Sur l’un de ses titres, le rappeur français Nekfeu se décrit, en tant que Blanc, « bénéficiaire » d’un « système raciste ». Vraiment ?
Nekfeu et le « système raciste »
Le rappeur Nekfeu est l’un des piliers de ce genre musical qui est désormais le plus écouté dans l’Hexagone. Ayant fait ses armes au sein de différents collectifs tels le S-Crew, 1995 ou encore L’Entourage, il évolue désormais seul. Tandis que son dernier album, Cyborg, date de la fin 2016, il est apparu depuis lors de différentes collaborations.
La dernière en compagnie de son confrère S.Pri Noir a donné lieu à la sortie du morceau « Juste pour voir » au début du mois de juillet dernier. Un featuring comme il en existe tant d’autres dans le monde du rap français. Toutefois, l’un des couplets de Nekfeu interpelle lorsque l’on y prête l’oreille :
« C’est la finance qui tire les ficelles de la démocratie
Et moi, j’suis blanc, donc bénéficiaire de leur système raciste
Faut prendre des risques, j’fais confiance au squa, personne recompte ses parts ».
Bénéficiaire d’un « système raciste » parce que Blanc ? Si Nekfeu (dont les origines grecques par son père et écossaises par sa mère font effectivement de lui ce que l’on nomme communément un Blanc) est bien un bénéficiaire du système, son apparence européenne n’y est pas pour grand chose.
Est-ce ce même « système raciste » qui lui a permis d’obtenir un prix aux Victoires de la musique en 2016 ? Bien des petits Blancs de l’Hexagone n’ont alors pas la chance de goûter aux privilèges de ce fameux système.
« Rien n’peut diviser mes potes » ?
Pourtant, à en croire ses propos lors de son featuring sur le titre « Titi parisien » de Seth Gueko paru en 2015 suite à l’attaque du Bataclan, la question de l’origine ethnique des uns et des autres n’est pas une source de différence ni de division pour Nekfeu :
« Mais ça risque de déborder, rien n’peut diviser mes potes
Et j’marche avec descendants d’esclaves, petits-fils de déportés, ex-colonisés ».
En somme, tout le monde marche main dans la main dans les rues de Paris, l’industrie du rap français, secteur en pointe dans le métissage et la promotion des causes « racisées », ne s’est jamais aussi bien portée, mais le « système raciste » a toujours le dernier mot ?
Nekfeu n’a pourtant pas été mis au pilori des médias et du « rap game », désormais très institutionnel, malgré ses engagements à répétition en faveur des migrants ou encore des Rohingyas si chers à Omar Sy. Pas plus qu’il n’a été écarté du monde du cinéma, qu’il a rejoint entre temps, puisqu’il a été présélectionné pour le César du meilleur espoir masculin pour le film Tout nous sépare en 2018.
Une fois ces précisions apportées, le « système raciste » apparaît donc bien indulgent avec le rappeur. Un « système raciste » qui vient par ailleurs de porter aux nues une équipe de France de football dont seulement six joueurs sur 23 étaient, comme Nekfeu, des Blancs. Un « système raciste » qui a vu l’Élysée, lieu d’exercice du pouvoir par le président de la République Emmanuel Macron, accueillir pour la Fête de la Musique en juin dernier un artiste arborant un tee-shirt « Fils d’immigré, noir & pédé ».
En définitive, si tant est qu’il ait jamais existé, ce « système raciste » est, à l’instar du rap sans Auto-Tune, un lointain souvenir. Tout comme le sera bientôt l’ethnomasochisme ringard de Nekfeu.
Crédit photos : Wikimedia Commons (CC/Georges Biard)
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