Nous avons évoqué il y a quelques jours la pétition lancée contre le rayon chasse au sein des enseignes Décathlon. Celle-ci fait réagir, et notamment des chasseurs, qui ne comprennent pas la campagne de dénonciation et de traque dont ils sont victimes fréquemment.
Pour mieux comprendre l’univers du chasseur, et la passion de la chasse, nous sommes allés à la rencontre d’un passionné : Mickaël Prima, chasseur dans le Finistère. Il nous parle de sa passion, de la chasse en Bretagne, des règles de sécurité, et des polémiques.
Breizh-info.com : D’où vous est venue la passion pour la chasse ?
Mickaël Prima : Comme un certain nombre d’enfants issus d’une famille ou un ou plusieurs chasseurs exercent leur passion, j’ai été de ceux-là. Une transmission paternelle qui elle même émane d’une transmission paternelle précédente. C’est en quelque sorte un legs familial « moral », un héritage « pratique » naturel. Puis avec l’âge et l’expérience, on se construit sa passion.
On la façonne, on l’aménage, on la fait évoluer. « Avec le temps, va, tout s’en va » chantait Léo Ferré, ce en quoi il faut lui reconnaître une certaine vision.
Dans le domaine de la chasse comme dans un grand nombre d’activités pratiques, rurales, paysannes, traditionnelles (…), la transmission ne se fait aujourd’hui que très (trop) peu. Un chiffre qui à lui seul permet de mieux appréhender la situation : il y a 25 ans il y avait 2 500 000 chasseurs sur le territoire français, il y en a 800 000 en 2018. Sans recourir à un pessimisme accablant et si l’on étudie l’âge moyen des chasseurs en activité il ne faut pas être grand clerc pour imaginer quels seront les effectifs des pratiquants dans les années futures.
Breizh-info.com : Que chasse-t-on en Bretagne ? Qu’est-ce que vous aimez le plus chasser ? Pourquoi la chasse est-elle limitée à quelques mois dans l’année ?
Mickaël Prima : Les espèces classées « gibiers » en Bretagne sont très diverses. Il existe plusieurs types de chasse qui correspondent chacune à une ou des espèces chassables différentes.
Le passionné de chien d’arrêt (autrement appelé chien couchant au regard de sa position lorsqu’il détecte l’émanation et/ou la présence d’un gibier) privilégiera le gibier à plumes essentiellement en plaine de septembre à novembre puis dans des espaces plus boisés par la suite. Les espèces peuplant le territoire breton sont principalement le faisan, la perdrix, le pigeon ou la bécasse. Dans ce domaine il y a des distinctions majeures à effectuer puisqu’il est vrai que certaines espèces sont essentiellement d’élevage (faisans et perdrix) alors que l’ensemble des autres espèces sont toutes sauvages et naturelles. L’amateur de traque sera accompagné de chiens courants spécifiquement adaptés pour le gibier (petits ou grands) à poil tels le lapin, le lièvre, le renard, le chevreuil, le sanglier ou le cerf (liste non exhaustive, puisqu’il faut ajouter d’autres modes de chasse).
Pour tenter d’être exhaustif, il faut rajouter un certain nombre d’autres modes de chasse telle la chasse à l’affût, la chasse à l’approche, la chasse sous terre (vénerie), la chasse à l’arc, la chasse au gibier d’eau, la chasse à courre…
Il est à noter qu’en Bretagne la présence de grands gibiers est en augmentation constante alors qu’à contrario les cheptels de certaines autres espèces déclinent progressivement. Pour conclure, il est utile de préciser que les populations de gibiers sont très disparates d’un secteur à l’autre (par exemple la situation dans le Léon n’est pas équivalente à celle du secteur de Paimpont). Beaucoup de facteurs peuvent expliquer ces disparités ; les modes et la pression de chasse, le type de cultures, le biotope local, le climat, la géographie des lieux, les traitements utilisés par l’agriculture, la présence de routes…)
À titre personnel, j’apprécie différents types de chasse, mais s’il ne faut en retenir que deux que je me partage avec mes chiens entre la passion de la bécasse et la chasse au chevreuil pratiquée en battue. Je possède une meute créancée (spécialisée exclusivement) à cet effet en commun avec un ami. La chasse au lièvre est aussi une très belle chasse que j’affectionne.
Le troisième volet de votre question est important puisqu’il évoque la gestion cynégétique qui est une des composantes de la gestion de la faune sauvage. Ce sujet mériterait à lui seul des pages d’interview, mais puisqu’il faut être concis je dirais d’emblée que les chasseurs font davantage pour la nature et la gestion des espèces que beaucoup d’idéologues « écologistes » de salon. Je ne dis pas ceci pour polémiquer ou pour entamer un conflit larvé avec tel ou tel, mais la lecture d’un papier du naturaliste Pierre Rigaux que vous avez publié récemment sur votre site permet de mieux situer le niveau d’hostilité, d’intolérance et de refus de l’échange courtois de certains radicaux opposés aux pratiques ancestrales responsables du cueilleur-chasseur. C’est une vraie ligne de fracture qui semble se durcir.
Le travail effectué de concert entre l’office national des forêts, les fédérations départementales des chasseurs et les acteurs de terrain que sont les chasseurs eux-mêmes est un travail de qualité et qui tendra à le devenir encore davantage dans le futur. Le niveau de responsabilité des uns et des autres est important et chacun s’implique et s’applique pour faire en sorte que ce soit la nature qui remporte la mise. À travers les périodes de chasse autorisées, c’est justement chaque espèce qui est regardée de près par les instances responsables afin de faire en sorte que les cycles de chacune d’entre elles soient au mieux respectés (reproduction, migration…)
https://www.youtube.com/watch?v=Wq48citNJ0Q
Breizh-info.com : Le chasseur est-il cet individu sans cœur et détestant les animaux que l’on peut voir décrit dans certaines caricatures ? Quelle est sa relation à l’animal ? Et à l’animal qui souffre ?
Mickaël Prima : Il est des caricatures qui me font sourire, voir même carrément rire aux éclats y compris dans le domaine de la chasse, preuve d’une certaine autodérision ! Bien entendu que l’on peut rencontrer ici ou là des individus ayant des comportements asociaux, inadaptés, contraires à l’éthique. Cependant, et ce, comme dans toutes structures associatives, il peut exister des « brebis galeuses » qu’il convient d’éviter ou de sanctionner le cas échéant.
Qui ne connaît pas dans les structures qu’il fréquente une ou des personnalités qu’il estime néfastes pour la bonne marche de ladite structure ? En revanche et au-delà de ces quelques individualités ultras minoritaires, il convient de reconnaître qu’en 2018 le niveau de responsabilité des acteurs de la chasse est bien supérieur à ce qu’il a pu être. Non pas que nos anciens aient été irresponsables, mais simplement de constater que les données actuelles sont bien différentes et que le niveau d’exigence envers les chasseurs est d’un autre calibre qu’auparavant.
Les tableaux de chasse aujourd’hui sont bien en deçà de ce qu’ils ont pu être avant l’instauration de quotas de prélèvements. Ils sont aujourd’hui raisonnables et raisonnés. Je ne prendrai qu’un exemple, celui du lièvre. Pendant près de 20 ans dans de très nombreux secteurs bretons cette chasse a été purement interdite afin de permettre le repeuplement de cette espèce devenue trop rare. Aujourd’hui il existe un plan de chasse (quota de gibiers autorisés à être prélevés, soumis à autorisation et adapté à chaque société de chasse) afin justement de permettre une bonne gestion de cet animal. L’individu sans cœur et détestant les animaux ne se préoccupe pas du niveau de peuplement des populations, de la gestion cynégétique de la faune sauvage…
Afin de ne pas être porte-parole de qui que ce soit, je ne parlerai pas de la relation du chasseur à l’animal, mais de ma propre perception. Oui j’affirme que l’on peut respecter un animal y compris en le chassant et en le traquant. On peut lui apprécier son côté combatif, son sens de l’évitement, sa finesse, son intelligence, sa ruse, son instinct de survie, sa capacité à se défendre dans son milieu, sa beauté… La chasse dure pour moi approximativement 5 mois et demi par an. Les 6 mois et demi restants je partage et nourris au quotidien cette relation avec la nature là encore au contact des animaux. La randonnée me permet de les photographier, de les contempler dans leurs milieux naturels, de les observer différemment.
Enfin il est peut-être utile d’informer vos lecteurs que le gibier prélevé est pour ma part, cuisiné, préparé et partagé avec des convives autour d’une bonne table bien garnie ou là encore l’animal est dégusté et respecté pour ce qu’il apporte en termes de goût et de plaisir gustatif.
Quant à l’animal qui souffre la règle est simple et précise : quand on donne la mort à un animal cela doit être fait de la manière la plus éthique qui soit : rapide et efficace dans le but évident de ne pas faire souffrir l’animal.
Breizh-info.com : Qu’est-ce qu’apporte la chasse à celui qui souhaite la pratiquer ? Y a t-il des activités qui complètent la formation de chasseur et que vous conseilleriez ? Pourquoi ?
Mickaël Prima : Comme précédemment je ne me positionnerai exclusivement que de mon point de vue tant chacun pourrait définir de mille façons ce qu’il ressent, ce qu’il recherche, ce qu’il éprouve lorsqu’il exerce son action de chasse. Je résumerais simplement en évoquant liberté et complicité. En effet je ne conçois la chasse qu’accompagné de mes chiens, lesquels arpentent les terrains en ma compagnie et avec qui une évidente complicité existe.
Une relation unique : un triptyque nature/chiens/gibiers.
Le plaisir de parcourir des kilomètres hors des sentiers définis, la joie de rencontrer des copains partageant une passion commune, le sentiment étrange de se sentir seul au monde un matin de brume avec un horizon indéfini, les senteurs humides des sous-bois, le panachage « effort physique/complicité du chien/traque/goût du tir de qualité », la liste est très longue me concernant.
Pour davantage mettre en perspective ce que j’évoque : une lecture que je conseille vivement aux amoureux de bon goût et d’art de vivre que je crois être : « Le dictionnaire amoureux de la chasse » de Dominique Venner.
La chasse est une activité qui, comme déjà dit, peut être pratiquée de très nombreuses façons. Je conseillerais vivement la randonnée sportive comme activité complémentaire. Celle-ci permet de se façonner une condition physique en particulier pour les chasseurs exigeants qui pratiquent la chasse devant soi ou la chasse en battue en tant que traqueurs. Cette activité permet aussi d’apprendre ou de parfaire son sens de l’orientation. Elle permet enfin de mieux connaître ses terrains de chasse. Il existe aussi des formations complémentaires tout à fait intéressantes qui sont dispensées par certains organismes, dont celles proposées par la fédération départementale des chasseurs du Finistère (https://www.chasserenbretagne.fr/IMG/doc/29/catalogue_de_formations_2018.pdf). Ces formations, tout à fait abordables, parfois gratuites, permettent d’en apprendre davantage sur la régulation des nuisibles, l’hygiène de la venaison ou encore la chasse à l’arc. Bien entendu les formations axées sur la sécurité sont très présentes au sein de la maison de la chasse de Ty Blaise à Brasparts.
Breizh-info.com : Quelles sont les règles élémentaires de sécurité à rappeler à celui qui souhaiterait se mettre à la chasse ?
Mickaël Prima : La sécurité est un des domaines sur lequel les instances dirigeantes ont le plus travaillé depuis 20 ans.
Déjà il y a ce qui est obligatoire : port de la tenue orange fluorescente (1 ou 2 effet suivant le type de chasse) — transport des armes démontées ou sous housse dans les véhicules — ne pas tirer à hauteur d’homme – en battue respecter l’angle des 30 degrés pour effectuer un tir – décharger et ouvrir son fusil en présence d’autrui ou lors de certains franchissements — pas de tir en direction des habitations, hangars, voies de circulation, lignes électriques… La liste est assez longue et permet de constater que les chasseurs ont cet aspect sécuritaire à l’esprit à chaque sortie.
En complément de ce qui est obligatoire, il y a bien entendu ce que le bon sens ordonne et qui requiert un haut niveau de responsabilité. Dans chaque société de chasse communale, association communale de chasse agréee ou de chasse privée, des règlements intérieurs sont établis et doivent être lus et relus.
Toutes ces mesures existantes, parfois contraignantes, tendent vers un seul objectif : faire de la chasse une activité encore plus sûre, encore plus abordable et accessible pour tous y compris bien entendu les plus jeunes et les femmes.
Breizh-info.com : Quels sont vos objectifs pour cette saison de chasse qui s’annonce ?
Mickaël Prima : PASSION — COMPRÉHENSION – GESTION — ÉMOTION – RÉGULATION – PARTAGE – CAMARADERIE – ÉCHANGES.
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine