Haras nationaux de Bretagne : une reconversion coûteuse et encore inaboutie

Depuis la cession par l’État en 2016 des haras nationaux de Lamballe (Côtes-d’Armor) et d’Hennebont (Morbihan), les collectivités locales bretonnes ont pris en main leur reconversion. Mais selon un rapport accablant de la Chambre régionale des comptes de Bretagne, cette transition reste inachevée et pèse lourdement sur les finances publiques.

Une reprise ambitieuse portée par les collectivités

Créés au XIXe siècle pour soutenir l’élevage équin, les deux haras ont été cédés à bas prix aux collectivités : 400 000 € pour Lamballe (valeur estimée à 4,4 M€), 750 000 € pour Hennebont (valeur estimée à 5,4 M€). Le tout dans un état de vétusté avancée, après des années de désengagement de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE).

Ce sont des syndicats mixtes, associant régions, départements, intercommunalités et communes, qui ont repris les rênes. Leur objectif : maintenir une activité équine tout en valorisant le patrimoine architectural exceptionnel.

Soutien à la filière équestre : des dérives financières

Si les haras hébergent aujourd’hui concours hippiques et professionnels du cheval, la Chambre pointe de sérieuses irrégularités : tarifs appliqués au cas par cas, rabais massifs et injustifiés (jusqu’à 80 % à Lamballe), absence de comptabilité analytique… Les syndicats mixtes ignorent les règles élémentaires encadrant les aides publiques et ne justifient pas l’intérêt général de ces subventions déguisées.

Les haras ont entamé une diversification culturelle et touristique. À Hennebont, Lorient Agglomération a investi 6 M€ dans un nouveau parcours muséographique et une halle pour spectacles équestres. Résultat : 53 000 visiteurs en 2023, soit plus du double de 2008.

À Lamballe, la création du musée Mathurin Méheut et l’essor des spectacles estivaux (« Les Jeudis du haras ») ont permis de doubler la fréquentation depuis 2016. Mais les ambitions initiales restent loin d’être atteintes : faute de moyens, un projet scénographique de 1,4 M€ est en suspens.

Malgré les investissements ciblés sur les entrées des sites, plus d’un tiers des bâtiments restent vacants ou sous-utilisés. À Hennebont, l’abbaye de la Joye (4 000 m²) attend toujours sa reconversion, et le projet de complexe hôtelier est au point mort. À Lamballe, plusieurs écuries pourraient faire l’objet d’un projet urbain ambitieux, mais aucune stratégie claire n’a émergé.

Un modèle économique à revoir d’urgence

Entre 2017 et 2023, la gestion des deux haras a coûté plus de 27 M€, financés à 75 % par des fonds publics. Les recettes d’exploitation ne couvrent qu’une faible part des charges. La Cour recommande donc une nouvelle gouvernance, avec les intercommunalités comme cheffes de file, et la définition de projets stratégiques crédibles, accompagnés de schémas directeurs et d’un programme pluriannuel d’investissements.

La Chambre n’écarte pas la piste d’une cession partielle de certains bâtiments à des acteurs privés, dès lors que cela n’entrave pas l’activité équestre ni la protection du patrimoine. À Hennebont, cela pourrait rapporter jusqu’à un million d’euros. La commune est aussi invitée à reconsidérer ses exigences trop rigides sur la propriété de l’abbaye de la Joye.

Huit ans après leur rachat, les haras nationaux bretons restent dans un entre-deux incertain. Le contribuable finance largement des structures au modèle économique fragile, où cohabitent ambitions culturelles, soutien à une filière équestre mal structurée, et patrimoine en friche. Il est urgent que les collectivités sortent de la logique de transition pour entrer pleinement dans celle de la reconversion.

Crédit photo : Haras Lamballe
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