Une déclaration de Fleur Anderson, sous-secrétaire d »Etat à l’Irlande du Nord, relance le débat sur les conditions d’organisation d’un référendum sur l’unité irlandaise. Interrogée dans les colonnes du magazine AgendaNI, l’élue travailliste a indiqué que les sondages d’opinion pourraient jouer un rôle clé dans la décision de convoquer ou non une telle consultation populaire.
Ces propos interviennent alors que le Sinn Féin intensifie sa campagne pour l’organisation d’un référendum d’ici à 2030. Le parti républicain exhorte également le gouvernement irlandais à préparer activement cette échéance, conformément aux termes de l’Accord du Vendredi Saint.
Une déclaration aussitôt nuancée par le NIO
Selon Mme Anderson, la question de la tenue d’un référendum serait « basée sur les sondages ». Une affirmation aussitôt relativisée par un porte-parole du NIO, qui a rappelé que la compétence exclusive de convoquer un scrutin revient au Secrétaire d’État pour l’Irlande du Nord, actuellement Hilary Benn. « Il n’y a qu’une seule condition prévue par la loi : qu’il paraisse probable qu’une majorité des électeurs exprimerait le souhait que l’Irlande du Nord quitte le Royaume-Uni pour rejoindre la République d’Irlande », a-t-il précisé, en référence au Northern Ireland Act de 1998.
Jusqu’à présent, aucun gouvernement britannique n’a défini les critères précis permettant d’estimer qu’une majorité en faveur de l’unité irlandaise est atteinte. Les ministres se sont toujours gardés d’interprétations trop précises, entretenant un flou juridique et politique.
Le soutien à l’unité irlandaise gagne du terrain, mais reste minoritaire
Un sondage LucidTalk publié récemment par le Belfast Telegraph montre que 48 % des électeurs nord-irlandais souhaitent rester dans le Royaume-Uni, tandis que 41 % sont favorables à une modification du statut constitutionnel. L’écart entre unionistes et nationalistes se resserre donc, comparé à l’année précédente où il atteignait dix points.
Parmi les jeunes de moins de 35 ans, le soutien à une Irlande unifiée dépasse les 50 %, ce qui illustre une évolution générationnelle des aspirations politiques. Toutefois, une large majorité de l’électorat unioniste (74 %) estime qu’un référendum ne devrait jamais être organisé.
Fleur Anderson, entre prudence et ambiguïté
Interrogée sur ses propres convictions, Fleur Anderson, députée de Putney depuis 2019 et récemment nommée au NIO par Keir Starmer, affirme ne pas se revendiquer d’une communauté ou d’un camp en particulier. Elle reconnaît cependant penser que « l’Union est un moyen solide de soutenir l’ensemble du Royaume-Uni ».
Quant à la question de savoir si elle militerait pour le maintien de l’Union en cas de référendum, elle botte en touche, affirmant que cela dépendrait du choix démocratique du peuple nord-irlandais.
Ce n’est pas la première fois que des membres du gouvernement britannique s’expriment sur ce sujet sensible. En 2023, le ministre Steve Baker avait suggéré qu’un éventuel référendum devrait nécessiter une « super-majorité », et non une simple majorité absolue. Une proposition écartée depuis par le gouvernement.
Alors que le Sinn Féin mise sur une dynamique électorale et démographique pour imposer la tenue d’un scrutin dans les prochaines années, le gouvernement britannique, lui, continue d’adopter une ligne attentiste. La balle demeure officiellement dans le camp du Secrétaire d’État, mais les déclarations de Fleur Anderson laissent entrevoir un débat interne au sein même du gouvernement travailliste sur les modalités du droit à l’autodétermination.
L’idée d’un référendum sur l’unité irlandaise est donc toujours d’actualité en l’Irlande du Nord, sans que sa convocation ne paraisse, à ce jour, imminente.
L’Accord du Vendredi Saint (1998) : les grandes lignes d’un compromis historique
Signé le 10 avril 1998, l’Accord du Vendredi Saint (ou Good Friday Agreement) a mis un terme à trois décennies de conflit en Irlande du Nord, les « Troubles », qui ont causé plus de 3 500 morts. Cet accord historique, parrainé par le Royaume-Uni, la République d’Irlande et les partis nord-irlandais, repose sur trois piliers fondamentaux :
1. Principe de consentement
L’Irlande du Nord reste une partie intégrante du Royaume-Uni tant qu’une majorité de sa population souhaite y demeurer. Mais si une majorité se prononce en faveur d’une Irlande unifiée, le gouvernement britannique s’engage à respecter ce choix. C’est ce principe qui fonde la possibilité d’un référendum sur l’unité irlandaise, aussi appelé border poll.
2. Création d’institutions de gouvernement partagé
L’accord prévoit la mise en place d’un Exécutif nord-irlandais (gouvernement autonome) composé de ministres issus à la fois des communautés unioniste (pro-britannique) et nationaliste (pro-irlandaise), selon un système de co-décision et de cogestion. Un Assemblée législative est également rétablie à Stormont (Belfast).
3. Coopération Nord-Sud et Est-Ouest
Deux conseils sont créés :
- Le Conseil Nord-Sud, pour faciliter la coopération entre Dublin et Belfast sur des sujets transversaux (santé, transport, éducation, etc.).
- Le Conseil Britannique-Irlandais, qui associe les gouvernements de Londres, Dublin, Édimbourg, Cardiff et Belfast.
4. Réformes sécuritaires et justice
L’accord prévoit une réforme en profondeur de la police nord-irlandaise, qui devient la Police Service of Northern Ireland (PSNI), avec un meilleur équilibre communautaire. Des prisonniers politiques liés aux groupes paramilitaires ayant respecté le cessez-le-feu ont été libérés sous conditions.
5. Droits humains et égalité
Le texte insiste sur le respect des droits de l’homme, des libertés fondamentales, de l’égalité entre les communautés et prévoit la création d’une Commission des droits de l’homme.
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