La législation française sur la fin de vie : une menace pour le respect de la vie ? [L’Agora]

« Je m’appelle Éliane, j’ai 78 ans. Depuis que ma maladie dégénérative m’a clouée dans ce fauteuil, je ne reconnais plus ma vie. Les médecins sont gentils, mais leurs mots tournent en boucle : « Vous avez le droit de partir dignement, si vous le souhaitez. » Ils parlent d’une loi, d’une solution pour « ne plus souffrir ». Au début, je me suis sentie écoutée, presque libre. Mais maintenant, je ne sais plus. Mes enfants viennent moins souvent. Ils disent que c’est dur de me voir comme ça, que je mérite mieux. L’aide-soignante, débordée, soupire quand elle change mes draps. L’autre jour, une infirmière m’a glissé un formulaire, comme on propose un menu au restaurant. « C’est votre choix », a-t-elle dit. Je ne veux pas être un fardeau. Mes économies fondent pour payer les soins, et on me répète que les places en maison de retraite sont rares. Alors, je me demande : est-ce vraiment mon choix, ou celui des autres ? J’ai peur que dire « oui » à la mort soit plus facile que de continuer à demander de l’aide. Pourtant, au fond, je veux encore vivre, entendre les rires de mes petits-enfants, sentir le soleil sur ma peau. Mais qui écoutera ce désir, si tout le monde attend que je « choisisse » la fin ? »

Une question éthique fondamentale La valeur de la vie humaine, de l’embryon à la vieillesse, est un pilier des sociétés démocratiques. Pourtant, le projet de loi français sur la « fin de vie », débattu en 2024- 2025, envisage d’autoriser l’euthanasie et le suicide assisté pour des patients en souffrance physique ou psychique. Présenté comme un progrès humaniste, ce texte soulève une question troublante : comment un État peut-il protéger la vie tout en confiant aux médecins le pouvoir de la supprimer ? En s’inspirant de pays comme la Belgique, les Pays-Bas ou le Canada, la France risque-telle de s’engager sur une pente glissante, où la mort devient une solution administrée plutôt qu’un drame à accompagner ? Cet article examine les implications éthiques, médicales et sociétales de ce projet, plaidant pour une alternative centrée sur la protection de toutes les vies, notamment les plus vulnérables.

Une rupture avec la vocation médicale

Le projet de loi propose une « aide active à mourir », permettant aux médecins d’administrer des substances létales ou d’assister des patients dans leur suicide, sous des conditions strictes. Cette évolution heurte la mission fondamentale de la médecine, inscrite dans le serment d’Hippocrate : « Je ne donnerai pas de poison à quiconque, pas plus que je ne conseillerai un tel dessein. »

En confiant aux soignants le rôle d’exécutants d’une mort légale, l’État transforme leur vocation de guérison en un paradoxe éthique. Le professeur Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique, alerte dans Le Monde (2024) : « La médecine doit rester un rempart contre la mort, pas un instrument pour l’accélérer. »

Une enquête de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (2024) révèle que 70 % des soignants craignent que l’euthanasie ne devienne une solution de facilité, face à des politiques de santé publique défaillantes. En plaçant les médecins dans une position où ils doivent choisir entre soigner et tuer, ce projet risque de briser la confiance entre patients et soignants, au détriment des plus fragiles.

Les modèles étrangers : des dérives inquiétantes

Les défenseurs du projet français s’appuient sur des pays comme la Belgique, les PaysBas et le Canada, où l’euthanasie et le suicide assisté sont légaux depuis les années 2000. Ces nations se présentent comme des modèles d’humanisme, mais leurs pratiques révèlent des dérives préoccupantes. En Belgique, la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation (2023) rapporte 2 966 cas d’euthanasie en 2022, dont 10 % pour des souffrances psychiques, comme la dépression ou la « lassitude de vivre ».

Des cas de patients euthanasiés sans consentement clair, notamment parmi les personnes âgées, ont suscité des controverses.

Aux Pays-Bas, l’extension de l’euthanasie aux enfants dès un an, autorisée en 2023, soulève des questions éthiques sur le consentement. Au Canada, l’« aide médicale à mourir » (MAID) représentait 4,1 % des décès en 2022, avec des scandales impliquant des patients poussés vers la mort par des pressions économiques, comme des vétérans en situation de précarité (Rapport MAID, 2022). Ces exemples montrent que des lois initialement restrictives tendent à s’élargir, banalisant la mort et exposant les plus vulnérables à des pressions implicites. En Australie, une étude de 2023 note une hausse de 50 % des suicides non assistés après la légalisation du suicide assisté, suggérant un effet de normalisation. Ces dérives interrogent : la France peut-elle éviter un tel engrenage ?

Une incohérence législative et morale

Le projet de loi s’inscrit dans une contradiction profonde : comment un État qui proclame l’inviolabilité de la vie peut-il légaliser la mort administrée ? La France a aboli la peine de mort en 1981, au nom de la sacralité de la vie, même pour les criminels. Pourtant, en envisageant l’euthanasie, elle envisage de confier aux médecins le pouvoir de mettre fin à la vie d’innocents en souffrance. Cette incohérence est dénoncée par des philosophes comme Emmanuel Levinas, qui, dans Totalité et Infini (1961), affirme que la vie d’autrui impose une responsabilité absolue : « Le visage d’autrui m’ordonne de ne pas tuer. » L’argument de l’autonomie individuelle, souvent invoqué, mérite un examen critique. Dans un contexte de précarité sociale, de sous-financement des soins palliatifs et de stigmatisation des personnes âgées ou handicapées, le « libre choix » risque de devenir une illusion. Un sondage IFOP (2023) révèle que 64 % des Français craignent des abus de l’euthanasie, notamment pour les plus vulnérables. Loin de renforcer la liberté, ce projet pourrait transformer un droit en une injonction implicite à « choisir » la mort.

Une déconnexion des élites

Le débat sur l’euthanasie reflète une fracture entre une élite législative, influencée par des courants mondialisés, et une population sceptique. Si 59 % des Français soutiennent l’euthanasie (IFOP, 2023), la majorité craint ses dérives, notamment pour les malades ou les personnes âgées. Ce malaise est accentué par le sous-financement des soins palliatifs : en 2024, seules 30 % des personnes en fin de vie ont accès à ces services en France, selon la Cour des comptes. Les discussions, souvent confinées aux cercles parisiens ou aux colloques internationaux, ignorent les réalités des territoires, où les familles peinent à accompagner leurs proches. Ce décalage rappelle des réformes historiques, comme la laïcité au XIXe siècle, perçues comme des impositions élitistes. En imposant une vision progressiste sans répondre aux besoins concrets, le législateur risque d’alimenter la défiance. Conclusion : Pour une éthique du soin et de la vie Le projet de loi sur l’euthanasie et le suicide assisté, en s’inspirant de modèles étrangers aux dérives avérées, menace de banaliser la mort et de trahir la vocation des soignants.

Plutôt que de céder à une logique de mort administrée, la France doit investir dans les soins palliatifs et l’accompagnement des personnes en fin de vie. Comme l’écrivait Albert Camus dans L’Homme révolté (1951), « il n’y a pas de justice sans respect de la vie. » Face à un humanisme à géométrie variable, il est urgent de réaffirmer un impératif éthique : protéger toutes les vies, sans exception. Ce choix, loin d’être une utopie, est une responsabilité collective, un appel à construire une société où la compassion se traduit par le soin, et non par la mort. Sinon, qu’iriez-vous célébrer au Panthéon quand y entrera Robert Badinter ?

Noël MELET

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9 réponses à “La législation française sur la fin de vie : une menace pour le respect de la vie ? [L’Agora]”

  1. gautier dit :

    Hé oui les retraités qui votez pour Macron ! c’est pour nous tous que ce scenario est mis en place ! continuez à voter pour lui ! endormez vous bien!!!

  2. Jacques René Allemmoz dit :

    en France nous soignions le monde entier gratuitement nous leur donnons des visa pour faire des PMA nous avons inscrit dans la constitution le droit de tué les enfant a naitre et maintenant ils veulent mettre aussi dans la constitution le droit de faire disparaitre les vieux la sécu pays pour les changement de sexe mais nous ne trouvont plus de médecin pour nous soigner correctement

  3. Quignon dit :

    Hitler en son temps a exterminé les malades mentaux,les personnes les plus vulnérables.par le biais de cette loi,les gouvernements mettent en place la même politique.ayant travaillé dans un service de soins palliatifs,je peux dire qu’à partir du moment où la douleur physique et Psychologique (peur de la mort,de la d’échéance physique,de mourir sans être entouré de ceux qu’on aime…)sont bien pris en charge,la personne part sereinement.mais pour cela il faut du temps et du personnel,comme nous sommes dans une gestion comptable,il est plus facile de choisir l’option euthanasie.

  4. ANNE dit :

    Pour une fois je ne suis pas d’accord avec votre article. La liberté de choix doit primer sur toute autre considération. Celui de mourir dignement en fait partie. En France, aujourd’hui, ceux qui font se choix doivent partir à l’étranger et rajouter de lansouffràce et leur souffrance, sans parler de l’aspect financier, ce qui implique que seuls les plus aisés peuvent avoir cette liberté.

  5. guillemot dit :

    Pour résumer, en parodiant la chanson de Guy Béart ( il a dit la vérité, il doit être exécuté ) : une personne qui ne rapporte plus rien à la société qui en est une lourde charge matérielle et financière et , EN PLUS, qui est vielle doit être éliminée.

  6. yeti59 dit :

    Franchement qu’y a t-il encore à perdre depuis la loi Veil (et ses amendements qui l’encouragent année après année) et les lois Leonetti ?
    -plus de 240000 avortements; le serment d’Hippocrate disait « je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif »
    -vous souvenez vous de Vincent Lambert « sédaté » et laissé mourir de faim , qui n’était ni malade ni en fin de vie, contre l’avis de sa famille? Ce sont les médecins qui décident de vous débrancher, votre avis et celui de vos proches ne comptent pas.

  7. clovis dit :

    mourir dans la dignité ? mais qui est le taré qui à inventé ce terme ? le futur mort n’a que faire de cette notion de bien portant hypocrite ;la mort etait digne ou indigne quand elle est passée? digne de quoi ? de l’imbécilité ? de l’image qu’il donne ? la belle affaire que l’image !!!! voilà bien une idée de société immature et adolescente ….. par contre la souffrance et la liberté de chacun est sacré pour chacun et les laches incitateurs sont des crimnels

  8. Ronan dit :

    Demat, ayant lu avec beaucoup d’intérêt tous vos commentaires sur ce sujet brûlant, tout a été dit sur l’euthanasie, m’opposant vigoureusement à cette loi. Laissez-nous vivre vieux. un point c’est tout ; pour conclure et se calmer, une chanson de Véronique SANSON en ce dimanche résume aussi cet état d’esprit : « Laisse-la vivre (Live au Palais des Sports, 1981) (Remastérisé en 2008) » ; https://www.youtube.com/watch?v=cRz2wr1QMcU

  9. Coup Franc dit :

    On va vous emmer….toute votre vie dans une société contrôlée de partout et même pour mourir, on ne va pas vous laisser tranquille ! Le Covid n’a pas rempli sa mission totalement, en supprimant les vieux donc, il faut revoir la copie pour que la loi autorise des médecins transformés en tueurs à gages ! PS: Juste pour dire à Gautier que les retraités votent peut-être, hélas, Macron en majorité, mais que les opposants, surtout les jeunes, ne vont pas voter et représentent 50 % des électeurs……

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