« J’ai 62 ans, et à un moment il ne faut pas avoir des pudeurs de gazelle, comme dirait l’autre… Ce sera ma seule et unique incursion dans un gouvernement. » (L’Obs, 30 novembre 2017). Voilà en quels termes Nicolas Hulot expliquait sa nomination comme ministre de la Transition énergétique et solidaire. Promotion qui ne semblait pas lui avoir monté à la tête : « Je n’éprouve aucun plaisir personnel à être ministre, mais je souhaite trouver de la satisfaction à travers nos décisions ». (Aujourd’hui en France, mardi 22 septembre 2017).
Nicolas Hulot aurait gagné à relire le programme d’Emmanuel Macron
Pour autant, avant de s’engager auprès d’Emmanuel Macron, Nicolas Hulot aurait gagné à relire le programme du candidat à la présidence de la République ; ce qui l’aurait rendu méfiant. Dans son « contrat avec la nation », Macron évoque bien un « chantier » (sic) visant à « accélérer l’émergence d’un nouveau modèle de croissance réconciliant transition écologique, industrie du futur et agriculture de demain » – ce faisant on demeure au stade des bonnes intentions et des généralités. De même si l’ambition de placer « la France en tête du contrat contre les perturbateurs endocriniens et les pesticides » apparaît plus loin.
Il est même question de faire de la « France le leader mondial de la recherche sur la transition environnementale ». Un objectif fort est fixé ensuite : « D’ici 2022, 50% des produits proposés par les cantines scolaires et les restaurants d’entreprise devront être bio, écologiques ou issus de circuits courts ». Mais c’est le seul point clair et concret en matière d’écologie qui est mentionné dans ce programme. Car avec le « Plan de transition agricole de 5 milliards d’euros » qui « soutiendra les projets de montée en gamme des exploitations, d’adaptation aux normes environnementales et du bien-être animal », on demeure dans le vague. Par conséquent, pour Emmanuel Macron et son équipe, l’écologie ne constituait pas une priorité, seulement une fioriture. Dans ces conditions, Nicolas Hulot ne pouvait pas s’attendre à un soutien franc et massif de la part de lysée et de Matignon. Mais « quand on me demande quelle est ma stratégie, je réponds que je n’en ai pas. Je ne fonctionne qu’à l’intuition, qui parfois est bonne ou mauvaise conseillère. Tout ce qui m’arrive, je ne l’ai ni calculé ni prévu », explique-t-il (Les Paradoxes de Monsieur Hulot, L’Archipel).
Hulot avait perdu les arbitrages essentiels
La démission de Hulot « semble indiquer que le ministre avait perdu ces derniers jours les arbitrages essentiels », notamment sur le nucléaire, croit savoir Ronan Dantec, sénateur écologiste de Loire-Atlantique. (Les Échos, mercredi 29 août 2018). Il parait que huit dossiers brûlants ont pesé dans la décision de claquer la porte du gouvernement : l’écologie sacrifiée sur l’autel du libre-échange (accord CETA), Total autorisé à forer en Guyane, la mine d’or guyanaise, le report du nucléaire, le camouflet des états généraux de l’alimentation, la défaite de la Mède (remise en marche de la raffinerie Total), le glyphosate, l’autorisation de chasser des espèces aujourd’hui protégées (Marianne, 31 août 2018).
Bientôt à l’ONU ?
Les amis de Hulot racontent que si « sa vie politique est terminée, ce n’est pas le cas de son engagement citoyen ». « Il a un destin devant lui, j’en suis convaincu. Je le vois entamer une carrière internationale. Il a la capacité d’être un nouveau Al Gore », en est persuadé son vieux complice, Gérard Feldzer, consultant en aéronautique. Être envoyé à l’ONU ? « S’il le voulait », Emmanuel Macron « pourrait le pousser à la tête d’un des organismes environnementaux de’ l’ONU », poursuit-il (Le Figaro, jeudi 6 septembre 2018). Pour le Président, ce serait un bon moyen d’extraire Hulot de la politique française et de le neutraliser en l’envoyant à New-York. N’oublions pas qu’une élection présidentielle est prévue en 2022…
B. Morvan
Crédit photo : Cancilleria Ecuador/Wikimedia (cc)
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