Autant vous dire que je me suis tenu très à l’écart des fumigations guytoniennes qui ont suivi le dimanche triomphal et moscovite (et furieusement pluvieux) de « l’équipe de France » – le populus étant soudain devenu turba (de la tourbe), comme on disait au temps de Jules Caesar. Rendu grincheux par l’âge, la montée du diabète et la coupure prostatique, j’ai relevé quelques défaillances dans l’Ordre public : le pillage éhonté du bistrot Publicis en haut des Champs Élysées, deux agressions sexuelles, du type Weinstein ou Tariq Ramadan, comme il s’en est produit par centaines à Cologne l’autre année, un malheureux type se tuant en sautant de joie dans un canal sans eau en Savoie, des autos brûlées dans les rues « adjacentes » par des gamins revendiquant haut et fort le droit de carboniser les moyens de transport de ceux qui ne gagnent pas leur vie à « chouffer » dans les bas d’escalier. Bref, j’en avais assez pour ma « grinche » solitaire devant l’écran de télé… Ce qui ne s’est pas arrangé depuis, avec cette défoulante partie de catch livrée urbi et orbi par le « garde du corps » de notre Jupiter imperator.
Voilà pourquoi j’ai ouvert l’ouvrage de Sylvain Tesson : Un été avec Homère[1], en me disant que si ça ne me faisait pas de bien ça ne me ferait pas de mal non plus. J’ai tout de suite su que j’avais fait le bon choix. Je lis : « L’homme peut donc finir par dégoûter les dieux »… Je lis : « La force chez Homère n’est jamais une donnée éternelle. Elle se renverse toujours et le héros triomphant sera un jour banni dans les Enfers ». Ben, mon colon ! Je lis encore : « Souvent, sur la plaine de Troie, un guerrier dépasse toute retenue et laisse la ruine derrière lui. Il s’attire alors la colère des dieux. » C’est pas Retailleau qui dirait ça, avec ses façons de chat maigre faisant son pète-sec. Depuis deux mille ans que les dieux ont replié leurs gaules, et que Julien a été qualifié d’apostat, que pouvons-nous attendre ?
Sylvain Tesson nous offre un superbe retour vers le paganisme bienfaisant
Eh bien ! C’est simple. Combattant notre lancinante perplexité, forgée par des siècles de monothéisme, Sylvain Tesson nous offre un superbe retour vers le paganisme bienfaisant. Il nous distille en près de cent très brefs chapitres un revigorant nectar – dans « la clarté des paysages grecs » disait déjà Jacqueline de Romilly, cette grande dame qui avait tout compris. Comment ne pas être d’accord avec ceci : « Le mot hélios (le soleil) n’a pas changé depuis trente siècles. L’astre brille depuis des milliards d’années et le soleil, « dieu d’En Haut » selon Homère, ne pardonnera pas que les humains « tuent insolemment ses vaches qui faisaient sa joie » (c’est-à-dire, en d’autres termes, abusent avidement des ressources de la Terre, en exploitant les trésors sans considération pour leur rareté). »
Lisez-le, au nom des dieux ! « À force de vivre dans un rayon d’or, les Grecs ont compris que le séjour terrestre ressemblait à ce court intervalle entre le matin et le soir, où tout se dévoile, et qui s’appelle le jour et dont l’addition constitue une vie. » Il faudrait tout citer… ou apprendre par coeur.
MORASSE
[1] Sylvain Tesson, Un été avec Homère, France Inter – Equateurs, 253 p., 14,50 €.
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