14/05/2015 – 08H00 Pontivy (Breizh-info.com) – La baisse des dotations publiques, sujet n°1 d’inquiétude de toutes les collectivités locales, ne semble pas toucher Pluméliau (Morbihan). Le nouveau maire, Benoît Quéro, élu en 2014 et récemment devenu conseiller général du nouveau canton de Pontivy, a trouvé sa cause : raser la mairie-poste, située en plein bourg devant l’église, pour en reconstruire une neuve et accessoirement détruire puis reconstruire la médiathèque. Un projet qui fait du reuz dans cette petite localité de la campagne de Pontivy.
Bâtie entre 1952 et 1957 à pierre et à granit (reconstitué), la mairie, oeuvre de l’architecte Léon Bellec, n’était pas de style Seiz Breur mais en conservait les inspirations – lignes courbes, comme sur l’immeuble Kodak à Quimper (arch. Olier Mordrel, 1933), monumentalité volontaire des façades, motifs décoratifs en spirales… Derrière se trouvait une salle des fêtes plus utilitaire rasée il y a quelques années pour cause de vétusté. Tout cela a été mis par terre à partir du 30 avril, les ornements de granit étant conservés pour le projet de la nouvelle mairie, qui sera située plus au fond de la place à l’emplacement de la médiathèque, elle même transférée à l’ancien presbytère. Le tout pour un coût encore inconnu à ce jour. La poste est irrémédiablement perdue – ses services ont été transférés à la supérette et la tendance n’est guère favorable au retour en grâce des agences postales classiques.
Anne-Marie Robic, de l’association des Amis du Patrimoine de Bieuzy (APB) qui a mené en vain la fronde contre la destruction de la mairie – qui a suscité aussi une large contestation au sein des Plumélois, constate que « les instruments juridiques qui sont censés sauvegarder notre patrimoine et le protéger de l’abus de ce genre d’élus sont de facto inopérants« . L’association a attaqué successivement trois délibérations : celle qui a décidé d’un référendum local sur le sujet (rejet), celle qui a décidé du déclassement du bâtiment et la toute dernière, du conseil municipal du 29 avril, qui a fait le choix de l’entreprise de démolition. Le lendemain, la destruction commençait, alors que la veille encore le maire disait ne pas savoir quand les travaux débuteraient.
On peut s’attarder aussi sur le référendum local du 21 septembre 2014. « Cette consultation a été bidonnée« , affirme Anne-Marie Robic. Les urnes auraient-elles été bourrées? Non, il suffit simplement, comme certains instituts de sondages, savoir bien poser les questions. « Aux habitants l’on demandait s’ils soutenaient le projet d’une nouvelle mairie dans le centre ou à l’extérieur du bourg« . Pas dupes, les Plumélois ont boudé les opérations électorales : sur 2641 inscrits 1310 votants se sont déplacés (49.6%), parmi lesquels 627 (47.86%) ont voté blanc ou nul. A aucun moment au cours de la consultation n’était posée la question de la conservation du bâtiment.
Tout à son entreprise de démolition, Benoit Quéro a ignoré les réserves de nombreux habitants et de la DRAC Bretagne. Il a aussi usé des facilités de la loi. Ainsi, à l’association APB qui réclamait la délibération du 30 mars sur le déclassement du bâtiment il a répondu en substance que la loi lui donnant 30 jours pour la délivrer, il utiliserait le délai jusqu’au bout. Promesse tenue : APB n’a pu avoir sa délibération que le 29 avril et a déposé un référé de suite. Mais c’était déjà trop tard pour le bâtiment.
Le feuilleton judiciaire, lui, continue. L’audience quant à la légalité de la décision de déclassement du bâtiment avait lieu le 7 mai. Le maire joue gros : si le bâtiment n’avait pas à être déclassé, il peut être condamné à reconstruire. Un enjeu visiblement ignoré par la presse locale qui n’était pas présente à l’audience. Du reste, même si le maire était condamné à la reconstruire, cette mairie, le ferait-il ? Il y a l’histoire du donjon de Coat-Menn, en Trémeven : détruit en partie par les employés et le patron d’une carrière proche en 1993, il devait être remis en état, selon l’arrêt de la cour d’Appel en 1999 confirmé par la Cour de cassation en 2000 ; mais cela n’a visiblement pas été le cas, la ruine ayant disparu du paysage.
Absence de décision de démolition : le maire de Pluméliau en difficulté à l’audience
Les journalistes locaux qui n’étaient pas à l’audience du 7 mai ont pourtant loupé quelque chose. Le maire est arrivé en retard, et quand il fut enfin sur les lieux la présidente, agacée – c’est le deuxième référé concernant cette mairie – lui demande s’il y a une décision de démolition et quand a-t-elle était prise. L’avocate intervient : « elle a été prise le matin du 30 avril au premier coup de pioche« . Ce qui constituerait une flagrante illégalité – tout acte de décision doit être pris au préalable afin que toute personne intéressée puisse avoir le temps de l’attaquer en justice. Surtout qu’il n’y avait là aucune urgence ni raison d’Etat.
Benoit Quéro s’empresse de corriger son conseil : « il y avait une décision implicite« . Puis s’embrouille, en avouant qu’elle a été « prise en septembre 2014, mais elle était implicite« . Avant ou après la consultation populaire organisée le 21 septembre ? L’illégalité est pourtant toujours là. « Bref, il est apparu de façon évidente que cette mairie a toujours été dans la manoeuvre, qu’ils ont fait vraiment n’importe quoi« , conclut Anne-Marie Robic.
Un Plumélois ancré de longue date dans le village juge sévèrement son édile : « le maire vient de débarquer, il a les dents longues, il veut faire de la politique donc il fonce en ignorant le droit et la correction la plus élémentaire, en pensant que ça va passer. Tôt ou tard il se prendra un mur, et comme ici les murs sont en granit ça va faire mal pour lui. » Un autre plumélois estime de son côté que « tout ça donne raison à Proudhon : un homme qui travaille à assurer sa dynastie, qui bâtit pour l’éternité, est moins à craindre que des parvenus pressés de s’enrichir et de signaler leur passage par quelque action d’éclat. » Affaire à suivre.
Louis-Benoît Greffe
Crédit photo : ABP (AMIS DU PATRIMOINE DE BIEUZY)
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