Lionel Baland a rencontré et interrogé pour Breizh-info les représentants du Parti libertarien australien John Humphreys, qui en est le fondateur, et John Ruddick, député au sein du Parlement de Nouvelle-Galles du Sud.
Breizh-info : Quand votre parti a-t-il été fondé ?
John Humphreys : Nous avons débuté en 2001 à Canberra, la capitale fédérale. Notre première percée a eu lieu en 2013 lorsque nous sommes arrivés à obtenir un poste de sénateur fédéral. David Leyonhjelm, la personne qui avait décroché ce mandat, n’est cependant plus active en politique. Nous disposons d’élus dans les parlements de deux des six États fédérés, un au Victoria et un autre en Nouvelle-Galles du Sud. John Ruddick est notre élu au Parlement de Nouvelle-Galles du Sud.
John Ruddick : Le parti est devenu beaucoup plus grand et plus connu parce que nous avons résisté à l’hystérie du Covid, lors des presque deux années de confinement.
Breizh-info : Quel a été le positionnement du parti nationaliste australien Pauline Hanson’s One Nation, de Pauline Hanson, à propos de ce sujet ?
John Ruddick : Comme les libertariens du monde entier, nous avons été immédiatement hostiles aux politiques anti-Covid du gouvernement en dénonçant le confinement et la vaccination obligatoire, alors que Pauline Hanson a mis environ un an à les critiquer. Au début, elle était favorable aux règles anti-Covid du gouvernement et son parti était divisé sur la question. Puis, elle s’est ralliée à l’opposition à ces mesures gouvernementales et a pris part à la lutte contre celles-ci. Cela doit être porté à son crédit.
John Humphreys : Mais, lors des premiers jours cruciaux au cours desquels tout le monde craignait de prendre position, nous étions les seuls à le faire. Pauline est montée à bord, cela a été extrêmement utile et, après son arrivée, elle a été très bonne sur le sujet.
Breizh-info : Quelles sont vos idées à propos de l’immigration ?
John Humphreys : L’Australie a une longueur d’avance sur l’Amérique du Nord et sur une grande partie de l’Europe, en ce sens que nous avons déjà résolu le problème de l’immigration illégale, alors que cette question se trouve toujours au premier plan de nombreuses discussions en Amérique du Nord et en Europe.
L’Australie est un peu aidée par le fait d’être une île, mais, il y a 15 ans, nous avions un gros problème avec les gens qui se présentaient en bateau devant nos côtes. Nous avons déjà eu ce grand débat politique à l’époque et le public a fortement adhéré à l’idée qu’il n’est tout simplement pas possible de se présenter illégalement en bateau dans notre pays. Qui le fait, n’a pas l’occasion d’y vivre. Cela constitue, en quelque sorte, le statu quo en Australie. C’est un peu ce que pensent presque tous les principaux partis du pays. Nous avons, en quelque sorte, résolu le problème de l’immigration illégale.
John Ruddick : Nous avons été le premier pays à militariser la frontière. Nous y avons déployé la marine. Et donc, si quelqu’un se présente, il est repoussé, ne peut pas prétendre être un réfugié et est immédiatement renvoyé. Tous les partis politiques appuient cela, sauf les Verts (The Greens). Malgré cette situation, nous avons toujours un très gros problème avec l’immigration légale et le mauvais type d’immigration. Lors des deux ans de confinement liés au Covid, notre économie a été durement touchée. En conséquence, le gouvernement a décidé de faire venir beaucoup de gens de Chine et d’Inde pour relever les chiffres économiques.
Mon point de vue personnel est que nous devrions avoir une pause de cinq ans sur l’immigration car nous avons été un pays très généreux. Et puis, après les cinq ans, nous pourrons réévaluer la situation. L’Australie a conduit pendant de très nombreuses années une politique appelée « de l’Australie blanche », qui consistait à ne laisser entrer que des gens venant d’Europe. Nous avons changé cela à la fin des années 1960. Dans l’ensemble, cela a été, en gros, une bonne chose. Cependant, nous acceptons beaucoup trop de gens en ce moment. C’est pourquoi je suis en faveur d’une pause de cinq ans sur l’immigration. De plus, nous devons faire payer ceux qui désirent venir.
John Humphreys : Notre formation politique est probablement plus restrictive que les grands partis quant au nombre de migrants que ceux-ci accueillent dans le pays car ces formations politiques semblent le faire pour des raisons très cyniques afin de renforcer les statistiques du produit intérieur brut (PIB), ce qui est aberrant parce que le PIB total n’est pas ce qui compte, bien sûr, mais le PIB par personne et cela ne s’améliore pas en attirant plus de gens. De plus, il est assez facile d’obtenir de l’aide sociale pour une personne qui a atterri en Australie et nous pensons que les individus qui viennent afin de profiter du système social doivent être repoussés.
Milton Friedman, quelqu’un que nous admirons, a affirmé qu’une politique migratoire ouverte et un État-providence sont incompatibles. Une des choses que nous disons est que les immigrés ne doivent pas avoir accès à l’aide sociale. Cela signifie une incitation à l’auto-sélection en faveur de migrants qui viennent ici parce qu’ils ont l’intention de travailler dur, de trouver un emploi, de contribuer à la prospérité du pays, de ne pas commettre de crime. Rendre impossible pour tout migrant l’accès à l’aide sociale pendant une période pouvant aller jusqu’à dix ans constituerait un moyen d’amener des immigrés de meilleure qualité. Donc, le scepticisme à l’égard de la migration de masse et la réduction de l’aide sociale est notre ligne.
Breizh-info : Quelle est la différence entre votre parti et celui de Pauline Hanson ?
John Humphreys : Nous abordons beaucoup de questions à partir d’une position de principe de méfiance significative à l’égard de l’autorité politique et de sa bureaucratie, toutes deux centralisées. Plus elle est l’est, plus nous nous en méfions. Nous entretenons donc une défiance extrême à l’égard de l’Organisation des nations unies (ONU), de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de tous les organismes mondialistes et nous sommes favorables à la décentralisation administrative vers les autorités locales. Nous avons beaucoup d’idées en commun et nous nous entendons bien avec certains de leurs députés.
John Ruddick : La plus grande différence entre nous et le parti de Pauline Hanson concerne les questions économiques : nous sommes vraiment un parti du libre marché, favorable au libre-échange et aux investisseurs étrangers, alors que Pauline est nettement moins en faveur de cela et développe aussi une certaine sympathie pour les syndicats. Pauline Hanson ressemble à Marine Le Pen et nous au président argentin Javier Milei.
Breizh-info : Pensez-vous qu’il est possible de faire la même chose en Australie ?
John Ruddick : Nous consacrons nos vies à tenter d’y parvenir, mais, en Australie, le vote est obligatoire sous peine d’amende, ce qui favorise les partis du système car des gens peu intéressés par la politique se déplacent, contraints, pour aller voter et choisissent toujours les mêmes partis, de génération en génération.
John Humphreys : L’Australie dispose d’une population de 27 millions d’habitants et d’importantes ressources naturelles dans un immense territoire. Il y a 120 ans, les deux pays les plus riches du monde étaient l’Australie et l’Argentine. L’Australie est toujours l’un des pays les plus prospères. L’Argentine, malheureusement pour elle, ne l’est plus. Ce pays a donc fait beaucoup d’erreurs, mais est désormais sur la voie du redressement. Nous espérons que nous pourrons essayer d’encourager les électeurs australiens à prendre ce virage avant que les choses ne se gâtent.
Breizh-info : Et y a-t-il d’autres sujets principaux de votre parti ?
John Humphreys : La folie climatique est un gros problème, parce que nos deux principaux partis semblent être d’accord sur l’idée de décarboniser l’Australie. Or, le pays possède certaines des meilleures ressources sur la Terre pour le charbon, le gaz, le pétrole et l’uranium. Nous n’avons même pas le droit d’utiliser l’uranium car une interdiction de l’énergie nucléaire est en vigueur en Australie, ce qui est absurde. Notre économie bénéficie de l’énergie bon marché et cette situation doit perdurer.
Breizh-info : La question de la sécurité est-elle importante ou pas dans votre programme ?
John Humphreys : Nous n’avons pas le même problème de criminalité qu’en Europe.
John Ruddick : Nous considérons cependant que l’interdiction des armes à feu en Australie depuis 30 ans est une honte. Notre parti est vraiment le seul qui dit que nous devrions avoir le droit de porter des armes afin de pouvoir nous défendre. Les statistiques de la criminalité australienne sont en baisse depuis 30 ans. Mais nous voyons dans la presse que les zones qui connaissent une forte immigration en provenance des pays du Moyen-Orient subissent quelques fusillades chaque jour, mais cela reste très localisé.
Breizh-info : Voulez-vous ajouter quelque chose à cette interview ?
John Ruddick : Nous avons confiance dans le président Donald Trump et nous considérons qu’il sera bon pour son pays et cela se répercutera sur l’ensemble du monde. De plus, le DOGE (Département de l’Efficacité gouvernementale), sous la conduite d’Elon Musk, obtient de bons résultats dans sa volonté de réduire les dépenses publiques peu utiles, voire inutiles. Margaret Thatcher, l’ancien Premier ministre britannique, était une grande dirigeante.
Si nous passons en revue les 150 dernières années de l’histoire occidentale, des cycles entre la gauche et la droite se sont succédé et ceux-ci prennent fin lorsque le mouvement dominant va trop loin. Ainsi, la droite a dirigé le monde occidental de Margaret Thatcher de 1979 jusqu’en 2008, quand Barack Obama a gagné, parce que la droite est allée trop loin avec les guerres au Moyen-Orient, que notre parti ne soutient pas.
La gauche a dirigé le monde depuis lors, mais elle est allée trop loin avec le wokisme, les idées transgenres et toute cette folie. En conséquence, un retour vers la droite est en cours. Ce que nous devons faire à cette occasion, si nous voulons avoir une période de domination, consiste à démanteler les institutions qui ont permis à la gauche de revenir à la vie. Il pourrait y avoir une domination de la gauche à l’avenir. Nous devons démanteler les institutions pour que, lorsque la gauche traversera à nouveau une période dominante dans environ 20 ans, elle n’ait pas les moyens de provoquer l’instauration de la censure, des vaccins obligatoires et de quantité d’autres choses.
John Humphreys : Nous sommes très sceptiques à l’égard de l’aventurisme militaire et nous l’avons toujours été depuis le tout début de notre parti, il y a 24 ans. Nous sommes, non pas dogmatiquement mais instinctivement, non-interventionnistes quand il s’agit d’affaires militaires.
Propos recueillis par Lionel Baland