Ce 23 avril, le ciel belge avait oublié d’être joyeux, mais qu’importe la pluie lorsqu’un dieu du vélo descend de l’Olympe, non pour foudroyer, mais pour s’asseoir. Oui, vous avez bien lu. Tadej Pogacar, ce cycliste qui pédale comme d’autres respirent, a gravi le Mur de Huy… en partie assis. Et ce n’est pas une figure de style : c’est une déclaration de guerre à la pesanteur.
Sur le papier, c’était une Flèche Wallonne comme les autres. De la bruine en embuscade, un froid de canard, un peloton crispé, les mêmes virages acérés comme des rasoirs d’époque, et le Mur, toujours aussi raide, toujours aussi cruel. Mais cette édition-là, la 89e du nom, ne sera pas reléguée dans les marges humides des almanachs cyclistes. Non, elle aura vu l’inédit, le stupéfiant, l’irréel : un homme grimpant le Mur non pas en danseuse comme le veut la tradition des vainqueurs, mais en position de gentleman promeneur. Pogacar, fidèle à lui-même, mais d’un autre monde.
Alors que les uns et les autres cherchaient le moment de vérité dans leurs capteurs de puissance, lui a devancé la question. À 400 mètres du sommet, quand les pentes flirtent avec les 20 %, il s’est hissé vers la lumière sans décoller les fesses de la selle. Le regard fixe, les bras stables, les jambes impassibles. Un moine shaolin au service de la watt.
🤯 TADEJ POGACAR EST INTOUCHABLE ! Le Slovène remporte haut la main la Flèche Wallonne devant Kévin Vauquelin 🇫🇷 et Tom Pidcock ! pic.twitter.com/F03hI89uo8
— Eurosport France (@Eurosport_FR) April 23, 2025
Derrière lui, Kevin Vauquelin, héros discret des terres normandes, a mis tout son cœur, toute sa bravoure, pour accrocher à nouveau la deuxième place et redonner un peu d’espoir à Arkéa. Deux années de suite qu’il goûte à l’amertume sucrée du podium sans couronne. Mais qu’il se rassure : être battu par Pogacar, c’est aujourd’hui une forme d’hommage.
Loin derrière, les autres favoris — Evenepoel, Pidcock, Nys, Grégoire, Martinez, Healy, Buitrago — ont semblé rouler dans une autre dimension. Leurs visages disaient l’effort, leur pédalage, l’épuisement. Le Slovène, lui, semblait réciter une fable. Et quelle morale en tirer ? Que même le Mur, ce monument de douleur, peut se gravir dans le silence d’un homme qui a appris à dompter l’apesanteur.
Et si l’on écoute bien, entre deux bourrasques de pluie wallonne, le bitume d’Huy résonne encore de ce moment suspendu où, sans rugir, Pogacar a laissé sa trace. Assis. Royal.
Rendez-vous dimanche, pour Liège-Bastogne-Liège, où l’on verra si les dieux, parfois, descendent deux fois. A moins qu’il ne s’agisse que de sosies mutants !
YV
Assis sur la selle ! Pogacar prend 50 mètres en 100 mètres, il colle 10 secondes au 2ème , 16 secondes à Evenepoel 9ème, en 450 mètres. C’est le plus grand écart créé en 500 m dans cette course, qui plus est en se relevant avant l’arrivée. #FlecheWallonne #CyclismeàDeuxVitesses pic.twitter.com/H05LQ2GrgB
— 🅰ntoine VAYER 📸🖋️ (@festinaboy) April 23, 2025
Illustration : DR
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