Traditionnellement, les politologues divisent les partis politiques entre partis de cadres (ou partis d’élus) et partis de masse (ou partis d’adhérents), selon une distinction proposée par le professeur Maurice Duverger dans les années 1950. Les partis de cadres réunissent des « notables », des leaders d’opinion, des personnages qui disposent d’une certaine aura personnelle. Les partis de masse ont vocation à réunir des militants et à les organiser afin de peser dans le débat politique.
Dans un cas comme dans l’autre, il fallait autrefois du temps pour constituer un parti. Internet a bouleversé la donne. Qu’on choisisse la voie du parti de cadres ou celle du parti de masse, il est désormais possible de réunir en peu de temps une masse critique. De même, dans le monde économique, il est devenu possible de créer une entreprise qui franchira à grande vitesse les étapes de son développement.
Une start-up politique à la réussite éclair
La République en marche (LaREM) illustre parfaitement ce phénomène de start-up politique. Partie de rien, la formation d’Emmanuel Macron n’a pas trois ans d’existence officielle et a porté son fondateur à la présidence de la République. Dès sa création sous le nom de En Marche, elle était organisée en parti de cadres autour d’un noyau venu du Parti socialiste – ou plus exactement de l’ancien entourage de Dominique Strauss-Kahn, de Terra Nova et de la Fondation Jean-Jaurès, comme Benjamin Griveaux, Stanislas Guerini, Ismael Emelien ou Cédric O.
Très vite, dès le mois de mai 2016, elle s’est muée en parti de masse avec une campagne de porte-à-porte à laquelle auraient participé quatre mille volontaires, puis un grand meeting à Paris en décembre 2016. Comme plus tôt Je Suis Charlie ou La Manif pour tous, à peu près au même moment Nuit debout, ou plus tard les Gilets jaunes, les réseaux sociaux lui ont permis de prendre très vite un essor considérable.
Un jusant aussi rapide que la marée montante
Le calendrier est parfaitement maîtrisé : de tels mouvements viraux donnent leur plein au bout de quelques mois, en l’occurrence au moment de l’élection présidentielle. Il faut cependant souligner que, malgré sa rapidité, le mouvement n’est pas un tsunami. Le 17 avril 2017, Emmanuel Macron recueille 24 % des voix : moins d’un électeur sur quatre le suit.
Mais la viralité n’a pas que du bon : l’internaute prompt à s’enticher d’une cause est aussi prompt à la déserter pour une autre. LaREM rencontre vite des difficultés à mobiliser. Les élections sénatoriales de 2017 sont un échec sévère. La popularité d’Emmanuel Macron s’effondre dans les sondages. Il devient difficile de rencontrer des électeurs qui se réclament encore de lui.
Le parti est-il en train de redevenir un parti de cadres ? Ce n’est même pas sûr : au deuxième congrès de LaREM, le 1er décembre dernier, moins de la moitié des membres de son Conseil (367 sur 743) ont participé à l’élection du nouveau délégué général. Des députés quittent le parti (Frédérique Dumas, Jean-Michel Clément, bientôt peut-être Aurore Bergé), Gilles Collomb se retire du gouvernement, Jean-Yves Le Drian crée son propre mouvement… LaREM n’est plus ni un parti de cadres, ni un parti de militants – pas encore un parti de rien, mais déjà un parti de plus grand chose.
C.R.
Illustration : Emmanuel Macron et Vanessa Modely par Nations of the World, [cc] Wikipedia Commons
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Une réponse à “LaREM, partie de rien, parti de cadres, parti de masse, parti de rien ?”
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