Pourquoi publier le 15 août un document réalisé à l’automne précédent ? De toute évidence, pour éviter qu’on le remarque trop. C’est ce que vient de faire le gouvernement écossais avec une enquête sur l’attitude des jeunes Écossais envers l’immigration qu’il avait commandée à Ipsos MORI Scotland. Réputé pour la qualité de ses sondages, cet institut a interrogé 1 781 écoliers écossais entre 9 et 19 ans, soit un échantillon très nombreux pour ce genre d’enquête.
Et les résultats sont éloquents. Près des deux tiers (65 %) des jeunes Écossais interrogés pensent que l’immigration doit être réduite ou plafonnée à son niveau actuel. Seuls 15 % en veulent davantage. Ce qui, coïncidence ou pas, correspond exactement au pourcentage des jeunes interrogés qui ne sont pas des Blancs (ou qui ne déclarent pas leur « ethnicity », soit 4 %).
Il faut pourtant noter que, du point de vue écossais, « immigration » signifie généralement « personnes née hors du Royaume-Uni » ‑ donc aussi bien les Polonais et autres Européens de l’Est, nombreux dans le pays, que les immigrants extra-européens. Le sondage veille à le rappeler (« Les gens venant de l’extérieur de la Grande-Bretagne qui s’installent en Écosse font-ils du pays un endroit meilleur ? »). Cependant, les Européens de l’Est ne sont pas moins rejetés que les immigrants extra-européens. Ni davantage : globalement, plus de quatre jeunes sur dix ne pensent pas que l’immigration menace l’identité de l’Écosse.
De quoi inquiéter le Scottish National Party
S’il ne révèle donc pas une levée de boucliers massive contre l’immigration, le sondage a tout de même de quoi inquiéter le Scottish National Party (SNP), qui administre aujourd’hui l’Écosse. Le SNP est depuis longtemps favorable à l’immigration – comme la plus grande partie de l’establishment politique local, d’ailleurs. Réalisée à sa demande, l’enquête d’Ipsos montre qu’une partie importante de la jeunesse ne le suit pas sur un thème majeur de sa politique. Pire : le fossé s’élargit. En effet, les Écossais sont d’autant plus réservés ou hostiles envers l’immigration qu’ils sont plus jeunes, ce qui signale probablement un déclin progressif du politiquement correct.
Le SNP ne semble pas prêt à une révision déchirante. Les commentaires du gouvernement écossais sur les résultats du sondage ne sont pas seulement tardifs, ils sont sculptés dans la langue de bois. « Les constats du sondage donnent une image nuancée des sentiments des jeunes envers l’immigration en Écosse », affirment-ils d’entrée. Mais le gouvernement de Nicola Sturgeon a sûrement réfléchi à la question et pourrait bien avoir commencé à infléchir discrètement sa politique migratoire.
E.F.
Crédit photo :[cc] « Nicola Sturgeon, Ms Common Touch », photo Ninian Reid, Flickr. Nicola Sturgeon a beau faire des « selfies », les jeunes Écossais sont réservés sur sa politique migratoire.
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