Sous les cieux parfois cléments, parfois frondeurs de l’Ardenne belge, la Doyenne s’apprête à reprendre la parole. Et quand une vieille dame parle, même les plus jeunes se taisent. Le murmure de l’histoire se mêle au souffle coupé des champions, sur les routes serpentines entre Liège et Bastogne, puis retour — car l’odyssée a toujours ce goût du recommencement.
Pogacar-Evenepoel : l’éternelle promesse du duel absolu
Depuis 2021, les pages du palmarès se tournent à deux mains : celle de Tadej Pogacar, le Slovène céleste, et celle de Remco Evenepoel, le prodige d’un royaume qui ne produit plus de rois mais des coureurs. À toi, à moi, à moi, à toi : le jeu de la passe à l’attaque dure depuis quatre ans, sans que les deux virtuoses n’aient encore véritablement croisé le fer au sommet de la côte de La Redoute. L’un chute, l’autre brille. L’un virevolte, l’autre soigne ses plaies. En 2025, enfin, le destin semble avoir taillé sa plume pour écrire leur affrontement.
Mais la légende ne s’écrit jamais seule. Elle s’entoure de seconds rôles flamboyants, prêts à voler la vedette sur une échappée en majesté : Kévin Vauquelin, qui s’est fait une réputation sur le Mur de Huy ; Tom Pidcock, funambule britannique entre cyclo-cross et haute voltige ; Ben Healy, le puncheur poétique ; Santiago Buitrago, l’ombre qui grimpe sans faire de bruit. Et derrière eux, les adieux élégants d’un Fuglsang, d’un Bardet, d’un Geraint Thomas, que l’on devine déjà nostalgiques de ces routes qu’ils ne fouleront bientôt plus qu’en rêve.
Chez les femmes, la revanche se joue au millimètre
Elles n’ont besoin de personne pour écrire leur épopée. Puck Pieterse, la comète venue du cyclo-cross, et Demi Vollering, impératrice contrariée de l’Ardenne, se retrouvent après leur duel du Mur de Huy. L’une a 22 ans, l’autre 28, mais leurs jambes parlent la même langue : celle du panache. Dans « sa » Cité Ardente, Vollering voudra remettre les pendules à l’heure, elle qui collectionne les podiums comme d’autres les bibelots, sans jamais perdre de vue la première marche.
Mais l’histoire pourrait se jouer à trois. Car Anna van der Breggen, l’ancienne conquérante, revient, auréolée d’un passé glorieux et accompagnée de Lotte Kopecky, championne du monde au cœur flamand, et de Mischa Bredewold, surprise éclatante de l’Amstel Gold. Et puis il y a la tenace Elisa Longo Borghini, deux fois dauphine à Liège, qui rêve de renverser le trône avec Silvia Persico. Une Italie déterminée à faire sonner les cloches au-delà du col de la Roche-aux-Faucons.
Et la France, me direz-vous ?
Chez les hommes, les tricolores se cherchent entre promesses et crépuscules. Chez les dames, Pauline Ferrand-Prévot, muse inclassable de toutes les disciplines, revient jouer des coudes sur le pavé liégeois. Lauréate de Paris-Roubaix, pourquoi pas reine des Ardennes ? Elle sera la voix singulière d’une France qui, trop souvent absente du débat, aimerait tant redevenir l’accent tonique de la course.
Dimanche, les poètes du bitume monteront sur scène. Et comme toujours, c’est la route qui tranchera. Car à Liège, le dernier mot n’appartient jamais à l’homme. Il appartient à la Doyenne.
YV
Crédit photo : A.S.O./Gaëtan Flamme (DR)
[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine