25/12/2015 – 08H00 Nantes (Breizh-info.com) – Les travaux vont bientôt commencer à Notre-Dame-des-Landes : ce communicant nantais en est convaincu. Voici tout juste trois ans, rappelle-t-il, Jacques Auxiette avait commis un fameux impair en lançant un appel d’offres pour une prestation de lobbying en faveur du projet d’aéroport, puis en le retirant au bout de quelques jours. Mais il n’avait sûrement pas renoncé à agir sur l’opinion publique.
« Si j’avais répondu à l’appel d’offre », poursuit notre homme, « ma préconisation aurait été double. Premièrement, si vous n’êtes pas sûr d’avoir des arguments déterminants, évitez le débat de fond, ne parlez pas du projet mais décrédibilisez le camp d’en face. Deuxièmement, pour limiter les incidents au début des travaux, endormez l’opinion puis agissez vite. Je pense que la plupart de mes collègues auraient tenu à peu près le même raisonnement. Et si vous faites un peu de rétro-ingénierie des événements en cours, vous constaterez que les pouvoirs publics suivent une stratégie de ce genre. »
Les zadistes mis en avant, le débat de fond évité
Depuis deux ans, en effet, les partisans du projet de Vinci Airport communiquent peu sur l’aéroport lui-même. En revanche, ils attaquent sans relâche la fraction extrêmiste de ses adversaires, globalisés sous l’appellation « zadistes », ce qui permet d’imputer à tous les opposants les violences de quelques-uns. Cette politique de communication a bénéficié d’un lancement en fanfare lors de la manifestation nantaise du 22 février 2014. Celle-ci avait donné lieu à divers incidents provoqués par des casseurs du black block venus en Loire-Atlantique pour la baston mais aussitôt suivis de multiples appels à l’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.
La même politique a été suivie avec constance depuis lors : tout incident réel ou supposé sur le périmètre de la ZAD est largement exploité. En revanche, les partisans de l’Aéroport du Grand Ouest évitent systématiquement de répondre aux arguments de fond alignés avec constance par le Collectif d’élu-e-s doutant de la pertinence de l’aéroport (CéDpa). La direction générale de l’aviation civile (DGAC) refuse même de dévoiler les données utilisées par son analyse coût/bénéfice au vu de laquelle le projet a été déclaré d’utilité publique.
Mais cette politique touche probablement ses limites. Si la DGAC refuse de révéler ses données, on soupçonne qu’elle a quelque chose à cacher. En juillet dernier, la Commission d’accès aux documents administratifs lui a enjoint d’ouvrir ses dossiers au CéDpa. Elle continue néanmoins à faire la sourde oreille. Le CéDpa a introduit un recours devant le tribunal administratif qui aboutira bien un jour. Attendre plus de quelques mois serait donc courir un risque de réouverture du débat de fond.
Endormir la vigilance
L’autre pan de la stratégie préconisée était d’endormir l’opinion. Cette démarche avait en fait été engagée avant l’appel d’offres de Jacques Auxiette avec le fameux engagement pris en 2012 par François Hollande : les travaux ne seront lancés qu’une fois tous les recours épuisés. Or, des recours, on peut toujours en introduire de nouveaux…
« Cet engagement n’est ferme que dans l’esprit des adversaires de l’aéroport », estime notre communicant. « François Hollande est resté dans le flou et il n’en est pas à ça près, ne pas tenir cet engagement local ne lui nuirait pas au niveau national, ça n’a aucune importance à côté de l’engagement sur la baisse de la courbe du chômage. Ce genre de pseudo-engagement ne sert qu’à démobiliser les gens. »
Avec efficacité, d’ailleurs. Grâce aux paroles apaisantes de François Hollande, les opposants au projet « veulent croire à son abandon », écrivait Denis Fainsilber dans Les Échos dès novembre 2014, en citant des déclarations de Dominique Fresneau (Acipa) et du sénateur Ronan Dantec. L’esprit humain déteste les dissonances cognitives : s’il reçoit des signaux contradictoires, il a tendance à ne voir que ceux qu’il préfère.
Or depuis trois ans, les pouvoirs publics multiplient les signaux contradictoires, les uns réclamant un démarrage prochain des travaux, les autres laissant entendre que l’échéance pourrait être lointaine. Les adversaires de l’aéroport préfèrent se focaliser sur ces derniers. On l’a vu le 10 décembre quand Vinci a renoncé devant le TGI de Nantes à une procédure d’expulsion. On l’avait vu fin octobre quand la DREAL des Pays de la Loire avait lancé un appel d’offres portant sur des travaux de débroussaillage. Pour le député écologiste François de Rugy, c’était « une forme de gesticulation ». Mais gesticuler d’un côté est un bon moyen de cacher le geste plus important qu’on prépare de l’autre côté. Les prestidigitateurs et les pickpockets le savent bien. Les politiques et les lobbyistes aussi !
Crédit photo : [cc] Non à l’aéroport Notre-Dame-des-Landes (pétition photos etc) sur Flickr,
[cc] Breizh-info.com, 2015, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.
6 réponses à “L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, c’est maintenant ou jamais (1ère partie)”
Excellente analyse. Mais le 13/11 est passé par là. Tout détesté que peuvent l’être les Zadistes, l’opinion n’acceptera pas de violences envers eux quand on voit le traitement de complaisance réservé aux musulmans délinquants (qu’ils soient religieux ou non, mais l’amalgame marche selon le même procédé décris ici).
Plus la logistique. Comment l’opinion publique réagirait au gros déploiements de forces nécessaires ? L’Etat en a-t-il seulement les moyens ?
Enfin, ce Noël sous des températures si clémentes ? Ça va préoccuper beaucoup d’esprits.
L’analyse est juste mais si convaincue qu’elle travaille finalement pour les pros aéroports par son fatalisme.
Personne ne peut dire si cet aéroport se fera ou non.
Une opération montée dans la discrétion et menée promptement ne nécessite pas forcément beaucoup de policiers. Et l’effet bouclier des musulmans pourrait jouer dans l’autre sens. Imaginez une opération simultanée contre dix mosquées islamistes à Marseille, Lille et Strasbourg un vendredi, jour de prière : grosse provocation ! Incidents, voitures brûlées, CRS. Les journalistes et les équipes de télévision de permanence le week-end filent vers le Sud, le Nord et l’Est. Le samedi, les reportages et les réactions saturent les médias. Le même jour, intervention à Notre-Dame-des-Landes. Aucune image spectaculaire. Le lundi, l’évacuation de la ZAD est annoncée en page 6 des quotidiens.
Bien sûr que c’est facile techniquement pour un état de virer tout le monde.
Mais politiquement, je pense que An a raison et c’est de plus en plus évident. Il y a la médiatisation EELV avec Duflot, Cohn Bendit sur les médias, des lamentations … Et tout en haut le machiavélique François Hollande qui a besoin des 4-5% pour la présidentiel.
Etonnant, le fait de passer par VINCI pour le judiciaire, ce n’est pourtant pas le propriétaire des lieux ! Ainsi on peut dialoguer tout en haut sans témoin politique. VINCI dépend des chantiers de l’état.
Je pari que rien ne va se faire d’ici 2017.
C’est étonnant quand même: pourquoi les zadistes n’ont ils jamais condamné et chasse cette « frange extrémiste » de leurs rangs? Pourquoi cela relèverait uniquement des partisans au projet? Après tout c’est bien à l’image des zadistes qu’ils causent du tort!!!
Hypocrisie?!
Evidemment. Sans ceux prêts a aller à la castagne, la piste serait déjà faite.
Je pense effectivement que l’Etat prépare l’action avec soin. Et qu’on soit pour ou contre l’aéroport, qu’il y ait gentils et méchants zadistes, il n’en reste pas moins que c’est bien une zone de non droit, avec des « frontières ». Pour être à proximité, Il y a eu beaucoup d’incidents, certains relatés par la presse, beaucoup d’autres non.
Ceci n’est plus acceptable et discrédite l’autorité.
Sans compter la quantité de recours en justice, qui ont TOUS été rejetés. La loi doit s’appliquer et doit être respectée, sinon à quoi sert elle, surtout dans de telles proportions. Si les recours avaient donné raison aux antis et que Vinci aurait débuté les travaux malgré tout, on aurait hurlé au déni de justice: ça marche dans l’autre sens….