« Les gilets jaunes sont-ils complotistes ? », demande gravement Le Point, qui a interrogé Rudy Reichstadt, fondateur de Conspiracy Watch, alias L’Observatoire du conspirationnisme, proche de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Rudy Reichstadt, « ancré à gauche » selon un autre Observatoire, voit des complotistes partout, voire même des complots complotistes : normal, c’est son fonds de commerce. Il s’alarme que des rumeurs et fausses nouvelles courent parmi les « gilets jaunes ». Mais c’est l’inverse qui serait étonnant !
L’esprit humain est ainsi fait que le faux y prospère plus aisément que le vrai. Parmi les religions actuelles, aucune ne réunit plus d’un tiers de la population mondiale, et les athées ou agnostiques sont moins de 15 %. C’est-à-dire que plus de 50 % des humains, au minimum, croient à une fausse bonne nouvelle.
En ce temps-là, une rumeur se répandit sur toute la France : si la vie est tellement dure, c’est parce que le prix du pain augmente. Des spéculateurs proches du pouvoir ont agencé un « complot de famine » : ils stockent le blé dans leurs magasins pour faire monter les cours.
Des attroupements se forment dans Paris. Les manifestants sont ouvriers, commis, petits artisans, femmes au foyer… ‑ assez représentatifs de la France populaire, dans le fond. Ils arborent un signe de reconnaissance. Non, pas un gilet jaune mais une cocarde rouge et bleue : vous voyez tout de suite où je veux en venir.
Quand le faux fait l’histoire
Ce jour en particulier, des fake news encore plus alarmistes que d’habitude agitent la foule. À la faveur d’un complot aristocratique, des armées étrangères se rapprochent de Paris pour massacrer les patriotes. Ceux-ci doivent défendre leur foyer. Ils se procurent des armes aux Invalides. Où trouver la poudre et les balles ? À la Bastille !
Une réputation abominable entoure la forteresse, prison féroce où les victimes de l’arbitraire monarchique sont entassées par centaines. (En réalité, sept prisonniers). Elle est défendue par une puissante garnison. (En réalité, une trentaine de soldats et 82 invalides.) On envoie des émissaires. Ils ne reviennent pas, ils ont sûrement été éliminés ! (En réalité, ils déjeunent avec le gouverneur.) Etc. Ivre de fureur, la foule finit par envahir la citadelle.
Du moins est-ce le récit illustré par les peintres (avec le plus grand souci de la réalité, bien sûr, comme ci-dessus), et reconstitué par des historiens qui ont tenté de faire le tri entre les fake news propagées autour de l’événement. Sur son lit de mort, l’un des principaux acteurs de celui-ci, Louis Ethis de Corny, écrit à un autre, Boucheron : « Il est très-certain qu’il n’y a aucun récit exact de tout ce qui nous concerne à la Bastille ».
Beaucoup diraient sans doute que le 14 juillet 1789 est le jour le plus important de l’histoire de France. Sans les fausses nouvelles et le complotisme, les manuels d’histoire indiqueraient à cette date la même chose que Louis XVI dans son journal intime : « Rien ».
Erwan Floc’h
Illustration : Illustration : prise de la Bastille par Henri-Paul Perrault, photo http://www.henrys.de/ [cc] Wikipedia
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