Il est des époques où l’on ne saurait faire semblant d’ignorer les signes du temps, où la moindre secousse révèle l’état profond des sociétés. L’assassinat tragique d’un fidèle musulman à La Grand-Combe, dans le Gard, survenu le 25 avril dernier, a donné lieu à une série de réactions politiques et médiatiques qui, pour tout observateur attentif, constituent bien plus qu’une réponse émotive à un crime abject : elles dévoilent, en creux, les lignes de fracture invisibles qui travaillent notre puissant voisin.
Dans un entretien accordé au journal Libération, le sociologue conformiste Vincent Geisser appelle à « bien mesurer le caractère inédit de cette attaque » et plaide pour une « union sacrée contre toutes les formes de racisme ». Il souligne, non sans raison, l’atrocité de ce crime perpétré au sein même d’un lieu de culte, sanctuaire de paix et de recueillement. Mais l’insistance avec laquelle il décrit cet événement comme un moment charnière, appelant des politiques à se surpasser, trahit une cécité bien commode.
Car il est impossible de ne pas constater le contraste saisissant entre l’émotion qui saisit aujourd’hui la gauche française — appelant à des rassemblements, dénonçant l’« islamophobie qui tue », exigeant un plan de protection des mosquées — et la froide sobriété, pour ne pas dire la tiédeur, de ses réactions lorsqu’il s’agit d’attaques contre des fidèles catholiques dans leurs propres sanctuaires. La mémoire du père Jacques Hamel, égorgé dans son église en 2016 par des assassins au nom du djihad, semble à cet égard déjà bien pâlie dans les consciences progressistes.
Rappelons qu’après l’attentat de la basilique Notre-Dame de Nice, en octobre 2020, où trois fidèles furent atrocement assassinés par un migrant tunisien récemment débarqué, les réactions des figures de gauche se bornèrent à quelques communiqués empreints de gravité convenue. Point de rassemblement de masse, nulle manifestation contre la « cathophobie » — terme que personne ne songea d’ailleurs à employer —, mais une invocation sommaire de « l’unité nationale » et du « refus du terrorisme ». C’est que, dans le récit dominant, le chrétien n’est plus une victime recevable, mais un représentant d’une majorité historique supposée coupable de tous les maux passés.
À La Grand-Combe, la gauche a su, en 48 heures à peine, mobiliser ses troupes : Jean-Luc Mélenchon, l’inévitable veste verte de Marine Tondelier, Michaël Delafosse, et toute une myriade d’associations se sont précipités pour appeler à une marche contre l’islamophobie, à la République comme il se doit. Les éléments de langage furent aussitôt alignés : « attentat terroriste anti-musulman », « plan national de protection des mosquées », « l’islamophobie tue« . La machine de l’indignation fut huilée et propulsée avec une rapidité dont les catholiques n’ont jamais bénéficié, pas même lorsqu’ils comptèrent leurs morts.
Il faut dire que l’Église catholique, fidèle à sa vocation de paix, a elle-même refusé de céder à toute logique victimaire, préférant la prière discrète aux démonstrations tapageuses. Ce choix en apparence honorable résulte plutôt de la crainte maladive de la hiérarchie de déplaire aux médias de gauche. Il a eu pour conséquence de faciliter l’indifférence médiatique et politique. Car dans la comédie démocratique contemporaine, seule la victime bruyante existe. Et la discrétion contrainte des catholiques, réduits au silence par leurs évêques, ne sied guère aux tribuns du ressentiment.
Il faut rendre justice aux faits : les attaques contre les mosquées, bien que rares, provoquent des mobilisations visibles, ciblées, avec des revendications précises. Lors de l’attentat contre la mosquée de Bayonne en 2019, une marche nationale fut organisée, soutenue par toute la gauche française. À l’inverse, face aux églises profanées, aux prêtres assassinés, aux fidèles égorgés, il ne vint à personne l’idée d’organiser la moindre marche pour défendre les chrétiens. Le terrorisme islamiste est renvoyé à une menace globale, sans jamais questionner la spécificité de la haine anti-chrétienne.
La partialité des réactions ne fait ainsi que refléter une hiérarchie implicite des douleurs, soigneusement entretenue par une intelligentsia qui a fait de la repentance son viatique, et de la France historique un objet de honte. Le catholique est perçu, au mieux, comme un anachronisme ; au pire, comme un complice silencieux d’un passé jugé inique.
Car nous sommes bien dans le registre du religieux. Les journalistes de Libération, leurs experts comme le sociologue interrogé aujourd’hui, ces petits soldats du mythe égalitaire, voient leur grand rêve de créolisation universelle s’effondrer. Non seulement leur utopie d’une société sans classes ni racines chancelle, mais l’ennemi qu’ils croyaient terrassé — la France charnelle, enracinée, catholique en son fond — relève la tête avec une vigueur qu’ils ne soupçonnaient plus.
En vérité, l’affolement actuel d’une certaine gauche trahit une panique existentielle. Elle sait que les cartes sont en train d’être rebattues, que son magistère moral vacille. Ce n’est pas seulement l’oubli des chrétiens qui est en cause ; c’est une incapacité plus générale à penser la France telle qu’elle est, et non telle qu’on voudrait la rêver dans les salons parisiens.
Car à trop vouloir diviser les victimes entre celles qui méritent compassion et celles qui doivent se taire, on sape les fondations même de l’universalisme républicain que l’on prétend défendre. Le crime de La Grand-Combe mérite évidemment condamnation. Mais pour que la justice soit juste, encore faut-il qu’elle s’exerce sans distinction de race, de confession ou d’origine. Faute de quoi, il ne restera de ces beaux appels à « l’union sacrée » que des mots creux, et d’une gauche autrefois fière de ses idéaux, que l’ombre d’elle-même.
Par Balbino Katz
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8 réponses à “La Grand-Combe. La compassion sélective : quand la gauche française choisit ses martyrs”
La merluche est né au maroc de père espagnol.
Et il vit avec une algérienne
Encore un excellent article ! Merci Balbino !
La gauche ? Une grande gueule qui n’a jamais été convenable.
Tous les hypocrites, les pleureuses « faux-c.l » étaient de sortie. Parait que c’est un attentat « islamophobe », sans preuve. Ce qui est simplement pour moi un meurtre gratuit. Mais quand on sait que le « présumé » coupable est d’origine « bosniaque » et que la Bosnie est un état musulman peut-on encore qualifier ce crime « d’islamophobe »? On ne qualifiait pas ceux de « DAESH » « d’islamophobe » puisque ceux qu’ils assassinaient était tous musulmans ! Peut être attendre les résultats de l’enquête avant de conclure comme le font ceux et celles cités avant.
Ces larmes de mélenchodile sont versées à la pensée d’un crime « islamophobe ». C’est aller vite en besogne. La victime est un musulman Malien. Il s’agit peut-être d’un crime raciste, dans le fond.
J’ajoute au commentaire de VERT (et pour bien connaitre la famille car moi aussi j’ai habité à Tanger, ou est né « La Merluche », tout en poursuivant mes amitiés avec sa Grande Soeur) que le quidam dont on parle, dispose de plusieurs résidences (dont une en Normandie avec un immense terrain autour) et surtout d’un revenu annuel à six chiffres …
Ce meurtre a été commis par »un déséquilibré », issu d’une communauté des gens du voyage! Le terme »d’islamophobe » qu’utilisait les mollahs iraniens comme outil de propagande, après la révolution islamique de 1979,est inapproprié! Notre ministre de l’Intérieur et le procureur de la République d’Alès, Abdelkrim Grini, parlent, eux, justement, »d’un acte ANTIMUSULMAN » et le procureur a ajouté que ce n’était pas uniquement cela..
Ces larmes de crocodile sont une insulte aux musulmans