21/06/2015 – 08H00 Nantes (Breizh-info.com) – Tony S. comparaît ce 16 juin pour un carreau cassé. Juste un carreau, mais son dossier est lourd. Plusieurs mentions en 2012, 2014, pour violences. A son âge, il n’a jamais travaillé. Son quotidien, longtemps, fut la misère, la débrouille, les combines, les violences – qui lui valent plusieurs mentions au casier. Et pourtant il s’en est à peu près sorti puisqu’il a deux enfants et un domicile.
Le 15 décembre 2014 les policiers sont venus le chercher chez lui pour une peine à exécuter en rapport avec une condamnation plus ancienne. Ils l’ont placé en rétention judiciaire dans une cellule. Tony était énervé et a cassé un carreau. Résultat : « un bain de sang dans la cellule», selon le procureur qui » constate les photos des lieux, un détenu ensanglanté et 198,12€ de préjudice ». Le prévenu est maintenant détenu. Le juge lui demande s’il suit une formation. « Oui, j’ai un truc avec le SPIP ». Il lui demande ce à quoi il occupe sa peine: « du sport, un peu de tout, vous savez, y a pas grand chose à faire en détention ». Il est honnête. Mais enraciné dans la délinquance, note le procureur. Son acte, il le justifie par quelques mots : « j’étais énervé. C’est normal ». Le juge suit les réquisitions du procureur. Deux mois ferme.
Dossier suivant. Ahmed M. est poursuivi pour port d’arme illégal. Il comparaît avec un traducteur. Il est en France depuis 2011 et n’a pas manqué de s’y faire connaître. Condamné pour séjour irrégulier en 2011 et 2012, il a aussi à son casier plusieurs mentions pour vols, en 2011, 2012 et 2013, recels et dégradation. Sans revenu légal, il avoue travailler au noir sur les marchés. Il se dit opportunément libyen, ce qui fait sourire un habitué du palais : « égyptien, libyen, syrien, palestinien, ils le sont tous, c’est la mode. Et comme à la frontière ils jettent leurs papiers, ils sont tranquilles. Aucun pays ne veut d’eux, donc ils restent en France. Même s’ils sont clandestins ».
Visiblement le travail au noir n’est pas sa seule source de revenus. Le 11 décembre 2014 après un vol à la tire dans le secteur du château des Ducs de Bretagne, la police intercepte sur un groupe de trois personnes que la victime reconnaît. Avant d’être arrêté, le prévenu dépose sous une voiture plusieurs menus objets – des barrettes de résine de cannabis et un couteau à cran d’arrêt. Sur lui les policiers retrouveront encore du shit, 140 euros et une balance électronique. L’attirail du parfait dealer.
Mais M. nie. Sans chercher à convaincre. La balance, le couteau et les barrettes ? Deux « connaissances » qui les lui ont remis. Le shit trouvé sur lui ? « ma consommation personnelle ». Le juge insiste. Tout d’un coup, le prévenu qui se faisait traduire les questions et répondait en arabe à la traductrice, se rappelle du français. Il le parle plutôt bien. Le procureur, agacé du manège, demande trois mois ferme. Verdict : ce sera deux mois ferme.
Avant de partir, le détenu condamné à deux mois ferme pour le carreau cassé avait apostrophé la juge : « deux mois pour un carreau ? Alors qu’il y a tant de voleurs dehors ? ». Sans le savoir, ses propos étaient prémonitoires. De quoi s’interroger sur le bien-fondé de la politique du carreau cassé. Que conclure lorsque ceux qui ne respectent rien sont condamnés à la même peine que ceux qui cassent un carreau ?
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