11/02/2015 – 08H30 Nantes (Breizh-info.com) – « L’affaire Snowden et la colonisation numérique du monde par les Etats Unis ». C’est sur ce thème que s’est tenue le 6 février dernier à l’Université permanente de Nantes la conférence de Jean-Claude Empereur. Un sujet aussi sensible qu’essentiel, brillamment traité par ce spécialiste de géopolitique devant un public nombreux et attentif.
C’est le quotidien britannique The Guardian qui le premier a révélé le nom de l’auteur des fuites sur les programmes de surveillance des communications menés par les Etats-Unis. Il s’agit d’Edward Snowden, un jeune homme de 29 ans qui travaillait depuis quatre ans à l’Agence de sécurité nationale NSA: « Je ne veux pas vivre dans une société qui fait ce genre de choses. Je ne veux pas vivre dans un monde où tout ce que je fais et dis est enregistré », avait-il déclaré. Après bien des péripéties il est aujourd’hui réfugié en Russie alors que les USA demandent son extradition pour le poursuivre « avec la plus grande force du droit ».
Après le 11 Septembre les USA ont mis en place grâce au « Patriot act » (7000 pages !) une législation prégnante et liberticide. La NSA qui coordonne 16 agences de renseignement et 13 grands services a de son côté développé une surveillance de masse mettant en œuvre la totalité des informations scientifiques industrielles, économiques et politiques… C’est un contrôle complet de la planète grâce à un réseau arachnéen colossal.
Selon Jean-Claude Empereur « l’argument US de lutte contre le terrorisme ne tient pas une seconde … On ne peut bouger une oreille sans que la NSA ne le sache ». Les entreprises « commerciales » comme Skype, Microsoft, Yahoo, AOL lui sont liées et la NSA est aussi « tapie derrière l’étrange société Google ».
C’est cette société qui a engagé comme patron du développement l’informaticien Ray Kurzweil auteur de plusieurs ouvrages sur l’intelligence artificielle, la prospective et la futurologie. Persuadé qu’avec l’intelligence artificielle l’homme deviendra immortel, il est l’un des théoriciens du transhumanisme qui pourrait déboucher sur une « société post orwellienne ».
Ses conceptions se rapprochent du messianisme américain, celui de « la nation indispensable » et à « la destinée manifeste ». L’enfer qu’il nous promet est pavé de bonnes intentions, Madeleine Albrigh, secrétaire d’Etat de Bill Clinton, ne parlait-elle pas de « l’hégémonie bienveillante » des Etats-Unis.
La paranoïa collective qui a suivi le 11 Septembre a permis la mise en place d’une société de surveillance qui a conduit à la paranoïa numérique. Pourra-t-on échapper à un tel système de colonisation ? Les Etats-Unis ne peuvent admettre le moindre compromis mettant en cause leur supériorité militaire (la moitié du budget militaire de la planète), technologique ( ils veulent toujours avoir 5 ans d’avance) et leur souveraineté numérique. Ainsi ils peuvent contrôler géopolitiquement la planète. En face la Chine apparait comme le « compétiteur majeur ». Si elle s’alliait avec l’Inde, le Brésil et la Russie – les autres BRICS – le danger serait immense pour eux.
C’est le président Giscard d’Estaing, rappelle le conférencier, qui mit fin en 1975 au projet UNIDATA avec l’idée de le remplacer par une grande structure informatique européenne à l’identique d’Airbus dans l’aéronautique. Depuis l’Europe a pris un retard considérable. Elle est obsédée par « la dette » alors que la colonisation numérique est beaucoup plus importante pour son avenir. En dépit de ce « cheval de Troie omniprésent », l’Europe doit abandonner sa vision de comptable, réinventer une souveraineté numérique et refuser toute vassalisation, conclut Jean-Claude Empereur.
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