Il est des événements qui font irruption dans l’Histoire comme un éclair en plein jour, inopinés, fulgurants, sans tambour ni trompette. Tel fut, pour l’Argentine, le coup de théâtre de ce vendredi 11 avril, quand le président Javier Milei, flanqué de ses plus proches affidés, révéla au monde — et à ses propres ministres ébahis — la fin du régime de contrôle des changes, ditcepo cambiario, et l’entrée dans ce qu’il nomme la « phase trois » de son dessein économique. En vérité, c’est dans la plus pure tradition des conjurations romaines que s’est tramée cette révolution monétaire, dissimulée aux regards, ourdie dans le silence, orchestrée par un triumvirat resserré, maître du tempo et des confidences et reconstitué par les journalistes deLa NacionJosé Del Rio y Francisco Jueguen. Ce triangle d’airain — composé de Milei lui-même, du ministre de l’Économie Luis Caputo, et du gouverneur de la Banque centrale Santiago Bausili — avait juré le mutisme le plus absolu. Tandis que les ministres de second rang posaient pour la photographie officielle dans les salons de la Casa Rosada, croyant à une simple mise en scène institutionnelle, les véritables artificiers s’activaient dans l’ombre, articulant avec minutie le ballet de communiqués, de validations étrangères et de calculs politiques dont dépendait le succès de l’opération.
À 22h30, heure locale, le rideau se levait : le président s’exprimait, enregistré certes, mais solennel, presque christique, annonçant la levée ducepocomme on proclame la fin d’un servage. Ce n’est pas un simple décret technique qui fut révélé ce soir-là, mais un changement de paradigme. En rendant au peso sa libre convertibilité, l’exécutif tournait une page vieille de quinze années — une ère durant laquelle la monnaie nationale n’était qu’une promesse fléchissante, soumise aux caprices du change parallèle, minée par la défiance publique. Les Argentins retrouvent désormais à titre personnel le droit d’acheter des devises sans plafond, les entreprises étrangères peuvent envisager d’en rapatrier les bénéfices de l’exercice 2025 (pour les années antérieures, on verra), et la cotation du dollar s’effectuera dans une bande flottante, allant de 1000 à 1400 pesos, ajustable de 1 % par mois. À l’extérieur de ce corridor, la Banque centrale se réserve le droit d’intervenir — mais à l’intérieur, c’est le marché qui régnera. L’intention n’était pas simplement d’instaurer une nouvelle régulation : il s’agissait de frapper un grand coup, de montrer que le pays n’était plus en convalescence mais bien debout. Le message de Milei, adossé au soutien fraîchement renouvelé du FMI et de ses satellites — Banque mondiale, BID, banques privées — promettait une manne de 32 milliards de dollars, dont près de 20 seraient débloqués sans délai. C’est cet afflux de devises, conjugué à la discipline budgétaire affichée (le gouvernement prévoit un excédent de 1,6 % du PIB, au-delà des exigences du Fonds), qui donne au plan sa crédibilité, sa prétendue invulnérabilité.
Si l’annonce fut soudaine, sa gestation remonte à plusieurs mois. Depuis août dernier, les termes du nouveau régime de change étaient déjà mûrs ; restait à trancher sur le volume de l’appui financier et sur le moment opportun pour l’annonce. Ce moment devait précéder de quelques heures la réunion du conseil d’administration du FMI, afin que les Argentins soient les premiers informés, et qu’ensuite seulement vienne l’aval international. Tout fut minuté avec une précision d’horloger. Caputo reçut la confirmation par un message personnel de Kristalina Georgieva elle-même, accompagné d’un émoji. Le ministre répondit sur le même ton — c’est ainsi que les grandes affaires du monde se scellent désormais. Mais la vraie surprise ne fut pas l’accord avec le FMI, attendu depuis des semaines par les observateurs, ni même le relâchement du contrôle des changes : elle résidait dans le degré d’isolement du cercle décisionnaire. Aucun ministre extérieur au trio présidentiel ne fut mis dans la confidence. Les rumeurs furent savamment contenues, les signaux brouillés, les interlocuteurs internationaux tenus à un degré de discrétion inhabituel. La presse, elle, fut prévenue après coup. Cette discipline du secret n’était pas sans motif : toute rumeur, toute fuite eût pu provoquer des mouvements de spéculation, des achats massifs de devises ou, au contraire, une panique des exportateurs. C’est donc à une révolution silencieuse que l’on assista — d’autant plus silencieuse qu’elle fut menée dans un climat d’abstinence monétaire rarissime. Dans les arcanes du ministère de l’Économie, on ne cesse de répéter que « les pesos sont devenus une denrée rare » et que l’Argentine vit presque dans une économie de troc. Cette rareté monétaire est la clé de voûte du raisonnement : si la masse de monnaie est faible, la pression sur les prix l’est aussi. L’inflation, assure-t-on, s’effondrera d’elle-même. Sur la scène politique, bien entendu, les réactions ne se sont pas fait attendre. Cristina Kirchner, fidèle à son art de l’anaphore épistolaire, accusa le président de « dévaluer le jour même où l’inflation explose ». Le chiffre officiel de 3,7 % pour mars servit de munitions aux critiques.
Mais pour l’exécutif, ce sursaut est imputable à des causes exogènes : laloi Guzmán, qui exige un vote parlementaire pour toute négociation avec le FMI, l’incertitude volontairement alimentée par l’opposition, les anticipations erronées des acteurs économiques. À partir de lundi, promet-on, les importateurs relâcheront leur emprise sur le marché et les exportateurs reprendront le chemin des devises. Plusieurs observateurs internationaux, tels Gita Gopinath (FMI), Ajay Banga (Banque mondiale) ou Ilan Goldfajn (BID), ont salué l’audace du plan. Mais c’est la venue, annoncée pour ce lundi, de Scott Bessent, secrétaire au Trésor américain, qui donne à l’opération sa bénédiction géopolitique. L’Argentine de Milei ne cache plus son alignement : Washington est devenu le phare et le protecteur. Dans une conjoncture globale marquée par la montée des tensions tarifaires — notamment entre les États-Unis et la Chine —, ce repositionnement argentin n’est pas neutre. Le président argentin, fidèle à son tempérament de doctrinaire, a d’ailleurs conclu son allocution par une profession de foi en faveur de l’orthodoxie budgétaire, de la fin de l’émission monétaire et de l’inflation nulle.
À ses yeux, la prospérité n’est pas une utopie mais une mécanique : il suffit d’ôter les obstacles, de libérer les forces vives, de rendre à la monnaie sa solidité. Et dans une envolée qui eût ravi Bastiat ou Say, il promit une croissance à « taux argentins », dépassant les mythiques « taux chinois ». À condition, bien sûr, que la politique ne vienne pas tout gâcher. Car l’épreuve n’est pas finie. À l’approche des élections de mi-mandat, Milei devra démontrer que son autorité ne repose pas seulement sur des chiffres, mais sur une capacité à transformer l’économie en profondeur, sans se heurter à un mur politique. Mais pour l’heure, il a frappé un grand coup. Le reste, comme toujours, dépendra du temps.
Balbino Katz
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3 réponses à “Argentine : l’heure du secret : récit d’une libération monétaire orchestrée dans le plus grand silence”
Désolé, le libertarianisme est à l’opposé de ce que l’on appelle (à tort) le néo-libéralisme, et l’UERSS, avec ses milliers de fonctionnaires, ses multiples règlements et ukases, n’a rien de libéral, elle a ajouté une couche d’étatisme qu’elle impose aux états, alors que le libertarianisme le plus ‘pur’ exige la suppression de l’état. Lisez Rothbard, « Anatomy of the state », ça se trouve en ligne.
Milei,comme tous les libertariens est un néolibéral.Le néolibéralisme est la doctrine qui prévaut dans l’Union Européenne , dans chacun des États européens, aux USA et au Royaume-Uni. Nous connaissons maintenant les effets de cette doctrine qui est appliquée depuis 1979 outre-Manche et depuis 1981 outre-Atlantique. C’est un désastre généralisé qui se traduit par des montagnes de dettes (à commencer par celles des USA où, aux dettes fédérales, s’ajoutent celles des entreprises, des particuliers, des emprunteurs hypothécaires et des étudiants), le délabrement des infrastructures publiques, la désindustrialisation, la croissance rapide des déficits budgétaires et commerciaux et même l’augmentation de la mortalité infantile ! L’Occident libéral est en chute libre. Il n’est même plus capable de gagner une guerre contre 140 millions de Russes lesquels feraient bien de prendre leurs distances avec cette doctrine délétère avant qu’elle ne pourrisse leur nation jusqu’au trognon.
L’Argentine endettée incapable de rembourser ses dettes. Comme tout l’occident d’ailleurs endetté de plus de 320’000 milliards insolvables irremboursables. Il entraine cette Argentine dans la spirale du sillon dollars subventionné par les dettes. Le tout dans un immense système de Ponzi à la Madoff gangsters comme le citait Barak Obama en parlant des USA dans ses mémoires. Me direz vous, tout les pays sont endettés, vivent à crédit sur le dos du monde qui produit. De 60 à 240 % de leur PIB comme le Japon. Sauf la Russie qui est très très peu endettée entre 275 et 325 milliards et encore garanti par les 50% des ressources mondiales de son immense territoire. D’où la déclaration de guerre des USA OTAN UE larvée via l’Ukraine pour affaiblir la Russie. Comme un holdup de joaillerie mais a échoué puisque la Russie de 152 millions d’habitants et allié avec les 3/4 de l’humanité a dit niet débrouillez vous avec vos dettes. Nous ne mettrons plus un kopek en occident qui nous volent nos actif de 300 milliards et nos intérêts. La Chine suit et rigole de l’occident cigale qui demande à la fourmi de tous les pays des BRICS travailleuse des aides financières en souscrivant à des monnaies de singe en titre papier virtuels, qui ne valent pas un clou. En 3 ans toutes les matières premières, les produits manufacturés ainsi que tous les service ont augmenté de 75%. Tout cela me fait penser au mark allemand dans des brouettes avant la 2ème guerre mondiale voulue pour faire apparaître le dollars et la main mise des USA pour vassaliser l’Europe. Le monde tourne et change ce sont les USA qui ne savent plus comment payer 1 billion d’intérêts de la dette annuel et autant en renouvellement de dettes mensuelles. La France suit en plus petit avec juste 100 milliards d’intérêts annuels de la dette simple logique de grandeur.