Depuis Voltaire, l’ombre d’un doute plane sur le cas de Gilles de Rais. Gilles de Rais ou la gueule du loup, de Gilbert Prouteau, et un spectaculaire simulacre de procès en révision ont en 1992 fait avancer la thèse de l’innocence du seigneur de Machecoul et Tiffauges. Condamné à mourir sur le bûcher à Nantes en 1440 pour blasphème, sodomie, au moins 140 meurtres et le kidnapping d’un prêtre, Gilles de Rais aurait été victime de la cupidité de l’évêque Jean de Malestroit et de la vindicte du clan anglophile contre le plus proche compagnon de Jeanne d’Arc.
La rémanence de la rivalité franco-anglaise explique sans doute que la thèse de l’innocence du Maréchal de France soit presque ignorée de l’autre côté de la Manche. Mais ce n’est pas tout. La poétesse britannique Margot K. Juby, alias Morbid Morag, passionnée par cette affaire depuis des années, assure que le « procès en révision » de 1992 a été largement snobé par la presse britannique. « Il est en fait plus difficile de savoir ce qui s’est passé en 1992 que de découvrir les détails des événements intervenus au début du 15e siècle », assure-t-elle !
Gilbert Prouteau en est le premier responsable, selon elle : convaincue comme lui de l’innocence de Gilles de Rais, elle considère pourtant son étude comme un « livre confus et parfois malhonnête », fondé non pas sur une étude de l’abondant dossier du procès mais sur les écrits de précédents auteurs. Ce qui lui a valu une mauvaise réputation chez les historiens. Et puis, on aime avoir des méchants à détester : réhabiliter le « vrai Barbe-bleue » oblige à surmonter un sérieux obstacle cognitif !
Coupable d’avoir voulu faire de Jeanne une sainte
Selon Margot Juby, l’erreur majeure de Gilles de Rais aurait été d’écrire un Mystère du siège d’Orléans et de le faire jouer à ses frais dans la ville. Cela revenait à une canonisation officieuse de Jeanne d’Arc alors que celle-ci avait été condamnée comme hérétique ! Dès lors, l’Église puis ses amis et sa famille se seraient détournés de lui. Quant aux accusations de meurtres, elles reposent sur des témoignages indirects et sur les aveux de deux proches de Gilles de Rais, manifestement obtenus sous la torture. Mais le décompte des crimes a été fait « à la louche », sans qu’aucune preuve matérielle ne soit rapportée. Seuls quelques noms d’enfants disparus ont été cités – mais les disparitions inexpliquées étaient fréquentes à l’époque.
Margot Juby/Morbid Morag publie depuis 2010 un blog au titre explicite, Gilles de Rais was innocent, où elle détaille les raisons de son révisionnisme médiéval. Elle est aussi la promotrice en Grande-Bretagne du Gilles de Rais Day, qui commémore chaque 26 octobre l’exécution du condamné. Et elle s’apprête à publier une biographie de Gilles de Rais qui vise à rétablir les faits pour les lecteurs de langue anglaise.
Illustration : Gilles de Rais, par Éloi Firmin Féron (1835), château de Versailles, domaine public, RMN via Wikipedia
Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine.