Dans son Voyage de Mortimer (Balland, 2017), Tomas Turner nous racontait les pérégrinations de Mortimer Linskey, Américain de souche irlandaise. L’informaticien, victime d’un « burn out », quittait Denver pour l’Europe, la France, à la recherche de son identité profonde. Les péripéties de cette quête mêlaient le cocasse, la satire et la découverte de lieux où souffle l’esprit, comme Barrès les aimait.
La suite, Les masques irlandais (Balland) est plus mélancolique, plus métaphysique. Rio est un grand connaisseur de l’âme celte, il en arpente les territoires, de préférence à pied.
L’amie française de Mortimer, Rebecca, n’a plus de nouvelles de Mortimer. Elle part à sa recherche. Mortimer est un fantasque, presque bipolaire, Américain « high tech », Européen des brumes et des mystères. On ne racontera pas ici, l’enquête de Rebecca, pleine de rebondissements, dans une Irlande, « immense miroir d’eau où l’illusion est maîtresse ».
Car le personnage central, c’est l’Irlande. On croit la connaître, car on l’a parcourue quelques jours, de Dublin au Connemara, en s’attardant dans le Kerry, vrai jardin de l’île. Un saut à Belfast et puis à Bushmills, la chaussée des géants. On passe, on frôle… Avec Rio, on apprend. Le prêche du père Luke nous édifie sur Brendan (484-527), le saint navigateur, l’Évangéliste qui a fait le tour du monde et annonce qu’il a découvert le paradis :
« La navigation de saint Brendan est un guide pratique extraordinaire qui projette le voyageur spirituel en dehors du temps et de l’espace physique… Il a navigué au plus profond de lui-même… »
Les seuls voyages qui comptent sont immobiles. Les Irlandais parcourent le monde, poussés par la faim au 19° siècle. Leur pensée magique associe méditation secrète et regard sur le temps qui passe. A observer les éphémères qui ne vivent que quelques heures, le temps d’un septième ciel. God Save Ireland !
Jean Heurtin
Bernard Rio, Les masques irlandais (Balland)
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