Actuellement, certains de nos « experts de plateau » semblent assez déconcertés par les annonces du président Trump. Ils se concentrent beaucoup trop sur les indicateurs des marchés financiers qui, rappelons-le, n’indiquent que des éléments subjectifs, voire spéculatifs, sur l’état des marchés futurs.
Pour comprendre ce qui se passe, un retour en arrière d’une vingtaine d’années est nécessaire. En 2007, paraissait en Chine un livre intitulé « Currency wars » ecrit par Hong Bingsong. Traduit en français en 2012 par Haibing Liu et Lucien Cerise, il fut publié sous le titre « La guerre des monnaies » et sous-titré « La Chine et le nouvel ordre mondial »
Une des constantes du système de pensée chinois est le temps long. Contrairement à nos médias occidentaux toujours en quête de « sensationnel », les analystes chinois vont toujours vers l’évolution à long terme qui intègre les tendances lourdes. Ainsi, dans le chapitre « regarder loin devant », nous pouvons lire ce passage : « Un banquier japonais souhaitant conserver l‘anonymat, et que j‘ai rencontré à la conférence de Paris du Conseil Mondial de l‘Or, en 1999, m‘a dit que le Japon n‘est pas autorisé à acheter de l‘or tant que les navires de guerre américains croisent dans le Pacifique pour protéger sa sécurité. »
et il poursuit :
De nos jours, la Chine possède déjà mille milliards de dollars de réserves de change. De la bonne utilisation de cette énorme richesse dépend le sort de la Chine. L’enjeu est beaucoup plus qu’une simple question de risques financiers ponctuels. La priorité pour la Chine est de réfléchir à la stratégie qui lui donnera le pouvoir d’initiative dans la guerre financière internationale à venir, de sorte à parvenir à un statut hégémonique monétaire dans un système post-dollar. À la fin de l’année 2006, le secteur financier chinois était entièrement ouvert ; les banquiers internationaux avaient déjà affûté depuis longtemps leurs épées, et une guerre des monnaies sans tirer de coups de feu était imminente. Cette fois-ci, les gens ne verront ni fusils ni canons, et n’entendront pas les combats sur les champs de bataille, mais le résultat final de cette guerre déterminera le sort de la Chine.
Que la Chine en soit consciente ou non, qu’elle soit prête ou pas, elle se trouve déjà en pleine guerre non déclarée des monnaies. Ce n’est qu’en décryptant le plus précisément possible les intentions, les objectifs et l’orientation des banquiers internationaux, qu’il sera possible d’élaborer des stratégies efficaces adaptées. Les deux objectifs stratégiques fondamentaux des banquiers internationaux en Chine sont de contrôler l’émission de sa devise et d’organiser la désintégration contrôlée de son économie. La mise sur pieds d’une devise mondiale et d’un gouvernement supranational dirigé par l’axe Londres/Wall Street supprimera le dernier obstacle aux rêves de contrôle absolu des banquiers internationaux. Tout le monde sait que le monopole de l’offre d’une marchandise permet de réaliser des bénéfices maximums. Et, la monnaie est une « marchandise » dont tout le monde a besoin. Si quelqu’un peut monopoliser l’émission monétaire d’un pays, ses profits deviennent illimités. C’est dans ce sens que les banquiers internationaux se creusent la cervelle depuis des centaines d’années. Leur plus grand rêve est de mettre la main sur le monopole de l’émission monétaire dans le monde entier.
Si l’on examine la situation globale, les banquiers internationaux disposent d’une force de frappe et d’une stratégie offensive évidentes. En revanche, l’analyse du secteur bancaire chinois, ses concepts financiers, ses ressources humaines, son modèle d’entreprise, son expérience internationale, son infrastructure technique ou son système juridique, révèle certes certaines faiblesses, mais dans un ordre de grandeur moindre que pour les banquiers internationaux qui manipulent les devises depuis des centaines d’années. Pour éviter une défaite complète, la tactique appliquée doit être : « Tu combats à ta façon, je combats à la mienne ». Il ne faut surtout pas se battre en fonction des règles de l’ennemi ! Dans cette guerre monétaire à 100 %, les belligérants n’ont que deux issues possibles : la victoire ou la défaite. Dans cette guerre, la Chine ne sera pas conquise par le « nouvel empire romain » ; en revanche, au cours de la bataille, elle peut réussir à engendrer un nouvel ordre monétaire mondial rationnel ».
Ces lignes sont très importantes car elles décrivent parfaitement la véritable cause des évènements que nous vivons aujourd’hui et qui est un affrontement entre ceux qui veulent maintenir à tout prix le système monétaire mondial uniquement basé sur l’émission monétaire créé à partir de reconnaissance de dettes publiques qui permettent de créer de l’argent à partir de rien, et ceux qui souhaite revenir à la stabilité monétaire que seule une monnaie possédant une valeur intrinsèque peut garantir.
Hong Bingsong, sur ce sujet, cite Robert Hemphil de la Réserve fédérale d’Atlanta :
« Si tous les prêts bancaires étaient remboursés, il n‘y aurait plus le moindre centime en dépôt en banque, ni la moindre pièce ou le moindre billet en circulation. C‘est une pensée déconcertante. Nous sommes totalement dépendants des banques commerciales. Il faut toujours quelqu‘un qui emprunte chaque dollar que nous avons en circulation, en espèces ou en crédit. Si les banques créent assez d‘argent synthétique, nous prospérons ; sinon, nous mourons de faim. Nous n‘avons absolument aucun système monétaire permanent. Lorsque l‘on a une vision complète du tableau, l‘absurdité tragique de notre impuissance est presque incroyable, mais c‘est bel et bien la réalité. C‘est le sujet le plus important que les personnes intelligentes peuvent étudier et sur lequel elles peuvent réfléchir. Son importance est telle que notre civilisation actuelle pourrait s‘effondrer à moins qu‘il ne soit amplement compris et que l‘on remédie à ses défauts très vite. »
Et l’auteur poursuit, comparant les deux types de monnaie :
« La nature de la monnaie peut être divisée en deux catégories : la monnaie endettée et la monnaie non endettée. La monnaie endettée est jusqu’à aujourd’hui le principal système monétaire légal des pays développés. Pour l’essentiel, il a été constitué par la monétisation de la dette du gouvernement, des entreprises et des particuliers. Le dollar en est l’exemple le plus typique. Les dollars sont créés en même temps que la dette, et détruits lorsque celle-ci est remboursée.
Chaque dollar en circulation est une reconnaissance de dette, et cette reconnaissance génère quotidiennement des intérêts, qui augmentent avec les intérêts composés. Vers qui ces intérêts astronomiques retournent-ils ? Vers le système bancaire qui a créé ces dollars. Les intérêts générés par ce dollar endetté se situent en dehors de la masse monétaire initiale, nécessitant inévitablement la création de nouveaux dollars, endettés, pour ajuster la masse monétaire. Autrement dit, plus les gens empruntent de l’argent, plus il faut en créer. La dette et la monnaie se trouvent dans la même impasse et la conclusion logique est la suivante : la dette ne cesse d’augmenter, jusqu’à ce que l’on renonce complètement à la monétisation de la dette ou que les intérêts qu’elle génère écrasent le développement économique, conduisant à l’effondrement de tout le système.
La monétisation de la dette est l’un des facteurs potentiellement déstabilisateurs les plus graves de l’économie moderne. C’est grâce aux découverts que le futur répond aux besoins du présent. Un dicton chinois dit : « Manger en avril les grains récoltés en mai ». Un autre type de monnaie est la monnaie-argent qui représente la monnaie non endettée. Elle ne dépend ni d’une quelconque promesse ni de quelque dette que ce soit. Elle est le fruit du travail et fait partie intégrante de l’évolution des pratiques sociales depuis des milliers d’années. Elle ne nécessite pas d’être placée sous la contrainte d’un quelconque gouvernement, elle peut traverser les époques et les frontières. C’est le moyen de paiement ultime. Parmi toutes les monnaies, les monnaies d’or et d’argent représentent la possession réelle, tandis que la monnaie papier n’est qu’une « reconnaissance de dette ». Toutefois, la valeur conférée à l’or est tout a fait particulière ».
Que le lecteur veuille bien me pardonner l’ « aridité » de ces propos mais il a bien compris que, pour exister, le système de l’argent dette devait resté caché pour la quasi-totalité de l’humanité. On constate également que le système monétaire actuel ne peut se maintenir qu’à la condition de créer sans cesse des dettes qui généreront de plus en plus d’intérêts qui seront payés par les contribuables. Or, les banquiers estiment que plus un pays est endetté et plus le risque qu’il représente devient grand. Ils augmentent alors les taux d’intérêts, ce qui force ce pays à s ‘endetter davantage encore avec des taux de plus en plus élevés et il n’existe aucun moyen de sortir de ce cercle vicieux si ce n’est de se soumettre aux diktats du FMI et de la Banque mondiale qui feront main-basse sur tout ce qui reste de richesses à ce pays.
Un autre système monétaire adossé à l’or devient nécessaire
De Gaulle a été un des premiers à dénoncer le système actuel dans une conférence de presse en février 1965. Sa conclusion était que le retour à l’étalon-or allait nécessairement s’imposer. Hong Bingsong est sur la même position : « L’or et l’argent possèdent déjà une crédibilité naturelle et une acceptation inégalée depuis des millénaires. Avec un système monétaire reposant sur l’or et l’argent, le chemin menant au statut de devise de réserve mondiale s’en trouvera raccourci. Laissons cette idée nous gagner et explorons les profondeurs de ses méandres ! Si le gouvernement chinois et son peuple se proposaient d’acheter tous les ans pour 200 milliards d’or, en comptant l’once à 650 dollars, la Chine pourrait en acheter 9 500 tonnes, ce qui équivaudrait à acheter en un an [plus que] toutes les réserves d’or américaines [8 136 tonnes]. Au début de la bataille, les banquiers internationaux essaieront désespérément d’étouffer le cours de l’or au moyen d’instruments financiers dérivés ».
Il paraît important, à ce stade, d’avoir à l’esprit que la monnaie-dette est avant tout un instrument destiné à permettre aux banquiers mondialistes de dominer la planète en asservissant les peuples par la dette. La démarche de la Chine est basée sur le fait qu’elle a la certitude de devenir la première puissance économique mondiale dans les années qui viennent. Mark Carney, alors gouverneur de la Banque d’Angleterre a clairement dit dans son discours d’août 2019 lors de la réunion annuelle des banquiers centraux à Jackson Hole que la monnaie internationale avait toujours été celle de la puissance économique dominante. Il reconnaît implicitement le rôle de la Chine qui semble avoir suivi à la lettre les prescriptions de Hong Bingsong de 2006 :
« Les premiers éléments constitutifs sont là. La Chine est d’ores et déjà la première nation commerçante du monde, devançant les États-Unis au début de cette décennie. Et le Yuan est maintenant plus courant que la livre sterling dans les contrats à terme de référence sur le pétrole, bien qu’il n’ait aucune part sur le marché avant 2018.
L’utilisation accrue du Yuan dans le commerce international conduit également à son utilisation croissante dans la finance internationale. Cela a été rendu possible par les réformes des systèmes monétaire, de change et financier de la Chine qui ont libéralisé et amélioré l’infrastructure de ses marchés financiers, faisant du Yuan une réserve de valeur plus fiable. L’initiative des nouvelles routes de la soie pourrait favoriser davantage l’adoption du Yuan dans le commerce et la finance. »
Remarquons également que Mark Carney considère comme probable la venue d’un monde multipolaire : Si changement il y avait, ce ne devrait pas être pour échanger une devise hégémonique contre une autre. Tout système unipolaire est inadapté à un monde multipolaire ».
Nous sommes à la croisée des chemins. Le monde multipolaire est en train de devenir une réalité. Le dollar est de moins en moins utilisé pour les transactions internationales et de plus en plus de pays utilisent entre eux leurs monnaies nationales, imitant ainsi les BRICS+. Le bond du Trésor Américain, considéré comme le plus sûr, n’est plus à l’abri des variations des marchés et il y a 3 jours, la FED a dû remonter son taux à 4,50 % pour lui éviter une décote importante.
La bataille pour la monnaie est déjà commencée et oppose les tenants d’un monde monopolaire de moins en moins crédible à ceux du monde multipolaire qui représentent une écrasante majorité depuis que l’Amérique de Trump semble avoir choisi son camp.
Jean Goychman
Illustration: DR
[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
4 réponses à “Les banquiers mondialistes pris entre deux feux”
Hongbing Song a encore frappé ! Breizh Info est bien le seul aujourd’hui à pendre au sérieux cet auteur chinois marginal (d’autant plus marginal qu’il s’appelle en réalité Song Hongbing – les noms chinois sont parfois difficiles à maîtriser).
Prenez cette citation, si essentielle apparemment que vous la composez en gras : « Un banquier japonais souhaitant conserver l‘anonymat, et que j‘ai rencontré à la conférence de Paris du Conseil Mondial de l‘Or, en 1999, m‘a dit que le Japon n‘est pas autorisé à acheter de l‘or tant que les navires de guerre américains croisent dans le Pacifique pour protéger sa sécurité. » Prendre pour argent comptant (ou pour or comptant !) le propos verbal d’un banquier anonyme, recueilli dans un couloir il y a vingt-six ans et confirmé par personne, ce n’est pas sérieux !
Bien entendu, le système monétaire est complexe, et fragile pour cette raison même. Mais prétendre l’analyser en mille mots sur Breizh Info à la lumière de conceptions aléatoires remontant à 1999, c’est mission impossible.
Le livre de Hong Bingsong est passionnant a lire , certes il est long et le lecteur doit faire des poses pour analysé ce qu’il vient de lire ; il explique parfaitement ce qui c’est passée depuis la créations des banques d’affaires jusqu’à maintenant et le lecteur ou la lectrice comprend vite que ce sont ces banques d’affaires qui dirigent réellement le monde , les politiques ne sont que des marionnettes ; toutes personnes qui se met en travers de leur chemin est éliminé impitoyablement sans scrupules , ces banques ont du sang sur leurs mains.
Demat, bravo, article très intéressant ; aux Patriotes nous disons comme les vrais gaullistes d’antan : un pays qui maîtrise sa monnaie est souverain ; d’ailleurs, le Général DE GAULLE courageusement a refusé en novembre 1968 de dévaluer le franc malgré l’aval de Jacques Chirac et de Georges Pompidou. Or, voici ce qui est dit dans le projet du parti « les Patriotes sur l’EURO : » Abandonner l’euro et revenir à une monnaie nationale. L’euro s’est montré incapable de nous protéger contre l’inflation. Il s’agissait pourtant du dernier argument mensonger encore avancé par les défenseurs de la monnaie unique, alors que les promesses initiales sur la croissance et le plein emploi s’étaient depuis longtemps révélées fausses. Avec une monnaie nationale, nous pourrons redonner de la compétitivité à notre économie et donc renouer avec la croissance et la hausse des revenus. » Je vous laisse méditer et écouter la chanson pour se divertir des Who : Pinball Wizard ; « https://www.youtube.com/watch?v=hHc7bR6y06M »
Cher Pschitt, je crois que Poulbot vous a répondu. Vous affirmez des choses mais vous ne démontrez rien.Si vous voulez critiquer le livre, faîtes-le, mais avec des arguments réels.
Hongbing auteur marginal marginal? Son bouquin s’est vendu à plusieurs millions d’exemplaires.
Cela dit, vous etes en droit de défendre la système de monnaie-dette si cela vous chante…