18/02/2015 – 20H00 Nantes (Breizh-info.com) ‑ « Nique ta mère, ça veut dire bonjour ». Ce contrôleur de la TAN en a gros sur le coeur, alors que la violence contre les agents de la TAN est devenu quotidienne. Mardi soir, un agent a encore été roué de coups à Bellevue par une douzaine de jeunes. Plusieurs syndicats seront présents le 19 février à 4 h 30 à l’embauche dans les dépôts pour encourager les chauffeurs de toutes les lignes de ne pas prendre leur service. Pour marquer le coup.
Selon Laurent Bourrichon, conducteur de bus et de tramway et représentant CGT de la Semitan, « il y a deux à trois agressions par semaine, on en est à plus de seize depuis début janvier 2015. » Souvent « les types bloquent les portes, ou essaient de les ouvrir, puis quand un agent arrive il en prend plein la gueule. Début février l’un d’eux a été agressé avec un épluche-légume, souvent c’est coups de pied, coups de poing, des armes blanches en tous genres aussi ». Selon son collègue Jean Noël Boureau, élu CFDT au CHSCT, « tous les jours, sur le rapport trafic qui rapporte tous les événements de la journée, y a un caillassage ou une agression, souvent les deux ».
Le 6 janvier, une de ces agressions a défrayé la chronique, sur le chronobus C4 (Gréneraie-Pirmil-Les Sorinières) à Ragon. Laurent se rappelle les faits : « il y avait un contrôle, et un voyageur avait un pass annuel non validé. La contrôleuse lui explique qu’il faut valider à chaque montée, il n’avait pas trop envie de comprendre, un second collègue vient en renfort et le voyageur lui dit « fils de pute va te faire enculer ». Le collègue a fait un pas en arrière et a pris un coup de boule. On a essayé de le maîtriser et le type a sorti un couteau, il a donné plusieurs coups et un collègue a eu une estafilade à la main. Puis il a fini par être maîtrisé et a été relâché après s’être calmé. » Il a été interpellé plus tard par la police. Depuis, il y a aussi eu un conducteur de tramway qui s’est fait tabasser par plusieurs jeunes délinquants le 12 février à Souillarderie (ligne 1), il s’en est tiré avec (seulement ?) 4 points de suture…
« Ce ne sont pas des casiers qu’ils ont, c’est la collection complète de la Pléïade. »
En lisant les publications syndicales et les comptes-rendus des instances représentatives, on se rend compte que l’agression de Ragon n’est pas un cas isolé. Le 31 octobre 2014 le tram a été caillassé à la Souillarderie, le tramway a été arrêté à 22 h avant le quartier. Le 29 octobre 2014 un gros pavé a traversé une vitre du tramway et fini dans une poussette, heureusement sans faire de victimes. Le 28 octobre à 19 h 52, une rame est caillassée à la station Lauriers sur la ligne 1, le conducteur est blessé à l’oeil après avoir reçu un éclat. Le 25 octobre il y a eu des caillassages sur la ligne 25. Pour le seul mois d’octobre 2014 il y a eu 12 caillassages de véhicules à Bellevue et 10 à Malakoff. Fin juin, plusieurs caillassages de véhicules ont lieu à Bellevue. En juillet, les délégués syndicaux de la CFDT demandent l’installation de caches sur les poignées d’ouvertures de portes de secours sur les rames Bombardier « pour freiner l’ardeur des clients qui s’en servent autrement qu’en cas de secours » (sic). A la réunion des délégués du personnel du 18 avril 2014 la CFDT « demande l’envoi systématique d’une équipe de prévention au départ de 8 h à la Haluchère. Entre les désordres et les fumées de cigarettes, le quotidien de nos collègues affrétés devient difficilement tenable ». A la commission de sûreté de janvier 2014, on parle de caillassages à l’arrêt Haubans, des « Dervallères, où les incivilités sont essentiellement le fait de très jeunes ados qui caillassent les bus », et de « Neustrie, quartier à surveiller car 3 bandes se cherchent ! ». Et ainsi de suite…
Les agents de la TAN rencontrent quotidiennement de nombreux comportements à problèmes : « des petits morveux prêts à en découdre, notamment dans les quartiers sensibles. Des gens qui consomment de l’alcool, mettent les pieds sur les sièges, se croient sur le canapé chez leur mère ». Le pire, pour cet autre conducteur de la TAN, c’est « l’agressivité de certains voyageurs. Ils ne comprennent rien, ne veulent pas comprendre, montent dans les tours pour un rien, ont un comportement totalement agressif ». Ce qu’il attribue aussi au laxisme judiciaire : « ce ne sont pas des casiers qu’ils ont, c’est la collection complète de la Pléïade. Ils sont connus et reconnus, mais ils savent pertinemment qu’ils n’auront rien ou quasi ».
Il y a beaucoup de non-validations et de voyageurs sans billet aussi, pour ce syndicaliste qui estime le taux de fraude à « un bon 12-14%« , et non à 6-7% comme l’avoue à demi-mots le bilan officiel.
Ce sont toujours les mêmes lignes qui posent problème
Ce sont toujours les mêmes lignes qui posent problème. Par exemple, sur la 11 (Perray-Tertre) le terminus Pin Sec connaît « des caillassages réguliers. Tous les deux-trois soirs plusieurs bus se font caillasser, on coupe la ligne avant, ça se calme et quand on remet le service normal, ça recommence », explique le syndicaliste. Sur la 25 (Chanteanay-Audencia) il y a beaucoup de règlements de compte, la ligne reliant Bellevue aux Dervallières, « deux quartiers dont les bandes ne s’entendent pas bien et règlent leurs comptes dans nos bus ».
Sur la ligne 4 (Busway) « on a arrêté de remplacer les vitres à l’arrêt Clos-Taureau, le mastic n’avait plus le temps de sècher entre deux caillassages ». Même problème de caillassages à l’arrêtHaubans (C3-C5) à Malakoff : « c’est un vrai stand de tir ! « s’exclame, excédé, Laurent Bourrichon. « les conducteurs de bus sont persuadés d’entendre des détonations, les vitres tombent, mais selon le rapport de la direction ce sont des projectiles non identifiés ». Il n’en reste pas moins que très régulièrement un bus de l’une ou l’autre ligne se retrouve caillassé à cet endroit : « tous les 2-3 jours l’une des deux lignes y a droit ».
Sur la Ligne 1 « c’est pas mal aussi, surtout à Bellevue ». Là bas, « c’est le monde des rodéos », explique le syndicaliste, qui note aussi une autre « tradition locale : les jeunes rentrent en bande dans le tram, ils libérent 4 ou 5 portes en actionnant les poignées de secours puis ils se regroupent au milieu pour faire peur au conducteur. S’il sort, il va être obligé de réarmer les portes une ou deux fois de suite. S’il reste planqué, ils se lassent car il ne veut pas jouer et finissent par partir ». Autres problèmes, « les nombreux vols à l’arraché, notamment à Lauriers et entre Pin Sec et Souillarderie ».
« pour les pouvoirs publics, c’est le monde des bisounours »
L’agressivité de certains voyageurs dans le tramway n’est pas un phénomène nouveau. Les rapports de CE et de CHSCT, les publications syndicales des uns des autres, les plaintes des agents de la TAN à ce sujet durent depuis des mois. « Mais pour les pouvoirs publics, c’est le monde des bisounours », estime Laurent Bourrichon.
Une preuve parmi d’autres : lors de la réunion des délégués du personnel de février les délégués CFDT demandent « quelles sont les consignes de la Semitan au sujet des personnes pénétrant à bord des véhicules avec le visage dissimulé ». La réponse de la direction ne manquera pas d’étonner : « si le titre est valable, il n’y a pas besoin de visualisation des visages par le conducteur ». Jean-Noël Boureau, élu CFDT au CHSCT, nous transmet le verbatim de la réponse officielle de la direction au syndicat : « le contrôle relève de la police, si la personne est en règle, on la laisse monter ». Transmis aux soldats de l’Etat Islamique : à Nantes, même si vous avez votre kalachnikov, votre cagoule et votre ceinture d’explosifs, vous pouvez monter dans le bus ou le tram si vous avez un ticket. Et tant pis pour la loi de 2010, mais dont cinq ans plus tard la direction de la TAN, perdue au milieu des steppes bretonnes, ne sait toujours rien. Que c’est grand, la France…
D’ailleurs, note le délégué CGT, « c’est très rare que nous soyons accompagnés par la police municipale, bien qu’il y a des moments où ce serait très appréciable. On se demande à quoi sert-elle. » Nantes compte en effet 150 agents dans sa police municipale, mais contrairement à d’autres villes, comme Orléans (107 agents), où ils sont très présents dans les transports et accompagnent quasi-systématiquement les contrôles, à Nantes, la police municipale ne se déploie que très ponctuellement, comme au moment de la Saint-Sylvestre. Jean-Noël Boureau, à la CFDT y est au contraire totalement opposé : « ce serait une incitation à la violence, une provation, on serait assimilés à la police et il y aurait encore plus de casse et d’agression ». Voilà qui est révélateur d’un certain état d’esprit pour le moins inquiétant, puisque c’est d’une démission face à la violence qu’il s’agit, d’une reddition sans même avoir combattu.
Pourtant, l’équipement progressif des véhicules en film anti-caillassages et vidéo-surveillance montre que le risque est réél et présent. « D’ici à 2016 tous les véhicules, y compris ceux des affrétés [Quérard et Brodu notamment, qui assurent 23% des trajets] seront équipés de vidéo-surveillance » nous explique-t-on à la CFDT. Les équipes de contrôle sont aussi renforcées : 5 personnes minimum dans le tramway, 3 dans les Chronobus. Par ailleurs il existe un dispositif d’alarme silencieuse que le chauffeur peut actionner : l’intérieur du véhicule peut alors être écouté depuis le poste central des circulations pour évaluer la situation et calibrer le dispositif qui doit être envoyé en renforts.
« Cette ligne, c’est le Bronx, c’est le merdier absolu. Et tout le monde s’en fout. »
« Pour l’heure, nous mettons l’accent sur la visibilité. Des équipes à pied, des patrouilles en véhicules qui peuvent se déplacer au gré des pannes, des incidents et des agressions », explique Laurent Bourrichon. Un chauffeur non syndiqué tempére : « nous ne sommes pas Rambo : si on nous agresse, personne ne peut nous obliger à faire le travail que la police et la justice refusent de faire ». Face à la montée des agressions, les 70 contrôleurs et agents de prévention préfèrent « que les agresseurs potentiels fuient, plutôt qu’ils restent et mettent le désordre ». La CGT a d’ailleurs demandé à plusieurs reprises « une formation pour que les agents sachent se placer de façon à ce que les perturbateurs potentiels puissent préférer quitter les lieux, que de monter dans les tours et agresser tout le monde ».
De temps à autre, quand la situation devient vraiment intenable, la TAN coupe les lignes, en limitant le service aux quartiers non sensibles. Ainsi, le 30 et le 31 octobre, après 19h, plusieurs lignes ont été coupées à Bellevue et Malakoff après des agressions et un caillassages. Etaient concernées la ligne 1 (à l’ouest de Gare Maritime), les lignes de Chronobus C3 et C5, les lignes de bus 11, 25, 59, 71, 81 et 91. « Mais c’est une solution qui ne permet que de calmer le jeu pendant quelques jours, puis ça recommence », explique un chauffeur de bus qui dessert au quotidien Bellevue et qui en a très gros sur le coeur.« Cette ligne, c’est le Bronx, c’est le merdier absolu. Et tout le monde s’en fout. Faudra-t-il qu’il y ait un mort pour qu’il y ait enfin la volonté politique d’assurer notre sécurité et celle des voyageurs sur le réseau? ». Sans commentaire…
Crédit photo : wikimedia commons (cc) – Jean-Louis Zimmermann
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3 réponses à “Nantes. Le ras-le-bol des agents de la TAN : « Faudra t-il qu’il y ait un mort ? »”
galloued er maez an naoned
oh oui. Sortir de la France c’est s’en sortir ! Pour rappel, nos colonies bretonnes sont le Québec, Marie-Galante, les Sept-Iles, St Pierre et Miquelon… si nous avons eu l’intelligence de coloniser des coins tranquilles au climat tempéré (qui ne nous ont jamais embêté depuis) pourquoi devons nous supporter les conséquences de la colonisation à tort et à travers française ?
Encore un coup de l »apartheid », pour que le vivre-ensemble soit possible il faut savoir vivre, or cela semble faire complètement défaut. L’intégration « républicaine » semble ne pas fonctionner, mais « tout le monde s’en fout », ils sont chez eux chez nous, et bientôt la charia, mais surtout pas d’amalgame.