Disponible en intégralité sur Arte.tv jusqu’au 16 octobre 2025, la saison 2 de No Man’s Land confirme tout le bien que l’on pensait déjà de cette série atypique, exigeante, captivante. Une plongée romanesque mais réaliste au cœur du conflit syrien, à mille lieues de toute lecture manichéenne.
En 2020, la première saison de No Man’s Land avait surpris par sa densité, sa finesse d’écriture, et surtout par sa capacité à raconter la guerre autrement. Ni documentaire, ni fiction à thèse, la série coécrite par Amit Cohen et Ron Leshem (deux anciens reporters) s’inscrivait dans une veine rare : celle du récit choral, humain, porté par la complexité des choix individuels dans un monde en ruine. Cinq ans plus tard, la saison 2, disponible depuis le 10 avril sur Arte.tv et diffusée à l’antenne le 17 avril, prolonge brillamment l’expérience.
Une guerre sans héros, mais avec des âmes
No Man’s Land, c’est la guerre en Syrie, en 2014, vue par ceux qui l’ont faite, subie, ou fuie. On y suit notamment les combattantes kurdes des YPJ (Unités de protection de la femme), figures d’un engagement total contre l’État islamique. Mais on croise aussi les jeunes recrues du djihad, des agents doubles, des journalistes en quête de vérité ou de scoop, et surtout des civils pris au piège.
Loin de tout schéma simpliste, la série refuse de tracer une ligne nette entre « bons » et « méchants ». Chaque personnage est un monde, avec ses dilemmes, ses blessures, ses contradictions. Le spectateur est constamment invité à suspendre son jugement pour mieux comprendre ce que la guerre fait aux âmes.
Une fresque humaine au souffle romanesque
La saison 2 s’organise autour de plusieurs destins croisés : Sarya (Souheila Yacoub), cheffe de milice kurde, rongée par le doute et la fatigue du combat ; Anna (Mélanie Thierry), archéologue française devenue combattante, traquée après avoir sauvé une jeune Syrienne, Nisrine (interprétée avec justesse par la révélation Tasnim Cheham) ; Nasser, agent infiltré au cœur de l’État islamique, tiraillé entre sa mission et sa survie ; Jake, financier de Daech, confronté à son passé amoureux avec l’Américaine Ellie. Et Max, le journaliste, qui tente de donner un sens à ce chaos.
Ce patchwork narratif, subtil et sans surcharge, fait de No Man’s Land une œuvre aussi haletante qu’intelligente. On est happé par le rythme du thriller, mais toujours ramené à l’essentiel : les émotions, les regards, les choix qui font basculer une vie.
L’un des atouts majeurs de la série réside dans son regard porté sur les femmes. Guerrières, survivantes, protectrices, sacrifiées ou résistantes, elles occupent ici une place centrale – non comme symbole, mais comme moteurs de l’action et de la narration. À travers elles, c’est tout un pan oublié du conflit syrien qui est mis en lumière.
La relation entre Anna et Nisrine, pleine de tension, de tendresse et de douleur, constitue sans doute la plus belle réussite de cette saison. Nisrine, adolescente orpheline, devient le miroir de l’humanité des autres personnages – y compris les plus endurcis.
À l’image de sa mise en scène soignée, No Man’s Land parvient à combiner tension dramatique et rigueur géopolitique. Pas besoin d’être spécialiste du Moyen-Orient pour comprendre ce qui se joue. La série prend le temps d’expliquer sans asséner, d’émouvoir sans manipuler.
Le tout est porté par des acteurs d’une justesse remarquable, une photographie soignée et des dialogues puissants sans jamais être pompeux. Un équilibre rare.
Une réussite totale
No Man’s Land n’est pas une série comme les autres. C’est une œuvre qui fait réfléchir, qui bouleverse, qui bouscule les certitudes. Dans un paysage audiovisuel souvent paresseux, elle impose une vision adulte, lucide et profondément humaine de la guerre contemporaine.
À voir absolument, sur Arte.tv ou en replay. Parce que certaines fictions valent mieux que bien des reportages.
À voir sur Arte.tv jusqu’au 16 octobre 2025 = https://www.arte.tv/fr/videos/RC-024887/no-man-s-land/