne sa hargne vers moi. « Le vieux monsieur, là, c’est pas la peine de regarder ! » Mon silence ne le calme pas du tout, au contraire. Pendant une bonne centaine de mètre, il roule à ma hauteur – sans jamais traverser la chaussée pour s’approcher de moi cependant – en hurlant ses commentaires hargneux, bizarrement focalisés sur la Seconde Guerre mondiale.
C’est quand l’invasion a lieu qu’il faut l’arrêter. Après, c’est plus difficile…
« C’est vous qui avez collaboré avec les Allemands ! Vous leur avez ouvert la France en 1939 ! Vous n’avez rien fait pour les arrêter ! C’est là qu’il aurait fallu vous battre ! Vous êtes des trouillards ! » Puis il finit par se lasser et s’éloigne en danseuse. Sans doute cet individu avait-il bu ou fumé quelque chose qui ne lui réussissait pas. Sans doute sa notion du temps était-elle un peu aléatoire (mes cheveux blancs me désignent comme un vieux monsieur mais il aurait fallu que je sois quasi-centenaire pour avoir ouvert la France aux Allemands en 1939, leur offensive datant d’ailleurs de 1940). Pourtant, il y a quand même une remarque très judicieuse dans ses propos.
C’est en effet quand l’invasion a lieu qu’il faut l’arrêter. Après, c’est plus difficile. Ce donneur de leçons monté sur roues mériterait d’être mieux écouté.
François Michel
Crédit photo :DR
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